Chiara Lubich

Une vie pour l’unité : Chiara Lubich et les Focolari.

L’unité a été la passion de Chiara Lubich et reste celle du mouvement qu’elle a suscité : les Focolari. « Ensemble, nous pouvons » a été sa devise, sur la base de l’Evangile vécu. Sa vie et sa pensée ont touché des personnes de toutes les Eglises.

Elle a parcouru un chemin cherchant la communion entre tous. Un chemin fait aussi de souffrance, faisant écho à celle de Jésus crucifié, qui a assumé toutes les divisions et que C. Lubich a mis au cœur de sa spiritualité. Mais en vivant son amour, le Ressuscité se manifeste au milieu de nous. Le « focolare » – l’âtre en italien – est ce lieu communautaire où le Christ vivant peut s’infiltrer. D’innombrables personnes y ont vécu un vrai dialogue et ont été encouragées à s’engager sur la voie de l’unité.

 

Un tour de Trente sur les pas de Chiara Lubich

Le  jour du troisième anniversaire du départ de Chiara Lubich vers l’autre vie, le 14 mars 2011, j’ai fait un tour de Trente un peu particulier. C’était lors d’un congrès voulant honorer son engagement œcuménique. Nous étions une vingtaine provenant de diverses Eglises. Non pas la visite des palais et des musées, mais des lieux importants où Dieu a versé son amour dans le cœur de « Chiara » (beaucoup la désignent ainsi, par son prénom) et de ses premières compagnes.

Née en 1920 à Trente,  Chiara a passé son enfance Piazza S. Maria Maggiore. Vie sereine, mais aussi de pauvreté. « Je me suis sentie riche de cette expérience, je savais ce que voulait dire être pauvre. Plus tard, j’ai pu comprendre et aimer les pauvres… », écrit-elle.

Dans cette Eglise S. Marie Majeure a eu lieu la troisième phase du  concile de Trente, qui scella la division de la chrétienté occidentale au 16e siècle. Chiara y fut baptisée, elle qui allait devenir constructrice d’unité entre les chrétiens.

Dans sa jeunesse, Chiara disait : « Je voudrais voir cette ville enflammée de l’amour de Dieu ».

Diplômée, elle enseigne dans un village dans les montagnes, puis dans un institut pour orphelins à Trente. C’est là qu’un capucin, le père Casimir (aujourd’hui âgé de 98 ans), lui dit : « Dieu t’aime immensément. Ne l’oublie jamais ». Ce fut un coup de foudre : « Je sais  maintenant qui est Dieu. Il est amour…c’est notre grande découverte…Nous la communiquons à tous ».

Avec douceur Jésus l’attire à lui. Après avoir raté de peu l’examen d’entrée à l’université qui lui aurait permis d’obtenir une bourse, elle a  senti Jésus lui dire : « C’est moi qui serai ton maître ». Et un jour, alors qu’elle avait fait un geste d’amour pour sa mère, elle a entendu : « Donne-toi tout à moi ».

Le jour de sa consécration dans une chapelle en présence du P. Casimir, le 7 décembre 1943, elle écrit « J’avais comme traversé un pont qui s’est écroulé et je ne pouvais plus revenir en arrière ».

« Sans ce oui de Chiara, nous ne serions pas ici aujourd’hui », dit notre guide devant cette chapelle.

Qui entendait Chiara était frappé par la vie qui transparaissait en elle. Quelques jeunes se joignent à elle. Ils se communiquent les expériences de l’Evangile.

Le 13 mai 1944, un bombardement avait rendu sa maison inhabitable. « Tout est vanité » lui disait son frère Gino devant les cadavres entassés dans l’hôpital. Mais Chiara sait que Dieu seul est. Tout passe et ce qui demeure est le peu d’amour de Dieu que nous recueillons dans notre cœur. Elle aimait citer la parole de Virgile : « Omnia vincit amor » (L’amour vient à bout de tout).

Au milieu de toutes les destructions, le premier « Focolare » se constitue spontanément, sur la place des Capucins. « Le Christ nous disait de vivre pour lui. Entre nous se réalisaient les paroles de Jésus : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Silencieusement, il s’était infiltré au milieu de nous ».

Chiara et ses premières compagnes (les « focolarines ») se tournent vers les pauvres, parce qu’en eux le Christ les attend. Tout ce qu’elles reçoivent est distribué tout de suite. Et Dieu répond à leur générosité, en leur donnant des signes de sa sollicitude.

Souvent, les jeunes femmes se retrouvent dans les abris lors des bombardements de Trente. Elles emportent  uniquement l’Evangile avec elles. Un soir dans une cave, à la lumière d’une bougie, elles lisent la prière de Jésus pour l’unité dans l’Evangile de Jean :  « En nous se forme la conviction que nous sommes nées pour l’unité. L’unité est devenue la charte de notre mouvement… », écrit Chiara, qui voyait déjà dans ses compagnes le mouvement naissant.

Après quelques mois, 500 personnes partagent l’idéal de Chiara et forment une communauté semblable aux premiers chrétiens.

En 1944, à la fête du Christ Roi de l’univers, sans se rendre vraiment compte de la portée de leur requête, Chiara et ses premières compagnes, réunies autour de l’autel à la fin de la messe, demandent à Dieu de réaliser à travers elles une phrase entendue dans la liturgie du jour : « Demande-moi et je te donnerai les nations comme patrimoine, en propriété les extrémités de la terre » (Ps 2,8). « Tu sais comment réaliser l’unité – lui disent-elles – nous voici, si tu le veux, sers-toi de nous ».

Cette spiritualité touchera la ville de Trente, toute l’Italie, le monde entier. Durant ce périple à travers Trente avec des personnes venant de toute l’Europe et de toutes les Eglises, j’ai eu l’impression que cette prière s’était réalisée aussi pour nous.

 

La Parole de Dieu, source de l’œcuménisme

Dans les premiers temps, Chiara Lubich invitait ses compagnes à vivre le passage de l’Evangile entendu durant la messe quotidienne.  Puis dans les abris, Chiara et ses compagnes n’avaient qu’un seul  livre, l’Evangile.

C’est cette primauté de la Parole de Dieu vécue qui a attiré les chrétiens des diverses Eglises. Plus tard, ce fut en effet une grande surprise de découvrir, durant une rencontre avec des luthériens que les effets de la Parole vécue sont les mêmes pour tous : à travers la Parole, le Christ prend corps en nous ; il aime en chacun…et c’est ainsi que se bâtit une unité spirituelle. En plaçant la Parole de Dieu au centre et en la vivant, Chiara a compris l’importance de la Parole de Dieu dans l’œcuménisme. Tout part d’elle.

De cette époque naît l’habitude de choisir chaque mois un verset biblique, d’en faire un bref commentaire et d’inviter à le vivre et à en partager les expériences. Cette pratique a fait naître de nombreux groupes œcuméniques.

 

Autres réalités oecuméniques

Avec le mouvement qu’elle a contribué à faire naître, Chiara a été ferment de communion dans toutes les Eglises et récemment également entre communautés et mouvements, comme en témoigne Ensemble pour l’Europe, un « mouvement des mouvements », qu’elle a contribué à susciter à la fin de sa riche vie.

Je n’oublierai pas le dialogue théologique. « Vivre ensemble et ne pas trop parler, voilà ce qui est important », disait Athénagoras à propos des théologiens.  Toutefois, Chiara estimait qu’il y avait une doctrine dans sa spiritualité.  A partir des années 1980, elle a proposé à des théologiens de l’approfondir. « Dans le dialogue oecuménique, il faut toujours partir des bases communes », affirmait-elle.

Des évêques et responsables de différentes Eglises vivent également cette spiritualité de communion. Chaque année, depuis bientôt 20 ans, ils passent une semaine ensemble pour approfondir leur amitié.

Peu de temps avant sa mort, Chiara a reçu la visite du patriarche Bartholomée, du secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises et a obtenu un doctorat honoris causa en œcuménisme de l’université de Liverpool. Ce sont trois signes, entre autres, de l’impact de l’engagement de Chiara pour l’œcuménisme.

 

Une spiritualité de communion

L’Evangile vécu par Chiara l’a conduite à une double découverte : celle de Jésus crucifié et abandonné dans chaque douleur et vide, puis celle du commandement nouveau. En le vivant, la lumière de Jésus ressuscité est parmi nous. Son grand secret est « Jésus abandonné ». L’unité reste une utopie si on ne regarde pas à lui.

Cette spiritualité me donne une grande espérance pour avancer sur le difficile chemin de l’oecuménisme. Que faire dans les crises, les tensions, les manques d’unité ? Chiara m’a fait connaître quelqu’un de grandiose : Jésus abandonné. Saint Paul en parlait déjà, mais Chiara a découvert l’abandon de Jésus dans toute sa profondeur. Pour elle, la voie de l’unité passe par lui : « Seul Jésus abandonné qui a tout perdu, peut nous enseigner à nous détacher de tout, pour comprendre  le don que l’autre nous fait…L’Eglise de l’avenir sera une avec beaucoup de couleurs différentes. Mais sans Jésus abandonné on ne pourra rien faire ».

Martin Hoegger

Article publié dans la revue Unité des Chrétiens, 169, 2013/1

Deux livres de Chiara Lubich

Pensée et spiritualité, Nouvelle Cité, Montrouge, 2003

Une spiritualité de Communion, Nouvelle Cité, Montrouge, 2004

Un livre sur Chiara Lubich

Armando Torno,  Chiara Lubich, Une vie au service de l’unité de la famille humain. Nouvelle Cité, Bruyères-le-Chatel, 2011

« Recoudre l’unité déchirée ». Une rencontre œcuménique des Focolari.


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