Anges et bergers

L’Evangile des anges. Luc 2,8-20

Les anges annoncent « une Bonne Nouvelle qui réjouira tout le peuple ».

Cet « Evangile des anges »,  j’aimerais, ce jour de Noël, le méditer en quatre étapes:

  • Un Evangile de confiance  
  • Un Evangile d’humilité  
  • Un Evangile de lumière. 
  • Un Evangile de fraternité  

 

Un Evangile de confiance : N’ayez pas peur !

« Ils eurent très peur »

L’Evangile des anges commence par une invitation à la confiance. « N’ayez pas peur ! »

D’où viennent les peurs des bergers et nos peurs ? Nous sommes entrés dans un temps où la peur est davantage présente qu’autrefois.

Une grande lumière durant la nuit, comme celle qu’ont vu les bergers peut faire peur. Chez nous des personnes se cachent dans des jardins publics pour dormir, même en hiver. Parfois la police arrive et éclaire ces lieux avec de grands phares. Ces personnes sont surprises et fuient.

La venue de l’ange crée un choc et une surprise. La peur peut surgir en nous quand nos habitudes sont mises à mal et nos points de repères déplacés.

Il y a tant de causes à la peur. Il serait fastidieux de les énumérer.

Parce que les gens ont peur, ils ne se rencontrent pas. C’est la peur qui empêche l’indigène de rencontrer le migrant, le riche d’accueillir le pauvre, le sage de se laisser enseigner par le simple, les personnes de religions différentes de dialoguer.

Mais autour de l’enfant dans la crèche se crée un espace où des personnes très différentes peuvent se rencontrer : bergers et mages, riches et pauvres, autochtones et étrangers, anges et êtres humains, terre et ciel, Dieu et l’humanité.

Pourquoi l’Evangile des anges apaise-t-il la peur ? Parce qu’il annonce à la terre paix et amour :

« Paix sur la terre pour ceux que Dieu aime » !

Or, ce que les anges annoncent se réalise. Un amour et une paix descendent dans le cœur des bergers et les transforment. La force de la Parole de Dieu est d’accomplir ce qu’elle dit. Contrairement à nos paroles souvent en l’air et blessantes, la Parole de Dieu apporte la lumière et la vie. Pour nous en convaincre, cette Parole s’est mise à parler notre langage depuis le premier cri de Jésus né sur la terre jusqu’à son dernier cri avant de naître au ciel (Jean 1,1ss).

A chaque Noël nous avons besoin de réentendre ce message si simple, si doux, si encourageant : nous sommes aimés par un Père qui désire que ses enfants vivent en paix avec Lui et les uns avec les autres.

 

Un Evangile d’humilité : Voici le signe

« …Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Après la gloire entourant sa venue, l’ange donne un signe. Un signe d’une grande humilité : un nourrisson non dans un palais mais dans une étable, couché dans une mangeoire, sans doute au milieu d’animaux. Après la surprise de la lumière, c’est une deuxième surprise, celle de la simplicité.

Tout l’Evangile allie, d’un bout à l’autre, ces deux surprises de la gloire et de l’abaissement. Marie dans le Magnificat en parle : « il a élevé les humbles » (Luc 1,52), comme Jésus :  « Celui qui se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le Royaume des cieux » (Mat 18,4).

A Bethléem Jésus a été ce petit enfant humble en qui le Royaume de Dieu se manifeste. Depuis la crèche jusqu’à la croix, il est ce Royaume qui n’est pas de ce monde. L’humilité est le signe de Jésus.

Dans un magnifique poème, Marie Noël (j’aime beaucoup son écriture) fait dire à Marie :

De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas

Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…

Ta bouche de lait vers mon sein tournée, 

O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée…

De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas

Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,

Ta mort d’homme, un soir, noir, abandonnée,

Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.

Un bébé tétant le sein maternel, un crucifié criant son abandon. Voici les deux signes donnés pour connaître Dieu et par lesquels nous pourrons vaincre et être sauvés.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui ? Si nous avons compris l’humilité de Dieu, nous le chercherons non dans les palaces, mais dans ceux qui ressemblent le plus à Jésus et avec lesquels il s’identifie. « J’étais malade, étranger, prisonnier, nu…et vous m’avez visité, accueilli, nourri, vêtu… » (Mat 25,40). L’Evangile des anges nous fait méditer sur cet appel de  Paul :  « n’aspirez pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble » (Rom 12,16).

 

Un Evangile de lumière : Un Sauveur qui est le Christ Seigneur

« La gloire du Seigneur les enveloppa de lumière »

Si l’Evangile des anges est d’abord un Evangile d’humilité, il est aussi un Evangile de lumière. La « gloire du Seigneur » la manifeste. Mais qu’est-ce que la gloire de Dieu ?

A l’époque le seul lieu où se manifestait la gloire de Dieu, était le temple de Jérusalem. Seuls les prêtres pouvaient la contempler. Encore devaient-ils prendre d’infinies précautions, car « nul ne pouvait voir Dieu et continuer à vivre ».

Or maintenant que le Christ est né, ce n’est plus dans un seul lieu que la gloire de Dieu se montre, ni à une seule catégorie de personnes. La gloire de Dieu, en quelque sorte, se démocratise. Elle apparaît en premier à de simples bergers, qui n’ont pas de toit, encore moins de temple !

Quel est cet Ange du Seigneur qui fait resplendir la gloire ? Pas un ange parmi d’autres ! A plusieurs reprises l’Ancien Testament parle de « l’Ange du Seigneur » pour désigner Dieu lui-même (Gen 16,7 ; 22,11 ; 3,2 ; Ex 23,23 ; Juges 6,22, etc.). La tradition chrétienne a vu dans cet ange particulier le Fils de Dieu lui-même avant son incarnation.

Maintenant qu’il s’est fait chair et est né (Jean 1,14), le Fils de Dieu est caché dans ce petit enfant, mais à certaines occasions il manifeste sa gloire à des personnes qu’il a choisies : ces bergers, trois disciples lors de sa transfiguration, des femmes et les disciples lors de sa résurrection.

En fait la gloire de Dieu, c’est la présence de Jésus Christ au milieu de nous. Les bergers sont les premiers à vivre la vérité de ses paroles : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mat 18,21).

Nous aussi nous pouvons aujourd’hui en faire l’expérience. Jésus ressuscité parmi nous est la lumière qui nous réchauffe, nous éclaire, nous fortifie. Il suffit de croire en lui et de vivre son Evangile de miséricorde. Il suffit de quelques miettes de pain et de quelques gouttes de vin pour faire l’expérience qu’il est Sauveur, Christ et Seigneur, comme l’annonce l’Ange. 

Sauveur, car il nous libère et nous unit.

Christ, car il verse en nous l’Esprit saint qui habite en plénitude en lui.

Seigneur, car il Dieu lui-même, la deuxième personne de la Trinité sainte, Emanuel, Dieu avec nous pour nous appeler à marcher sur un chemin d’humilité.

 

Un Evangile de fraternité : Allons donc jusqu’à Bethléem

…et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître !

Les bergers vont à Bethléem et découvrent l’enfant. Ils partagent ce qu’ils ont entendus et vus. Puis ils repartent en louant et en témoignant.

Ces bergers sont en quelque sorte déjà l’Eglise qui sert, célèbre et annonce la Parole de Dieu.

De quoi deviennent-ils témoins ? D’abord de cet enfant étonnant dont l’identité leur a été révélée par l’Ange. Etre chrétien, c’est mettre Jésus-Christ en premier dans sa vie.

Puis, ils deviennent témoins de ce qu’ils ont vu à Bethléem. Qu’ont-ils vu grâce à cet enfant ? Des relations nouvelles entre des personnes qui ne se seraient jamais rencontrées parce qu’elles ont peur les unes des autres.

L’enfant de Bethléem leur a donné de se rencontrer, de se comprendre, de s’encourager. Car sa langue est l’amour, son œuvre est la fraternité.

N’est-ce pas aujourd’hui le message essentiel de ce Noël. Sans fraternité il n’y a pas d’avenir ? L’urgence de la fraternité n’a-t-elle pas été réveillée par les événements récents des attentats ?

La crèche nous donne une icône de la fraternité. Elle donne un espace à chacun : riche ou pauvre, indigène ou étranger, savant ou simple, gens de religions différentes. Personne n’est exclu.

Il suffit de se rendre disponible, d’ouvrir les yeux sur cet enfant et de laisser son cœur se réchauffer. Il suffit, comme Marie, de méditer dans son cœur les paroles que nous avons entendues, les faire vivre en nous pour que nous soyons unifiés et guéris et que nous devenions des artisans de fraternité.

Oui, vivons l’Evangile des anges !

Un Evangile de confiance, d’humilité et de lumière. Un Evangile de fraternité à partager avec tous !

C’est dans cet esprit de fraternité que je vous souhaite un Noël très spécial où la naissance de Jésus nous donne la grâce de sentir son amour, la force de pardonner et de rétablir la paix, de naître chaque jour, de voir chacun avec les yeux de l’amour.

Que la lumière de Noël nous permette d’illuminer par notre vie le chemin des autres et qu’elle nous donne tous les jours plus d’amis, des frères et de sœurs de toute provenance !

Qu’elle nous fortifie pour les rassasier de pain et d’espérance et d’être en mesure d’apporter le sourire et la joie à beaucoup de cœurs !

Saint Loup, Noël 2015

Marie Noël : Berceuse de la mère Dieu

Mon Dieu qui dormez, faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat,
J’adore en mes mains et berce, étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.

De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.

Que rendrai-je à Vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? O Dieu, je souris tout bas,
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J‘avais une grâce et Vous l’ai donnée.

De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
Ô mon Fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De main, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encor gênée,
Ô mon Fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De chair, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
O mon Fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De mort, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… ô douleur, là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noire, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.

Marie Noël, “Berceuse de Noël”, dans “Le rosaire des joies”, Crès, 1930.
Editions Gallimard, Paris 1983.


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