Tempete apaisee

Surmonter la peur par la confiance, l’unité et la rencontre avec tous. (Luc 8,22-25)

Jésus apaise la tempête; miniature de l’Evangéliaire d’Echternach, Nuremberg, XIéme s.

« Saisis de crainte » : le temps de la peur

Nous sommes entrés dans le temps de l’inquiétude et de la peur.
Peur de l’arrivée massive de réfugiés et de migrants.
Peur du terrorisme islamique qui étend ses tentacules et ressemble à l’hydre de Lerne, cette créature mythologique monstrueuse à plusieurs têtes, qui se régénèrent doublement lorsqu’elles sont tranchées. Une hydre qui s’étend sur tous les continents : New York, Beslan, Boston, Londres, Madrid, Pakistan, Nigéria, Irak, Syrie. Et tout récemment Beyrouth, Paris et Bamako.
Quand montrera-t-elle une de ses têtes chez nous ? Arrivera-t-on à trancher toutes les têtes de cette hydre cruelle ?
Peur de la crise économique et d’un effondrement du système économique mondial ?
Peur devant les annonces de dégradation du climat de notre planète. Est-il déjà trop tard pour prévenir un réchauffement catastrophique ?
Tant d’autres peurs nous habitent encore. Il serait fastidieux de les énumérer.
La peur est une des émotions les plus fortes. Elle a deux petites sœurs qui sont la colère et la tristesse. Parfois elles cohabitent en nous lorsque nous sommes confrontés à l’adversité.
Dans la barque ballotée par les vagues du lac de Galilée, les 12 disciples ont peur, car ils sont sur le point de chavirer. Pourtant certains sont des pêcheurs expérimentés.
Leurs peurs symbolisent les nôtres, lorsque nous sommes dans une situation incontrôlable. Lorsque nous sommes confrontés aux limites de la mort, notre expérience ne nous sert plus à rien. La peur est une puissance qui nous paralyse ou nous pousse à des actions inconsidérées. Plein de sagesse est le proverbe qui dit que « la peur est mauvaise conseillère ».

« Où est votre confiance ? »
Pourtant Dieu ne nous abandonne pas à nos peurs. Jésus est dans le bateau en train de dormir. Il nous accompagne dans nos peurs. Les disciples ont attendu jusqu’à la dernière pour se souvenir qu’il est là. Ils voulaient se débrouiller seuls. Un des effets de la peur est de nous faire oublier jusqu’à l’existence de Dieu.
Jésus est là alors que se déchaîne l’adversité. Il est dans la barque mais il dort, sans se laisser troubler par la tempête.
D’où vient ce calme étonnant ? De sa confiance ! Et d’où vient sa confiance ? De sa communion avec le Père. Dans son sommeil, Jésus est comme cet enfant endormi dans les bras de sa mère. Avez-vous déjà remarqué qu’un petit enfant continue à dormir même s’il y a du vacarme autour de lui. C’est ainsi que Jésus est le Fils qui se remet entièrement à son Père.
Il vit dans la confiance totale en son Père, car il sait qu’en toutes choses il a fait sa volonté et a vécu sa Parole. Quant à nous, nos inquiétudes naissent dans notre cœur quand nous ne faisons pas la volonté de Dieu. Le contraire de la peur c’est la confiance et l’accomplissement de la Parole de Dieu.
Elargissons : au milieu de l’histoire, Jésus est là, plein de confiance. Cette confiance de Jésus dérange les puissances de notre monde. Jésus a autorité sur celles-ci et il nous donne son autorité pour les combattre.
La question qu’il pose à ses disciples, il nous la pose aujourd’hui. Elle reste une des questions les plus pertinentes : « où est votre confiance » ?
Quand j’ai pris connaissance des récents attentats de Paris, c’est la première chose à laquelle j’ai pensé. Ces tragiques événements ont été pour moi comme un appel à davantage de confiance en Dieu. J’ai pensé à ce que Jésus a répondu quand on lui a appris qu’Hérode avait fait massacrer des Galiléens : il a appelé ses auditeurs à se tourner radicalement vers Dieu, car la vie est courte et fragile. Nul ne sait ce que demain lui réserve.
Face à la peur, le plus urgent n’est pas plus de contrôle et de sécurité, mais plus de confiance en Dieu. Oui, je le redis : le contraire de la peur c’est la confiance.

« Réveiller Jésus »
Les disciples réveillent alors Jésus en lui disant « Maître, maître, nous sommes perdus ». Et Jésus se réveille. Et par sa parole il parle au vent et aux flots. Sa parole est puissante et apaisante. Elle a l’autorité même de Dieu. « Il apaise le mugissement des mers, le mugissement des flots » (1e lecture : Psaume 65,8). Alors qu’il montrait sa pleine humanité dans son sommeil, il manifeste maintenant sa pleine divinité. Et il suscite cette question : « Qui est-il donc, celui-ci ? Il commande même aux vents et à l’eau, et ceux-ci lui obéissent ».
Cette question reste la plus fondamentale. Qui est-il pour toi, pour nous aujourd’hui ?
Ce récit le montre comme le Dieu vivant, comme le Ressuscité qui agit par sa Parole créatrice, apaisante, transformatrice. Le verbe utilisé pour son réveil est en effet celui de la résurrection.
Ce récit nous révèle la force de la Parole du Christ, capable d’apporter un apaisement quand les éléments se déchainent. Le Christ ressuscité a reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre. Il parle et sa Parole réalise ce qu’il dit. Elle délivre de la peur, apaise la colère et panse les cœurs blessés.
Nous avons nous aussi à « réveiller » Jésus ressuscité au milieu de nous. Quand nous sommes ensemble nous avons toujours à faire mémoire de sa promesse : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux » (Mat. 18,21). Bien souvent nous pensons et agissons comme s’il s’était retiré de ce monde, comme si nos affaires ne l’intéressaient pas.
Vivre l’Eglise, c’est toujours à nouveau lui donner un espace au milieu de nous afin qu’il puisse donner sa lumière. Nous avons besoin d’être ensemble pour affronter les puissances de peur et d’oppression. Le meilleur rempart contre la peur est l’unité dans l’amour réciproque. Il y a une force et une lumière dans l’unité.
Vendredi et samedi dernier, quand m’est arrivée la nouvelle des attentats de Paris, je participais à une rencontre œcuménique internationale en Hollande (Ensemble pour l’Europe). Nous étions une centaine de chrétiens de 20 pays et de toutes les Eglises. Après un temps de silence, nous avons prié pour les victimes et leurs familles.
Dans cet être ensemble il y avait cette lumière et cette force. Celles de la présence du Ressuscité parmi nous qui se manifestait. C’était comme un deuxième appel que je percevais : chercher la plus grande communion possible entre chrétiens de toute l’Europe. Cette communion porte en elle la lumière, donne de mieux discerner ce que Dieu veut nous dire à travers les événements.

Passer sur l’autre rive
Après la tempête, le bateau aborde un territoire étranger, Gerasa. Jésus affronte là-bas d’autres forces, à travers un démoniaque, qu’il délivre de nombreux démons. Il lui apporte la paix et la raison, il le réintègre dans sa famille.
La fin de ce récit nous dit donc qu’il est venu pour tous et porte toute l’humanité dans son cœur, et qu’à sa suite, nous devenons des « ambassadeurs de réconciliation », comme le dit Paul (2e lecture, 2 Cor 5,17-21). Nous avons à rencontrer les autres, qui sont différents, les autres communautés aussi, dans cet esprit de réconciliation.
C’est aussi ce qu’est j’ai perçu fortement samedi dernier lors de cette rencontre : à savoir que notre responsabilité est de créer des ponts, d’aller à la rencontre des autres, quels qu’ils soient. C’était comme un troisième appel !
Dans cette rencontre, nous aurons parfois à nous protéger contre les forces du mal, à discerner les esprits qui veulent la division et la violence, à résister au Mauvais. Mais nous chercherons surtout à sortir de nous-mêmes, à vouloir la rencontre, particulièrement avec les plus pauvres et fragiles, à nous engager pour une société du vivre ensemble.
Jésus a passé sur l’autre rive pour nous appeler à aller à la rencontre avec tous. Mais il savait que cela n’allait pas de soi : que des forces d’opposition et d’oppression se manifesteraient. C’est pourquoi il nous donne maintenant sa confiance, sa lumière et son élan pour vivre et annoncer la réconciliation et pour bâtir la paix.
Que ces trois appels soient aussi trois grâces à invoquer :
Seigneur, verse en nous ta confiance dans le Père,
Fais de nous des bâtisseurs d’unité,
Envoie-nous pour vivre la réconciliation avec tous !

Saint Loup, 22 novembre 2015
Martin Hoegger


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