2017 06 29 08.18.39

La Maison de la fraternité.

Jésus dit à ses disciples : « N’ayez pas peur ! » (Jean 14,1-7) Il nous le redit aujourd’hui. Toujours il appelle à la confiance. Pourtant le moment de l’histoire que nous vivons est marqué comme peu d’autres par la crainte, le découragement et même la terreur. On parle de « chocs des civilisations ». Il faudrait se demander si nous sommes encore une civilisation.

Un petit livre est paru avec ce titre significatif : « Petits pas vers la barbarie » (Guy Cocq).
Parlons donc de « chocs des barbaries ! » Quelle est cette nouvelle barbarie de l’Occident ?
Je la vois dans les relations interpersonnelles avec l’idéologie dominante du « tout et tout de suite ».
Je la vois dans la destruction de la mémoire commune, l’indifférence envers les valeurs de la démocratie et la fuite des engagements dans la cité.
Je la vois dans la violence sur les terrains de sport et dans le langage, dans l’exaltation de la compétition effrénée.
Il suffit de penser aussi au terrorisme, aux attentats et aux guerres.

C’est dans ce monde apparemment sans espoir que Jésus nous redit : « ne soyez pas si inquiets ! »
S’il nous le dit, c’est que, malgré les apparences, il existe une lueur, un espoir.
Malgré la barbarie apparente, il existe un ferment de civilisation, un ferment caché, certes, mais un ferment réel.
Au delà des divisions de ce monde, Jésus voit une maison commune, où tous pourront habiter dans l’unité et dans la garantie de leur diversité.
Il l’appelle la maison de mon Père. Dans cette maison il y a beaucoup d’endroits pour chacun : unité dans la diversité (Jean 14,2)
C’est vers cette maison commune que le monde marche, pas vers la désintégration. Arriver au seuil de cette maison, c’est la grande attente des hommes d’aujourd’hui.

Signes d’une « Maison commune »

De nombreux signes en témoignent, dans les domaines religieux, social et politique.
Les Eglises autrefois distantes, voire hostiles les unes aux autres sont engagées sur un chemin de réconciliation irréversible. L’existence du Conseil œcuménique des Eglises avec plus de 350 Eglises membres en est un signe.
La semaine dernière, j’ai participé à l’Assemblée de la communion mondiale des Eglises réformées, à Leipzig. 400 délégués venant de plus de 100 pays m’ont montré l’unité et la diversité de cette famille spirituelle.
Les différentes religions se rencontrent également dans différents lieux de dialogue comme à Assise ou à la Conférence mondiale des religions pour la paix.
Un autre signe de la marche vers cette maison commune nous est donné par la politique. Presque tous les états de la planète travaillent en vue de relations plus profondes les uns avec les autres. Et les organisations internationales indiquent clairement cette orientation.
Il en va de même avec le sport. Il suffit de penser aux Jeux Olympiques ou au Mondial du Foot.
Les moyens de communication comme la télévision ou internet font du monde un grand village, alors que la mondialisation économique crée une interdépendance entre tous…pour le meilleur et le pire.

La pâte de notre monde est soulevée par un ferment qui lui donne progressivement la forme d’une grande maison, même si, à court terme, certains événements peuvent nous inquiéter, même si certaines portes semblent fermées.
Le plan de Dieu, nous dit Jésus, c’est que tous puissent avoir place un jour dans la maison de son Père.
Il nous demande de ne pas nous inquiéter. Il nous donne donc une responsabilité. Celle d’être d’abord des témoins de la confiance, et non des maîtres de l’inquiétude.
Il nous invite à construire avec lui dans la confiance cette maison commune.
Même en dehors du christianisme, des grands hommes ont parlé de cette unique maison de l’humanité. Gandhi disait : « La règle d’or est d’être amis du monde et de considérer « une » la famille humaine. »
Mais celui qui donne la clé pour entrer dans cette maison de la fraternité, c’est bien Jésus. Il nous révèle comment détruire tous les murs qui séparent les amis des ennemis.
Avant de mourir il a prié pour l’unité de tous et il a donné sa vie dans ce but : nous réconcilier les uns avec les autres et nous révéler que Dieu est Père.
En lui les hommes et les femmes sont tous frères et sœurs entre eux, tous appelés à habiter dans la maison du Père.

« Liberté et Patrie »

La fraternité à laquelle Jésus nous appelle commence ici, dans notre commune, notre canton et notre pays. Elle est d’abord locale puis elle s’ouvre à l’universel. Elle ne peut être universelle que si elle est enracinée dans le local et le familial.
Rappelons-nous que les armoiries de notre canton portent la devise « Liberté et Patrie ».
La patrie vient du mot père. Elle est cette maison temporelle où nous pouvons construire des relations fraternelles sur le territoire que l’histoire nous a légué.
La patrie, c’est la maison de nos pères, que nous voulons transmettre aux enfants de nos enfants. C’est le lieu où nous voulons vivre en paix avec tous nos frères et sœurs.
La patrie implique donc la fraternité. Et la fraternité ne va pas sans la liberté et l’égalité. Seul un frère peut reconnaître une pleine liberté et une parfaite égalité à son frère.
Or, si les valeurs de liberté et d’égalité ont été plus ou moins appliquées, on est encore loin de la réalisation de la fraternité.
Chaque jour des guerres et des conflits économiques, culturels et religieux montrent l’échec de la politique, donc de la fraternité.
Que notre patrie soit l’espace où l’on s’exerce à considérer chaque personne comme notre frère ou sœur, voilà pourtant l’idéal contenu dans ce mot.

Le chemin de la fraternité
Comment susciter la fraternité avec tous là où nous vivons ?
Jésus nous dit : « vous en connaissez le chemin ». Mais Thomas, l’incrédule, lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment est-ce que nous pourrions connaître le chemin ?
Jésus lui répond : Je suis le chemin, la vérité et la vie. »
Quand Jésus parle du chemin, il parle de son chemin. Et nous savons quel a été le chemin de Jésus : celui du service, de l’humilité et du sacrifice.
Jésus dit « Je suis le chemin » juste après avoir lavé les pieds de ses disciples. Puis il leur dit : « si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné un exemple. »
Voilà le chemin qui conduit à faire de notre patrie un lieu de fraternité. Devant chaque personne dans le besoin, c’est comme si le Christ criait « j’ai soif ». Devant chaque pauvreté, c’est comme si c’était lui qui nous appelait.
Bien que cela paraisse paradoxal, porter un fusil, comme vous le faites aujourd’hui, doit être un acte de fraternité. C’est le symbole de la force qui est souvent nécessaire pour protéger les plus faibles.
Nous constatons malheureusement chaque jour combien utilisent la force pour opprimer les plus faibles. Mais l’absence de force conduit à l’anarchie et fait encore plus de mal aux petits et aux innocents.

Un jour un prophète a rêvé que les hommes transformeront leurs épées en charrue et que les nations ne s’élèveront plus contre les nations (Michée 4,3, Martin Luther King). J’ai fait aussi un rêve : celui d’une foule immense.
Elle marchait vers une grande maison sur le seuil de laquelle était écrit « l’amour triomphe de tout ». C’était la Maison du Père. Que la promesse de cette Maison nous inspire à construire des îlots de fraternité dans les maisons de notre patrie !
Demandons à Dieu d’ôter toute crainte de notre cœur et qu’il nous accorde sa force pour être des serviteurs de la fraternité !

Sermon donné lors de l’Abbaye de Crassier. Une « Abbaye » est, dans le canton de Vaud, une société de tir. Tous les deux ou trois ans elle organise un concours de tir durant une semaine. Elle se conclue par une journée de fête qui commence par un culte dans l’Eglise de la ville ou du village.  


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