e riche et le pauvre lazare

Qu’as-tu fait de ton frère Lazare? Luc 16

Les pauvres au paradis et les riches en enfer ! Telle serait la conclusion d’une lecture hâtive et simpliste de cette parabole. Il est vrai qu’elle nous parle, sous forme imagée, de ce qui se passe après la mort. Cependant son intention n’est pas de nous tourner vers le futur, mais de nous rendre extrêmement attentif au présent et, plus particulièrement à la personne que je rencontre dans le quotidien.

1. Quels sont les appels du présent ?

Ce Lazare couché devant la maison du riche, qui est-il ? D’abord il est couché, en travers de ma vie. On ne peut pas ne pas le voir. Il souffre, il est en manque. Il est pauvre.
Est-ce cet homme, qui, aux feux de circulation passe de voiture en voiture et me demande un peu d’argent ? Est-ce ce jeune qui, à l’entrée de la COOP me vend son journal réalisé par les chômeurs en fin de droit ? Est-ce ce requérant d’asile qui frappe à la porte de mon bureau et cherche un petit travail ? Est-ce ce SDF, assis pendant plusieurs heures, un soir d’hiver, sur le banc à l’entrée de l’Eglise ? Est-ce cet aveugle qui me demande de l’aider de traverser la rue ? Est-ce mendiant qui me tend la main en me fixant de son regard ? Est-ce cette personne soutenue par les services sociaux, toujours triste et déprimée ?

Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin, pour rencontrer des personnes qui nous rappellent le Lazare de la parabole. Elles nous disent que nous vivons dans une société où se côtoient de grands contrastes de plus en plus visibles. Sans parler des inégalités entre nos pays et ceux du sud, où crie des millions de Lazare.

Lazare est une personne dans le besoin. Il ne peut vivre sans les autres, même si les autres croient pouvoir vivre sans lui. Donc des Lazare, il y en a partout, dans chaque famille. Lazare n’est-il pas ces enfants, ce conjoint à qui on refuse notre présence pour nous livrer au sport, au travail, à la télé, à aux activités d’une société ou même de l’Eglise? N’est-il pas cette tante un peu oubliée, à qui un coup de fil ferait tant plaisir ?

2) Le riche de la parabole ne se soucie pas de Lazare. Pourquoi ?

On lit qu’il vivait pour faire la noce. Ce n’est pas le fait qu’il soit riche, ni qu’il aime les bons repas, qui est critiqué par Jésus. Jésus dévoile plutôt son attitude fondamentale, révélée par son mépris envers le pauvre. Les banquets, le luxe sont devenus les buts de sa vie. Pour d’autres ce seront d’autres tables que celles d’un banquet : table du banquier, table du travail, table du hobby, table du poker…

Alors l’autre n’est plus un prochain (une personne dont on s’approche), mais devient un outil, un moyen pour arriver à ce but et on écarte tous ceux qui sont des obstacles.

Le riche a oublié qui est vraiment Lazare : un être humain, créé à l’image de Dieu. Donc une personne aimée infiniment par le Père céleste, donc à respecter et à aider. C’est le regard sur l’autre qui doit changer. Chaque personne, si elle est image de Dieu, me donne Dieu.

C’est le sens du nom de Lazare : « Dieu m’aide ». Ainsi en acceptant d’aider Lazare, le riche se serait vu aidé par Dieu. Il aurait découvert que le sens de sa vie ne se trouve pas dans la consommation à outrance, mais dans la rencontre vraie avec autrui et avec Dieu – ou plus précisément dans la rencontre avec Dieu à travers autrui, reflet de son image.

Cette histoire de S. François D’Assise l’illustre : « François se promenait un jour à cheval dans la plaine qui s’étend auprès d’Assise et il trouva un lépreux sur son chemin. A cette rencontre inopinée, il éprouva, d’horreur une intense commotion, mais se remettant en face de sa résolution de devenir « soldat du Christ », il sauta de cheval pour embrasser le malheureux. Celui-ci, qui tendait la main pour une aumône, reçut avec l’argent un baiser. Puis François se remit en selle. Mais il eut beau, ensuite, regarder de tous côtés – et cependant aucun accident de terrain ne gênait la vue -, il ne vit plus le lépreux. Plein d’admiration et de joie, il se remit à chanter les louanges du Seigneur. François non seulement donnait de grand cœur au premier venu les aumônes qu’il avait reçues, quitte à se passer même du nécessaire, mais il appelait cela faire une restitution, comme s’ils en avaient été les propriétaires ». (Bonaventure de Bagnoregio).

Et Jean Chrysostome écrit : « Tout ce que nous déposons entre les mains des pauvres, nous le déposons dans un grenier sûr, dans la main de Dieu…Je vous encourage à vous rappeler le plus important : ne pas donner de nos biens aux pauvres, c’est les voler et attenter à leur vie. Souvenez-vous que nous ne retenons pas ce qui nous appartient, mais ce qui leur appartient. »

3) Notre frère Lazare, la chance de notre vie.

« Qu’as-tu fait de ton frère Lazare? », c’est la question qui sera posée à chacun quand « au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour », (Jean de la Croix). Mais tant qu’il fait jour, nous sommes appelés à voir et à rencontrer Lazare sur nos chemins et dans nos maisons. Et pour le rencontrer en vérité, nous avons à nous détourner de nous-mêmes, de nos égoïsmes. Ce que la Bible désigne par le terme « conversion ».

Nous tourner vers Lazare, comme nous nous tournons vers Dieu. Dans un même mouvement nous tourner vers Dieu, que nous rencontrons dans Lazare, dans les Ecritures (« Moïse et les Prophètes ») et dans la communauté fraternelle.
Lazare est donc une chance qui m’est redonnée à chaque fois que je le rencontre. Pour vivre et écrire mon histoire, je n’ai que ce temps, ici-bas. L’éternité n’apporte rien d’autre que ce que j’ai vécu. Et si peut-être je n’ai pas réussi à rencontrer Lazare aujourd’hui, pas de découragement, ni de résignation ou de culpabilisation ! Il ne manquera pas de jours où d’autres Lazare me seront donnés.

Mon attention en sera même davantage aiguisée, car Dieu nous répond quand nous lui demandons de nous aider à rencontrer notre prochain dans la vérité. Si le fossé qui me sépare de lui paraît décidément infranchissable, je me souviendrai que la croix de Jésus est la passerelle, qui franchit tout obstacle, qui a détruit toute inimitié, qui a réconcilié riches et pauvres.

Béni sois-tu, Seigneur pour ta Parole qui éclaire notre chemin.
Cette Parole, c’est toi : tu es entré dans notre monde,
tu es né pauvre parmi les pauvres,
tu as vécu parmi nous,
tu t’es identifié aux plus démunis,
tu as témoigné à tous de la bonté,
tu as guéri les malades, nourris les affamés,
libéré les prisonniers, apaisé les angoissés.
Jusqu’à l’extrême tu n’as cessé d’aimer.
C’est pourquoi la mort n’a pas pu te retenir.
Tu es ressuscité et désormais tu vis parmi nous
et viens déposer en nous ta vive charité.

Nous te prions les uns pour les autres.
Fais flamboyer en nous et parmi nous l’Esprit de consolation.
Donne-nous de prendre au sérieux ta Parole,
d’y adhérer de tout notre cœur et d’être fidèles à ses appels,
surtout lorsque nous avons à nous tenir sous ta croix !
Que nous en fassions la fleur de nos pensées,
le miel de nos désirs, l’harmonie de nos chants.
Qu’avant tout nous cherchions à la vivre
en nous encourageant les uns les autres,
en nous pardonnant, en faisant le premier pas,
en n’excluant personne et nous mettant à la place d’autrui.

Alors ta Parole deviendra non seulement
lumière qui éclaire nos vies,
mais force d’attraction qui rayonne dans le monde.

 


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