colombe et feu pentecote

L’échange des dons spirituels: la pensée d’Oscar Cullmann

Si, dans la métaphore du corps, l’apôtre n’a en vue que les membres individuels de la communauté et non les Églises elles-mêmes, Oscar Cullman, ce grand œcuméniste protestant, estime qu’étendre le texte de la première aux Corinthiens à celles-ci est certainement conforme à la pensée paulinienne.

Chez Paul, dit-il, dans chaque Église locale l’Église une est présente, mais avec des couleurs et des charismes divers : « Utilisons une comparaison. Le corps forme un tout, et pourtant, il a plusieurs parties. Malgré leur nombre, toutes les parties du corps ne forment qu’un seul corps. Pour le Christ, c’est la même chose… Vous, vous êtes le corps du Christ, et chacun de vous est une partie de ce corps » (1 Cor 12,12,27).

Voici ce qu’il écrit dans « L’unité par la diversité », un livre qui a marqué la réflexion œcuménique dans les années 80 : « Conformément à sa nature même, le Saint Esprit exerce une action diversifiante…C’est dans cette diversité que réside la richesse de la plénitude du Saint Esprit. Quiconque ne respecte pas cette richesse et veut l’uniformité pèche contre le Saint Esprit ».1

Culmann pense que chaque Église, au cours du temps a développé un charisme caractéristique. Toutefois, un charisme particulièrement développé dans une Église n’est, généralement, pas complètement absent dans l’autre, mais il ne la marque pas de son empreinte d’une façon caractéristique.

Quels sont alors les charismes caractéristiques dans les diverses Églises ?

Les charismes typiques du protestantisme sont d’une part la concentration sur la Bible, d’autre part la liberté chrétienne qui favorise l’ouverture au monde. Les charismes essentiels de l’Église catholique paraissent être l’universalité, au sens spatial et temporel, d’autre part, l’institution et l’organisation qui lui permettent de s’adresser à ses membres et au monde avec l’autorité nécessaire et qui, en dépit de variantes possibles, crée une unité de structure. Comme charisme de l’Église orthodoxe il voit l’approfondissement théologique de la notion du Saint Esprit et la conservation de formes traditionnelles de liturgie.

Tous ces charismes risquent d’être déformés. Chez les protestants la concentration sur la Bible peut devenir étroitesse. Le renoncement à tout magistère peut aboutir à un pluralisme produisant un éparpillement doctrinal paralysant. La liberté risque de devenir anarchie et l’ouverture au monde soumission servile à celui-ci, une fausse adaptation aux mœurs. Alors les faiblesses humaines, au lieu d’être, comme dans l’Évangile, pardonnées, sont justifiées.

Dans l’Église catholique, le charisme de l’universalité peut succomber à la tentation de prétendre être seule à posséder la plénitude de l’Évangile et à en être le garant. Un autre danger du rayonnement de l’Église catholique est l’intégration d’éléments inassimilables, qui ne sont pas contrôlés par la vérité fondamentale de l’Évangile. Le charisme de l’organisation peut se dégrader en institutionnalisme et en totalitarisme. « L’Esprit est étouffé, alors que le charisme de l’institution, au contraire, est destiné à l’entourer d’un rempart protecteur pour le mettre à l’abri des excès anarchiques ».

Quant aux déformations des charismes de l’Église orthodoxe, on peut les voir dans un certain raidissement et formalisme. O. Cullman conclut : « Mettre en garde contre les déformations des charismes me paraît être une nécessité particulièrement importante, car ce sont ces déformations qui engendrent les divisions hostiles, tandis que les charismes, précisément par leur diversité, créent l’unité ».2

En conclusion je dirais qu’il faut que les charismes soient échangés, que les Églises s’ouvrent les unes aux autres pour que les charismes ne se déforment pas mais soient des dons les uns pour les autres. Quand on se centre sur le Christ mort et ressuscité, Celui-ci, présent au milieu de nous, nous donne de nous enrichir des charismes les uns des autres et nous préserve de déformer ceux qu’il nous a donné. C’est pourquoi la démarche de JC2033 qui se centre sur le Ressuscité a une grande signification œcuménique.

 

Mémoire et actions de grâce : un exemple d’échange de charismes

Dans la Cathédrale de Lausanne, le 23 janvier 2000


Devant Dieu, nous faisons mémoire avec reconnaissance pour l’Église catholique.

Dieu Vivant, merci pour l’Église catholique !
Malgré sa prétention parfois, dans le passé, à se croire l’unique Église universelle et malgré sa tentation parfois à être oppressive par sa hiérarchie,
par ta grâce, et peut-être plus que dans toute autre Église,
tu as maintenu vivantes en elle une exigence d’ouverture à tous et la volonté de garder et de trouver une unité visible pour ton Église.
Merci pour ces innombrables catholiques qui, à travers les siècles et jusqu’à ce jour, t’ont célébré avec fidélité et servi leurs prochains avec générosité.
 

Devant Dieu, nous faisons mémoire avec reconnaissance pour l’Église réformée.
Dieu Vivant, merci pour l’Église réformée !
Malgré sa tentation parfois dans le passé à s’accommoder trop facilement en son sein d’interprétations excessivement  rationnelles,
par ta grâce, et peut-être plus que dans toute autre Église,
tu as maintenu vivantes en elle une volonté d’étudier avec application la Bible et la préoccupation de respecter la liberté de conscience de chacun.
Merci pour ces innombrables réformés qui, à travers les siècles et jusqu’à ce jour, t’ont célébré avec fidélité et servi leurs prochains avec générosité.

Devant Dieu, nous faisons mémoire avec reconnaissance pour
les Églises évangéliques et pentecôtistes
.

Dieu Vivant, merci pour les Églises évangéliques et pentecôtistes !
Malgré leurs prétentions parfois, dans certains lieux, à refuser  l’oecuménisme et malgré leurs tentations parfois à créer sans consultation des communautés nouvelles,
par ta grâce, et peut-être plus que dans toute autre Église,
tu as maintenu vivantes en elles une exigence d’obéissance radicale à ta Parole et une recherche de vie communautaire fervente.

Merci pour ces innombrables évangéliques et pentecôtistes qui, depuis le siècle dernier et jusqu’à ce jour, t’ont célébré avec fidélité et servi leurs prochains avec générosité.

Devant Dieu, nous faisons mémoire avec reconnaissance pour
les Églises  orthodoxes
.

Dieu Vivant, merci pour les Églises orthodoxes !
Malgré leur prétention parfois, dans certains pays, à se croire l’unique Église nationale et malgré leurs tentations parfois à refuser la modernité au nom de la tradition, par ta grâce, et peut-être plus que dans toute autre Église,
tu as maintenu vivantes en elles  la beauté de la liturgie et le sens du mystère par leur célébration incessante de la Sainte Trinité et de la résurrection du Christ.
Merci pour ces innombrables orthodoxes qui, à travers les siècles et jusqu’à ce jour, t’ont célébré avec fidélité et servi leurs prochains avec générosité.

1 L’unité par la diversité, Cerf, Paris, 1986, p. 21

2 Ibid, p. 30


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