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« Prends soin de toi et de la terre » ! Foi et sauvegarde de la nature dans le christianisme et l’Islam

Au dernier jour de la « Semaine des religions », le 14 novembre 2020, le groupe « Musulmans et chrétiens en chemin »   a organisé une rencontre par internet. Il s’est demandé quels sont, dans les deux religions, la conception de la nature et les appels à la responsabilité vis-à-vis de la création dont l’être humain est le sommet.

C’est la sixième rencontre que propose ce groupe composé de musulmans provenant de différentes traditions (sunnite, shiite, soufie) et de chrétiens de diverses Églises, dont certains sont reliés au mouvement des Focolari.

Aujourd’hui le monde entier parle d’écologie. Les jeunes manifestent pour le climat. Les politiques appellent à une transition écologique. Les religions s’engagent également.

 

Aimer toutes les créatures

Pour Naceur Ghomraci, du Centre culturel des musulmans de Lausanne, le terme « Islam » renvoie à la fois à l’obéissance et à la paix. L’être humain ne peut trouver la paix que dans l’obéissance à Dieu. Et la paix concerne aussi la relation avec la création.

Tous les êtres visibles ou invisibles témoignent de la gloire et de la sagesse de Dieu. Leur vocation est de le célébrer. Le Coran appelle à aimer toutes les créatures ; la créature la plus chère aux yeux de Dieu est celle qui fait le plus de bien.  

Selon le Coran, l’être humain est le « lieutenant » (« calife » en arabe) de Dieu sur terre. C’est à lui d’en maintenir l’harmonie. La terre a été créée pour que l’homme s’en occupe. « Prendre soin de la nature c’est prendre soin de nous-même. Le conflit n’est pas entre l’homme et la nature, en vérité, le conflit et entre l’homme et lui-même parce qu’il n’a plus le sens de l’existence », affirme N. Ghomraci.

L’Islam prêche la compassion vis-à-vis des animaux, qui, comme l’homme, ressusciteront. Le jugement dernier s’exercera aussi sur le comportement de l’homme vis-à-vis d’eux.

Le Coran appelle à se garder des trois pièges de la corruption, du gaspillage et des excès. Il recommande le jeûne : « en jeûnant non seulement nous faisons du bien à la planète parce que nous consommons moins mais aussi à nous-mêmes parce que cela permet aussi de retrouver un certain équilibre intérieur ».

Les mises en garde du Coran débouchent sur une éthique de la modération. Les musulmans sont appelés à être « une communauté du juste milieu », où les vertus principales sont la gratitude, l’endurance et la patience. « Si un milliard et demi de musulmans mettaient en pratique ces enseignements, le monde changerait », dit l’orateur. (Lire ici son exposé)

 

S’engager pour l’écologie intégrale

Dans son exposé, le pasteur Martin Hoegger rappelle que le premier article du Credo dit : « Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, des êtres visibles et invisibles ».

Pour la foi chrétienne la nature est la création que Dieu aime, visite et soutient. « Ma foi m’invite à la confiance envers l’œuvre de Dieu dans la nature, à l’émerveillement devant sa diversité et à me laisser rejoindre par l’amour de Dieu à travers elle. Si le mouvement écologique actuel pouvait reconnaître et intégrer cela, ce serait une révolution ».

Aujourd’hui le concept « d’écologie intégrale » souligne l’interrelation entre la nature et l’être humain. Bien avant le mouvement écologique moderne, le récit de la Genèse a affirmé que l’être humain, s’il est le sommet de la création, n’en est pas séparé. 

Pour avoir mal compris l’appel à « dominer » la création dans le récit de la Genèse (1,28), les Églises ont fait repentance lors du premier rassemblement œcuménique européen (Bâle 1989), confessant n’avoir « pas adopté un style de vie qui montre que nous appartenons à la création de Dieu ». Dès lors les initiatives des Églises pour le respect de la création ont été nombreuses.

Toutefois, devant l’« urgence climatique » proclamée aujourd’hui on ne peut se contenter d’une écologie qui ne concernerait que le climat et l’environnement, sans tenir compte de la nature et de la dignité de la personne, depuis le premier battement de son cœur jusqu’au dernier. 

Dans l’expérience et la pensée de Chiara Lubich, la fondatrice des Focolari, pour percevoir que l’amour de Dieu relie tout dans la création, il faut vivre la Parole de Dieu, en aimant. Pour elle, le chemin pour la formation d’une conscience écologique est l’amour. Il faut acquérir le regard amoureux de Dieu sur toutes choses « Tout doit être traité avec l’amour de Dieu : un grand cœur et le sourire de Dieu sur les choses au travers de notre regard ».

 

Rendre la terre plus belle et habitable

Deux expériences sont ensuite partagées. Pour Vahid Khoshideh, responsable de l’Association islamique et culturelle d’Ahl-el-Bayt à Genève, l’important est de vivre l’idéal coranique sur le respect de la nature. « Parfois je vois une contradiction entre cet idéal et la pratique quotidienne des musulmans. Quand je suis arrivé en Suisse, j’ai été touché par le fait qu’on m’ait interpelé quand j’ai laissé traîner un papier dans la rue ».   

 Isabel Laranjeira parle de sa vie en Angola où elle a organisé avec des élèves des journées « Cœur, Esprit, Mains » pour ramasser des détritus. Alors que presque rien n’était fait pour résoudre le grand défi de la saleté dans les rues, source potentielle de maladies, les élèves ont pris conscience de l’importance de l’assainissement. « L’engagement à rendre notre terre plus belle et plus habitable est devenu une réalité. Dieu n’est pas seulement vérité, mais aussi beauté », dit-elle.

 

Commencer par des petits gestes

Des petits groupes ont été formés, grâce à l’application « Zoom » où chacun pouvait approfondir le thème. La concordance des textes sur le sujet a frappé. Plusieurs convergences ont été soulignées : l’importance de l’éducation et susciter l’émerveillement devant la création.

L’écart entre l’idéal et la réalité a aussi été relevé. Comment vivre avec plus de cohérence face à la surconsommation ? Une réponse est que tout commence par des petits gestes où l’on témoigne du respect face aux animaux, la nourriture, la nature.

« Nous avons voulu proposer des pistes de réflexion à cette problématique en se basant sur nos références et nos textes religieux. Ainsi, la bataille pour préserver la nature, nous la gagnerons tous ensemble ! Nous sommes tous sur le même bateau ! » a dit Najouah Ghomarci en conclusion à cette belle rencontre.

Tous nous avons pris conscience que pour découvrir le fil d’or de l’amour de Dieu dans la création – et agir en conséquence – un cheminement personnel est nécessaire. La prochaine rencontre de ce groupe proposera un approfondissement pour avancer sur cette voie.

Martin Hoegger

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