Visages du dialogue interreligieux aujourd’hui

Castelgandolfo, 30 mai 2024. La spiritualité des Focolari, un grand mouvement reconnu par l’Église catholique, est aussi vécue par des membres d’autres religions, à divers degrés. Lors du congrès interreligieux qu’il a récemment organisé, il a donné la parole à quelques témoins de diverses religions.

Farouk Mesli a rencontré l’idéal des Focolari il y a bien longtemps, en 1968. À cette époque, il vivait dans la confusion, confronté à des idéologies de toutes sortes. En rencontrant les Focolari il a été touché qu’ils vivent ensemble la Parole de Dieu. Pour lui, un idéal qui n’est pas vécu et partagé ne vaut rien.

Mais, au début de ce chemin, un doute s’était installé en lui, car c’est un mouvement chrétien. Cela l’a conduit à réfléchir sur sa propre foi, à purifier son cœur et à être un musulman par choix, en vivant la Parole de Dieu. « J’ai été alors convaincu que la fraternité se réalise par l’amour, en aimant la foi de l’autre comme la mienne », dit-il.

Unité dans la diversité

Une hindoue, Vinu Aram, raconte son histoire d’amitié avec Chiara Lubich, la fondatrice des Focolari et Niko Niwano, fondateur du mouvement bouddhiste Risho-Kosei-Kai au Japon. Elle a toujours devant elle une photo où elle se trouve avec eux. « J’ai vécu 30 rencontres en 29 ans et j’ai découvert que l’écoute réciproque est la pierre d’angle du dialogue », dit-elle.

À travers ces rencontres, elle a reçu le don de l’unité dans la diversité que désirait Gandhi. Elle a été très touchée par l’amour de plusieurs membres du mouvement, amour qui transcendait les différences.

V. Aram explique que la recherche de la vérité, de l’unité et de Dieu est au cœur de l’hindouisme. Il faut se demander toujours : « qu’est-ce qui peut renforcer la confiance chez l’autre » ? La base solide de notre dialogue est la manière concrète d’aimer et de construire la confiance, laquelle suscite la joie « J’espère que nous pourrons démontrer qu’il est possible de construire cette unité dans la diversité dans les 20 prochaines années à venir. Ce que nous vivons aujourd’hui détermine ce que nous vivrons demain ».

Poser de bonnes questions

Jessica Sacks, une jeune juive de Tel Aviv, cite le rabbin Shimeon ben Azzai : « Ne méprise personne et ne repousse nulle chose, car tout à sa fonction ». Chacun a dans sa vie un moment où il est appelé à la grandeur. Elle est ici pour rencontrer des personnes différentes, mais découvre aussi tant de points communs entre sa spiritualité et celle des Focolari. Elle la renforce dans l’esprit de dialogue et le désir de paix, alors que la guerre fait rage chez elle.

« Le sage n’est pas celui qui étudie beaucoup, mais celui qui apprend de chaque personne qu’il rencontre », dit un autre penseur de la Mishna. Le dialogue commence par poser des questions. Elle est bénie ici de rencontrer des personnes qui savent en poser de bonnes.

Recevoir un nouvel élan

Jordanien travaillant avec Caritas, Omar Keilani a grandi dans une famille musulmane ouverte. Il a rencontré les Focolari, il y a 20 ans et a été touché par leur écoute. Durant les rencontres, chacun pouvait garder sa propre identité. Cela a renforcé sa relation avec Dieu et a lui appris comment construire des relations dans tous les milieux. « Dieu nous a créés différents pour rivaliser de miséricorde », dit le Coran. C’est ce que j’ai approfondi au contact avec eux. J’espère que cette rencontre nous donnera un nouvel élan pour vivre comme une unique famille humaine. Je ne m’étonne pas que tout le monde sourie ici », dit-il.

Accueillir la souffrance

Preeyanoot Surinkaev vient de Thaïlande et vit l’idéal des Focolari parmi les bouddhistes. Le sens de son nouveau nom « Metta » que Chiara Lubich lui a donné, est « amour » en thaï. « Grâce à la rencontre avec cette spiritualité, les racines de ma foi bouddhiste se sont approfondies », confie-t-elle.

Un jour, elle lui a demandé qui est Dieu amour. Une grande lumière est alors entrée en elle. Elle a découvert que tout ce qui lui arrivait était l’expression de son amour. « Nous ne devons par conséquent pas fuir la souffrance, mais l’accueillir dans le moment présent, dans l’amour. Ce qui compte vraiment est d’aimer. Cela m’a permis de mieux comprendre les « quatre nobles vérités » du bouddhisme sur la souffrance », affirme-t-elle.

L’amour est la réponse

Emilia Khoury, une chrétienne de Terre sainte, a perçu une grande souffrance après les massacres du 7 octobre dernier et la guerre qui s’ensuivit. Mais, elle s’est rappelé la souffrance de Jésus qui a continué à aimer jusqu’au bout. Elle a compris que l’amour est la réponse à toute souffrance et division. « J’ai cette responsabilité d’être un témoin de l’amour de Dieu dans toute circonstance. Dans la situation actuelle j’ai aussi compris que mon amour doit se manifester avant tout dans l’écoute. Et je prie beaucoup, car la prière est encore plus nécessaire que la nourriture« .

La paix, un choix constant

Taj Basman, vient des Philippines et a fait l’expérience de la diversité dès son enfance : son père étant musulman et sa mère convertie au christianisme. Mais il était confronté à de la discrimination. Il a voulu surmonter les stéréotypes en montrant ce qu’est véritablement l’Islam. Marqué par l’engagement de sa mère à pardonner, il veut perpétuer son héritage de paix et de compréhension. « Pour moi, la paix n’est pas une idée, mais un choix à refaire chaque jour ; elle commence par nous, avec nos relations les plus proches ».

Le « dé de l’amour »

Coordinateur de l’initiative « Living Peace« , Carlos Palma a vécu à Jérusalem. Il a éprouvé un choc le jour où des enfants lui ont demandé ce qui arriverait quand il n’y aura plus de guerres. Il s’est rendu compte que ces enfants n’ont pas connu la paix depuis leur naissance. Cela lui a posé la question : « Qu’est-ce que je fais pour une culture de paix » ?

Pour lui, cette culture commence par une culture de l’amour. Il a alors lancé le projet « Living peace » inspiré de « l’Art d’aimer » de Chiara Lubich, avec la pratique du « dé de l’amour ». Il s’agit d’un dé sur les faces duquel les divers points de cet art sont écrits. (voir : https://www.focolare.org/fr/2011/10/15/francais-le-de-de-lamour/ ) Il l’a vécu avec des enfants au Caire et leur a demandé de raconter comment ils ont vécu la phrase lue le matin. Tout est né avec ces 12 enfants musulmans. Cette pratique s’est ensuite répandue dans les pays du Golfe. Parfois avec des paroles inspirées du Coran. La même expérience a été ensuite vécue avec des bouddhistes, des hindous et des membres d’un mouvement gandhien.

Gagner les enfants

Musulmane de Macédoine, Liridona Suma a dû marcher à contre-courant pour vivre la spiritualité des Focolari. Elle travaille dans une école multiethnique et a pu constater que les réactions entre enfants étaient difficiles. Elle voulait organiser un concert avec eux, mais elle n’en a pas reçu la permission, jusqu’au jour où elle a proposé un concert de bienfaisance pour un enfant malade, lequel a été un succès. Les enfants ont alors créé des liens d’amitié.

Un dialogue entre juifs et musulmans

Ramazan Özgü, de la communauté turque en Suisse allemande, vit de belles rencontres interreligieuses. Depuis 2012, il travaille avec un groupe de juifs. Une compréhension réciproque est alors née. La situation au Moyen Orient était une épreuve, mais cela a renforcé leur partenariat. Le groupe s’est agrandi et a formé une « coalition contre la haine » et s’entraide pour contrer l’antisémitisme et l’islamophobie.

Après le 7 octobre, musulmans et juifs ont senti des jugements. Des « espaces sûrs » ont alors été créés pour que les participants puissent exprimer leurs sentiments. Ils ont compris que le deuil et le statut de victime est commun aux deux religions. « J’ai aussi dû combattre mes propres préjugés, qui sont prêts à ressortir. J’ai compris que je dois travailler d’abord sur moi-même », confie-t-il. 

L’amitié politique est possible

Ancien secrétaire du ministère de la Culture de Slovénie, Silvester Gaberscek a eu la responsabilité d’être en lien avec les communautés religieuses. Il a organisé une marche de deux jours avec des personnes de diverses religions, créant une belle relation avec le mufti de Ljubljana. Cette amitié s’est avérée très utile pour surmonter, par la suite, une crise due à des prises de position intolérantes par rapport à l’Islam de la part d’un politicien.

Grâce à cette bonne relation, le ministre de la Culture a été gagné au dialogue interreligieux. Cette relation s’est élargie ensuite à bien d’autres personnes, jusqu’à toucher de nombreux responsables religieux et politiques, dans le cadre d’un Forum international tenu en Slovénie, à Koper. Ce Forum a eu un écho positif dans la société très sécularisée de ce pays. Décision a été prise de tenir à nouveau ce Forum en juin 2025.

Autres articles sur ce congrès : https://www.hoegger.org/article/une-seule-famille-humaine/


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Commentaires

Une réponse à “Visages du dialogue interreligieux aujourd’hui”

  1. Avatar de Christiane

    merci pour ces récits de vie, de l’étincelle qui un jour a illuminé l’âme et le coeur de telle ou telle personne et l’a amenée à vivre pour la fraternité universelle.

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