Appelés à tisser des relations de paix. Le rôle des religions

Castelgandolfo, 30 mai 2024. Tel a été le thème d’une Table ronde dans le cadre de la Conférence interreligieuse organisée par le mouvement des Focolari, dans les hauteurs de Rome. Les religions sont souvent considérées comme aggravant les conflits. Mais est-ce vraiment le cas ? Quelles contributions positives peuvent-elles apporter pour tisser des relations pacifiques ?

En réalité, pour l’ambassadeur italien Pasquale Ferrara, les conflits sont dus avant tout à des intérêts économiques et politiques, où les religions sont instrumentalisées. Les religions ont un but différent. Il pense que la politique internationale dépend des lunettes que nous avons pour voir la réalité, souvent distordue.

La confiance prépare la paix.

Ferrara critique la maxime « si vis pacem, para bellum » (Si tu veux la paix, prépare la guerre). Non, c’est la confiance qui prépare la paix. Nous devons avoir conscience que la guerre – cette « énorme blessure » – est le quotidien de beaucoup de peuples. La guerre n’est pas la continuation de la politique, mais elle en est la négation.

Aujourd’hui où tout est devenu transnational, les religions ont à tenir le rôle de la conscience critique de l’humanité. Elles ont aussi une fonction prophétique, en enseignant aux politiques où sont les vraies priorités. Nous avons à imaginer leur action de manière constructive.

De plus les religions pensent localement pour agir globalement : c’est le contraire de la maxime habituelle « penser globalement et agir localement ». Toute politique a sa « micro-fondation ». Le secret de l’universalité réside dans la proximité. Notre planète a besoin d’attention et il n’y a pas de paix sans justice, ni sans institutions adéquates.

Un dialogue transformateur

Avec optimisme, Russell G. Pearce, de la Fordham School of Law (New York), pense que chaque jour, nous pouvons pratiquer l’espérance. Il a fait récemment une enquête auprès de deux groupes de dialogues actifs en Israël et Palestine, le « Cercle des parents » et « les Combattants pour la paix ». Ils ont maintenu leurs relations après le 7 octobre, alors même qu’ils ont tous eu un membre de leur famille victime des violences.

Les deux groupes sont dirigés à parts égales par des Israéliens et des Palestiniens. Ils sont apolitiques et veulent avant tout voir l’humanité dans l’autre. Le massacre du 7 octobre a été une épreuve. Les facilitateurs de ces deux groupes les ont toutefois exhortés à se retrouver. Les conversations n’ont pas été faciles, mais les liens ont été reconstruits, plus forts qu’avant. Le nombre de jeunes palestiniens qui se sont inscrits à un programme de communication non violente a triplé.

« Il faut se souvenir que derrière chaque personne tuée le 7 octobre et, par la suite, à Gaza, il y a des personnes avec leurs familles, leurs rêves et leurs projets. Reconnaissons que la douleur est la même », affirme Pearce, de confession juive. Leur dialogue a été transformateur : un dialogue d’amour où ils ont ouvert leur cœur et appris à voir Dieu dans l’autre. Les personnes utilisent des concepts semblables à ceux utilisés chez les Focolari. « Tu changes une personne, tu changes le monde entier », a dit un Palestinien en écho au dicton : « tu tues une personne, tu tues toute l’humanité ».

« L’organisation des Religions unies »

Sunggon Kim a une grande expérience. Il est président honoraire des « Religions pour la paix » en Asie, ancien secrétaire général du Parlement coréen, et président du mouvement politique pour l’unité des Focolari en Corée. Il est bouddhiste.

Il constate que les politiciens s’engagent pour la justice, mais au nom de la justice, ils se combattent. Alors que les personnes religieuses s’engagent pour l’amour et reconstruisent la paix détruite par les politiques. Mais nous avons besoin autant de la justice que de l’amour. Dans une famille, le père représente la justice et la mère l’amour.

Aujourd’hui, les guerres et les changements climatiques nous font souffrir. Dès 1945, les Nations unies ont été créées pour la paix. Mais, elles n’y arrivent pas aujourd’hui ; elles ont besoin des communautés religieuses.

Il propose la formation d’une « Organisation des Religions unies », qui peuvent fonctionner comme partenaires de l’ONU. Père et mère seraient ainsi ensemble. L’ONU tiendrait le rôle du père dans la justice et les Religions unies celui de la mère dans l’amour. L’ONU s’occuperait de l’aspect extérieur et politique, les Religions unies de l’aspect intérieur et moral.

Le préambule de l’acte de fondation de l’UNESCO le rappelle : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Les communautés religieuses doivent donc s’unir pour aider l’ONU à établir la paix dans le monde. « Ne laissons pas le père vivre seul, trouvons-lui une femme ! Créons l’organisation des religions unies », conclut l’orateur !

Promouvoir une « conscience universelle »

Premier professeur musulman à enseigner dans une université catholique de Rome (la Grégorienne), Adnane Mokrani pense que la théologie est une médiation entre la religion et la pratique. Sa mission est éducative : la transformation des personnes, les humaniser, les unir, faire sortir la présence de Dieu en chaque personne. Elle doit libérer l’homme de la prison de l’égo et du nationalisme. Sinon, elle devient un instrument de pouvoir et de servitude.

Comment susciter une mission commune entre religions, se demande-t-il ? Nous avons à nous souvenir de la vocation de purification et d’humanisation de la religion contre la haine et la violence. Chaque jour, nous sommes confrontés à la haine, où nous pouvons perdre la foi en la bonté de Dieu.

La haine et la violence n’avaient pas réussi à changer le cœur de Chiara Lubich et de ses compagnes durant la guerre et sous les bombardements. Comme elles, nous pouvons faire l’expérience de l’amour de Dieu, qui nous garde de la haine.

Le mouvement de Gandhi a promu le concept de « conscience universelle« . Nous avons besoin d’une conscience critique universelle, à travers une rencontre entre les religions. Elles peuvent proposer cette conscience pour chercher plus d’humanité au lieu de la guerre qui est la mère de tous les malheurs.

Autres articles sur ce congrès : https://www.hoegger.org/article/une-seule-famille-humaine/


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