Mon parcours œcuménique

Pasteur réformé du canton de Vaud en Suisse, Martin Hoegger a été pendant dix ans responsable des relations œcuméniques de son Église et directeur de la Société biblique suisse. Lors d’une conversation avec Joan Back, il a partagé l’expérience de sa vie en matière d’oecuménisme. Cet article a été publié dans la revue « New City », du mouvement des Focolari au Royaume Uni (Lire ici)

MON EDUCATION OECUMÉNIQUE

Je suis né dans une famille interconfessionnelle : mon père était un protestant réformé de Suisse alémanique, tandis que ma mère était une catholique du Tessin, en Suisse italienne. Mes premiers souvenirs de l’Église sont ceux de la messe catholique à laquelle ma mère m’emmenait régulièrement. Cependant, j’avais été baptisé dans l’Église réformée, dans laquelle j’ai reçu toute mon éducation religieuse jusqu’à ma confirmation à l’âge de 16 ans. Je suis devenu croyant à l’âge de 20 ans, à la suite d’un « chemin de Damas » personnel.

MON PARCOURS A COMMENCÉ DANS LA DOULEUR DE LA DIVISION

Je pense que ma vocation œcuménique est née à l’âge de 14 ans, lorsque ma grand-mère catholique est décédée. Lors de la messe d’enterrement, le prêtre catholique a refusé la communion à ma mère catholique sous prétexte que son mari était protestant. C’était en 1979.  Par la suite, ma mère n’a pas reçu l’Eucharistie dans son Église pendant des années, par choix personnel.  Ce fut une grande souffrance et cet événement m’a éloigné de l’Église et des chrétiens. Pourtant, sans avoir ressenti cette douleur de la division, je n’aurais pas œuvré pour l’unité des chrétiens. En fait, l’une de mes expériences œcuméniques les plus fortes a été la messe d’enterrement de ma mère. La première personne à qui le prêtre a donné l’eucharistie a été mon père. Cela l’a beaucoup touché et l’a rapproché de l’Église.

MON MINISTÈRE DE PASTEUR

J’ai été pasteur dans différentes paroisses du canton de Vaud, ce qui m’a permis de vivre un œcuménisme de terrain très fort. Chacun des 26 cantons qui composent l’État fédéral suisse a ses propres caractéristiques œcuméniques. Dans le mien, il y a un bon mélange entre l’Église catholique et l’Église réformée, qui sont sur un pied d’égalité, enrichies par d’autres Églises issues de la Réforme, ainsi que par l’Église orthodoxe et les Églises orientales. Nous avons également diverses Églises et mouvements évangéliques. Vous pouvez imaginer qu’ils m’ont permis de vivre une expérience œcuménique très forte !

Pendant cinq ans, j’ai été directeur de la Société biblique suisse. Dans ce contexte, j’ai vécu de belles rencontres œcuméniques, tant au niveau national qu’international, notamment grâce à un projet important auquel j’ai eu l’occasion de collaborer : la Bible en français fondamental.

Mon expérience pastorale a également été enrichie par l’aumônerie d’une communauté de sœurs de l’Église réformée près de Lausanne, où j’ai pu vivre un « œcuménisme spirituel ».

TRAVAIL OECUMÉNIQUE POUR MON ÉGLISE

En 1994, je suis devenu membre de la commission œcuménique de mon Église. Mon mandat était d’abord de rassembler les Églises de migrants, puis de créer des liens avec et entre les autres Églises du canton. A l’occasion de l’entrée dans le troisième millénaire, nous avons décidé de réunir toutes les Églises du canton de Vaud pour une grande célébration, qui s’est déroulée pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens.

Cette célébration a abouti à la création de la Communauté des Églises Chrétiennes du canton de Vaud dont j’ai été le Président puis le Secrétaire exécutif pendant plus de 10 ans. Les célébrations à la Cathédrale de Lausanne (protestante) se sont poursuivies et sont devenues mensuelles, organisées à tour de rôle par l’une des Églises ou par des mouvements. Environ 150 célébrations ont eu lieu dans cette cathédrale, qui est maintenant ouverte à toutes les Églises. Découvrir comment les Églises prient et écoutent la Parole de Dieu est un formidable apprentissage oecuménique : « Un échange de dons » qui nous enrichit tous. 

Au niveau national, la Communauté de travail des Églises chrétiennes en Suisse est responsable des relations oecuméniques. Elle compte actuellement 12 Églises membres (et 4 observateurs, dont des Églises évangéliques et pentecôtistes). J’ai été membre de son assemblée pendant 15 ans. 

EN ROUTE, J’AI DÉCOUVERT LES FOCOLARI

J’ai découvert le mouvement des Focolari en 1994, lors d’une réunion du Conseil oecuménique des Églises en Roumanie. Ce qui m’a attiré dans ce mouvement, c’est que l’unité des chrétiens est placée dans l’horizon de la spiritualité et de la prière. La pratique de la « Parole de Vie », qui consiste à méditer une Parole biblique, à la vivre pendant un mois et à partager la manière dont on l’a vécue, m’a tout de suite interpellée.  

J’ai également découvert que Marie occupe une place particulière dans le plan de Dieu, notamment en raison de sa relation avec la Parole. Non seulement elle a dit « oui » à la Parole qui lui était annoncée, mais elle a aussi vécu de très près la Parole incarnée qu’est le Christ.

Depuis cinq ans, je suis heureux de participer à un groupe international de théologie œcuménique qui fait partie de l’école interdisciplinaire « Abba » du mouvement des Focolari. Nous nous réunissons une fois par mois par le biais de « zoom » pour approfondir ensemble les idées œcuméniques tirées des écrits de Chiara Lubich. C’est une merveilleuse expérience œcuménique de travail avec Jésus parmi nous (Mt 18,20).

MON PARCOURS CONTINUE

J’ai pris ma retraite en mai 2020… mais je ne suis pas en retrait ! Je continue à travailler pour l’unité, car pour moi, l’appel du Christ à l’unité est une vocation et non un travail ! 

Je suis actuellement engagée sur différents fronts : l’enseignement de l’œcuménisme à la Haute école de théologie de Suisse romande ( » HET-PRO « ) qui est un défi ; la collaboration avec le comité suisse du projet  » Ensemble pour l’Europe  » ; la participation au comité du « Forum chrétien de Suisse romande (dans l’esprit du  » Forum chrétien mondial « ) ; et dans  » JC2033 « , une initiative qui invite les Églises à se préparer ensemble à célébrer les 2000 ans de la résurrection du Christ. Les préparatifs comprennent – chaque année jusqu’en 2033 – un pèlerinage œcuménique sur le chemin d’Emmaüs… le chemin de la résurrection par excellence !

Au fur et à mesure que mon parcours se poursuit, j’ai le sentiment que pour avancer sur le chemin de l’unité, nous devons toujours avoir le courage de revenir à la prière du Christ pour ses disciples avant sa Passion :  » Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, afin qu’eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé  » (Jn 17, 21).

Nous ne pouvons pas dissocier cette prière de la Croix de Jésus. Si notre regard n’est pas fixé sur le Crucifié, nous ne pouvons progresser ni sur le chemin spirituel, ni sur le chemin œcuménique.  Mon expérience est que si nous regardons vers le Crucifié, en vivant l’esprit des béatitudes qu’il a lui-même pleinement incarné, la Croix peut devenir notre résurrection et notre unité en Lui.


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