L’impact de l’intelligence artificielle sur les relations interpersonnelles et entre les religions

Castelgandolfo. 1e juin 2024. Le concept « d’Intelligence artificielle » (IA) n’est pas neuf, mais ce n’est que récemment qu’on en parle avec autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Dans le cadre de la Conférence interreligieuse organisée par le mouvement des Focolari, les avancées dans ces domaines ont fait l’objet d’un débat conduit par quelques jeunes du mouvement.

Dana, Najib et Flavia ont ouvert un dialogue avec Fadi Chehadé, ancien PDG de l’ICANN. (https://www.icann.org/fr ), lequel rappelle que le premier champ de l’IA touche l’éducation. Puis ceux du marketing, de la santé et des loisirs. Celle-ci conduit à « l’hyperpersonnalisation ». Tout ce qui nous concerne sera dans la machine.

Les inquiétudes au sujet de l’IA

Alors que le positif de l’IA est qu’elle nous donne accès à des informations qui répondent à nos besoins, elle suscite beaucoup d’inquiétudes. Pour préparer son intervention, F. Chehadé aurait pu demander à « ChatGPT » de lui écrire une lettre, dans le style de S. Paul, sur les dangers de l’IA. Ce programme aurait réussi à le faire bien plus rapidement que lui !

F. Chehadé s’inquiète de l’usage de l’IA en vue d’acquérir du pouvoir. Pas seulement en Chine ou aux USA ! L’usage militaire et de la maximisation du profit des entreprises lui font également peur, s’il n’y a pas un cadre de régulation clair. Aujourd’hui, l’IA est aux mains de 5% d’entreprises très puissantes. Elle peut aussi créer de grandes inégalités. L’usage le plus problématique est celui de l’absence de vérité : la masse du contenu sera si grand qu’il deviendra très difficile de discerner la vérité.

Comment comprendre qu’un contenu sur internet est faux ? Comment connaître son origine et son authenticité ? La mauvaise nouvelle est qu’il sera bientôt impossible de le savoir, car les contenus seront hyper personnalisés et produits à la vitesse de la lumière. Que deviendra la vérité est, pour Chehadé, la question centrale ?

Le rôle de l’éducation

L’IA démocratise la connaissance : l’école peut et doit l’utiliser pour augmenter la connaissance des élèves. L’éducation commence par le partage de données. En les organisant, celles-ci deviennent information (par exemple, une recherche sur un moteur de recherche). Puis, elles deviennent connaissance quand les machines prennent l’information pour les comparer, prévoir… Enfin, la connaissance doit devenir sagesse, mais l’école n’enseigne pas cela. C’est là que le rôle des religions se révèle décisif.

Les enfants sont des éponges. Si nous ne les nourrissons pas pour qu’ils discernent la vérité, d’autres le feront. Tout l’effort des grandes entreprises est de capturer et de contrôler les enfants, afin de vendre leurs produits. Chehadé appelle à construire des canaux pour protéger les enfants contre les intérêts des entreprises. « Les enfants ont besoin de bons enseignants qui leur font discerner la vérité, ce que la machine ne peut pas faire. Ne laissons pas les machines emporter nos enfants », dit-il

La nécessité d’une régulation de l’IA

Selon F. Chehadé (en vidéo-conférence, sur la photo ci-dessus), nous ne devons pas être une forteresse pour protéger ce que nous avons, mais rester ouverts aux autres. Cependant, de même que les nations ont décidé de la non-prolifération des armes nucléaires et que l’Internet a dû être cadré, il faut aujourd’hui produire des normes pour l’IA.

Comment pouvons-nous contribuer à ce défi, alors que nous sommes de différentes religions, mais vivons la spiritualité de l’unité des Focolari, demande-t-il à l’auditoire multireligieux rassemblé dans le grand centre des hauteurs de Rome ? F. Chehadé a connu cette spiritualité au Liban à l’âge de 13 ans. Elle l’a inspiré dans ses activités scientifiques et politiques. Par exemple, il a dû inviter des gouvernements à collaborer entre eux, tels la Chine et le Brésil.

F. Chehadé appelle à un sursaut des consciences. Le médecin fait le serment d’Hippocrate pour ne pas nuire par son art. Il faut un serment semblable pour les ingénieurs travaillant sur l’IA. Ce serment a été fait dans certaines universités et doit être élargi à toutes. L’ingénieur doit avoir une conscience, sans laquelle il se ruine, et il doit démissionner d’une entreprise qui ne lui permettait pas d’être fidèle à son serment.

Collaboration interreligieuse

Le second invité, Tuan Anh Nguyen, directeur général du Boston Global Forum, se demande comment nous pouvons organiser l’IA pour tous, pas seulement pour les entreprises avides de gains. Une grande question éthique ! Le projet du Boston Forum veut aider les communautés religieuses à collaborer sur l’IA.

Il aime l’idée de la collaboration interreligieuse, qui prévient la tentation de créer des forteresses, mais forme un beau jardin varié et coloré. Une collaboration interreligieuse sera un exemple et une aide pour tous.

« En conclusion, dit F. Chehadé, nous devons utiliser tous les outils que nous avons créés afin d’améliorer la vie et la santé. L’IA est un instrument exceptionnel, mais la machine ne sait pas aimer, ni prendre soin, ni se faire tout à tous. Il ne faut jamais oublier ses limites. Nous sommes uniques car nous avons une relation personnelle avec Dieu, ce que la machine n’a pas. Il faut toujours nous en souvenir ».

Autres articles sur ce congrès : https://www.hoegger.org/article/une-seule-famille-humaine/


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