Chaque année, je participe à un week-end à la Pelouse sur Bex, où nous approfondissons un texte des Écritures, avec la démarche si riche de la Lectio divina. Cette année, c’est la lettre de Paul aux chrétiens de Philippe qui balise les rencontres de « En chemin d’unité« . On m’a demandé de donner un commentaire du chapitre 2 de ce grand texte.
Il y a quelques années, j’ai écrit un petit commentaire spirituel sur cette lettre. J’en extrais cette prière d’ouverture à l’Esprit saint. La lectio divina est une lecture spirituelle qui demande à l’Esprit qui a inspiré les Écritures de nous éclairer :
Seigneur, tu n’as pas donné ta Parole pour qu’on la débatte à l’infini.
Mais par elle, tu nous appelles à partager ton style de vie :
Simplicité, désintéressement, pureté, honnêteté et don de soi.
En fait, tu veux faire de nous d’autres Christs, animés par ton Esprit,
pour allumer dans les obscurités un feu qui ne s’éteint jamais.
Viens Esprit de vie et de lumière. Verse ton amour dans nos cœurs ! (
Qui sommes-nous et quelle est notre vocation ? v.1-5
Paul nous invite à nous souvenir qui nous sommes. Nous vivons dans la grâce, fortifiés par le Christ et unifiés par l’Esprit saint. C’est la bonne nouvelle qu’il avait annoncée au premier chapitre de la lettre : « Christ est ma vie » (1,21).
Les verbes sont d’abord à l’indicatif, puis, à partir du verset 2, ils passent à l’impératif. L’indicatif de notre identité précède l’impératif de notre action.
Paul nous appelle à être cohérents avec notre foi. Comment ? En travaillant pour l’unité dans la communauté de diverses manières. D’abord, en ne cherchant pas à être les premiers. Puis en considérant les autres comme supérieurs à soi et en cherchant l’intérêt des autres. Et surtout, en regardant à l’exemple de Jésus.
Cela fait penser au livre des Proverbes qui dit souvent qu’il y a trois choses importantes…et une quatrième…qui est la plus importante!
Il s’agit de contempler longuement Jésus, l’homme pour les autres, tourné vers eux dans l’amour, car sans cesse tourné vers le Père. Dans les versets 6 à 11, Paul va chanter l’humilité de Jésus, dans un magnifique hymne à sa gloire. Il est le Dieu devenu serviteur et a été élevé. Il est à jamais notre modèle.
L’hymne au Dieu humble : v. 6-11
Cet hymne ressemble à une « icône » du Christ crucifié et ressuscité. On pense que Paul a repris un hymne préexistant et lui a donné pour écrin ces versets où il s’efforce d’expliquer comment vivre en communauté. L’unité n’est possible qu’en Christ qui, lui seul, est source de vraie communion. La « morale » chrétienne est une morale de communion qui appelle à laisser vivre Jésus en nous. Elle est un chemin d’humilité où l’on suit le Christ humble.
Le don qui résulte de son obéissance jusqu’à la croix est de recevoir « le nom qui est au-dessus de tout nom » (v. 9). L’invoquer a désormais une grande puissance.
Le verset 10 dit littéralement : afin que… « au nom de Jésus TOUT fléchisse le genou ». Ce ne sont donc pas seulement nos genoux humains qui fléchiront, mais tout ce qui vit dans l’univers ! Fléchir les genoux pour confesser que Jésus est Seigneur…pas pour se flageller ! Tout, vraiment tout…même notre humaine raison qui a tant de peine à le reconnaître ! (NB: ces lignes sont basées sur la méditation donnée par Soeur Berta)
Obéir à Dieu et briller comme des lumières : v. 12-16
Dans ces versets, Paul continue ses exhortations à l’impératif. Après avoir chanté l’humilité de Jésus, qu’est-ce qui donne vigueur et saveur à notre vie chrétienne ? Qu’est-ce qui nous unit et donne joie et élan ? De regarder au Christ et de méditer sur son obéissance, car il a fait de la volonté du Père sa nourriture.
Le Christ ressuscité a été intronisé comme roi, suite à son humble service, par conséquent le peuple de Dieu, uni à lui, devra vivre comme roi serviteur, à sa suite.
Pour cela, nous avons à mobiliser notre volonté et « travailler à notre salut » (V. 12), en aimant Dieu de tout notre cœur et de toutes nos nos forces, et en aimant notre prochain comme nous-mêmes. Ici le salut n’a pas seulement une dimension eschatologique, mais aussi concrète : il s’agit de s’engager pour apporter des solutions aux problèmes personnels et communautaires.
Paul appelle à affiner notre attention à la volonté de Dieu et à résister à la légèreté, à la passivité et à la dispersion. Travailler à l’unité dans la communauté requiert une vigilance de chaque instant et un inlassable travail.
Ce travail ne se fait pas par nos propres forces, mais en invoquant l’Esprit Saint, parce que c’est Dieu qui agit en nous. C’est lui qui « nous rend capables » (V. 13). C’est un appel à prier sans cesse.
Une attitude de cœur nous est aussi demandée : nous avons à vivre les uns avec les autres sans murmurer, contrairement au peuple d’Israël dans le désert (V. 14).
En vivant ainsi, les Philippiens brilleront comme des lumières (v.15): ils seront « lumière du monde », comme Jésus nous le dit dans le sermon sur la montagne
Fierté et martyre : v. 16b-18
La vocation du peuple de Dieu est de lui être consacré. Paul reprend ici le thème du don de soi, symbolisée par le sacrifice accompli chaque jour dans le temple de Jérusalem. Il se donne sans relâche, du matin jusqu’au soir, pour que les Philippiens soient consacrés à Dieu.
Il évoque la possibilité de son propre martyre, du sacrifice de sa propre vie. De manière surprenante, il affirme que ce sacrifice sera sa grande joie. Comment le comprendre ? Comme l’a dit le Seigneur : « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ». Cette joie et cette fierté doivent aussi devenir les nôtres en nous consacrant chaque jour à nouveau.
Enfin, Paul n’a pas seulement en vue les habitants de cette ville, mais le monde entier. Son rêve est de l’apporter au Christ : « que les païens deviennent une offrande agréable à Dieu » (Romains 15,16)
Timothée, le fils (v. 19-24)
Il est un exemple de chrétien cohérent et fidèle, tourné vers les autres comme Jésus l’était, lui qui ne s’est pas cherché lui-même.
Paul envoie Timothée son « alter ego », qui partage son autorité comme co-auteur de la lettre (1,1).
Avons-nous des proches compagnons avec qui prendre soin de la communauté ? Tout doit circuler dans la communauté chrétienne, car le Christ nous a reliés les uns aux autres.
Mais nous sommes souvent repliés sur nous-mêmes, malgré l’appel à chercher l’intérêt des autres (2,4). Nous avons alors à apprendre à tout mettre en commun : ce que nous gardons pour nous, nous le perdons, mais ce que nous partageons fortifie notre communion.
Epaphrodite, le frère (v. 25-30)
Une fraternité relie Paul à Epaphrodite. Une même foi les unit en une joie imprenable, mais leur amitié s’est construite. Elle n’est pas d’un jour.
Epaphrodite est un frère à accueillir. L’Église est un lieu d’accueil : « accueillez-vous les uns les autres comme le Christ nous a accueillis pour la gloire de Dieu », a dit Paul aux Romains en appelant croyants juifs et païens à donner un témoignage de communion dans le Messie. (Rom 15).
Paul ajoute qu’il faut aussi honorer ceux qui s’offrent pour l’Évangile. C’est aussi une attitude de cœur.
Epaphrodite a « vu la mort de près ». Son exemple rappelle que les malades, les souffrants, les persécutés sont au cœur de l’Église. « Si une partie du corps souffre, toutes les autres souffrent avec elle » (1Co 12 26).
Ils sont la prunelle des yeux du Christ, à travers laquelle il regarde le monde. Ils rappellent ce qu’il a vécu : sur la croix, il a assumé toutes nos fragilités et nous a attirés à lui.
La souffrance et la persécution traversées dans la foi et la patience, à la suite de Jésus, continuent aujourd’hui à être la semence de l’Église.
C’est pourquoi, nous avons à honorer les membres les plus faibles du corps du Christ, en particulier lorsqu’ils servent le Seigneur avec zèle, comme Epaphrodite.
Prière
J’invoque ton nom, Jésus, le nom au-dessus de tout nom.
Ce nom que tu as reçu après ta cruelle croix vécue dans l’obéissance
Et ta glorieuse résurrection au matin de Pâques.
En ton nom, l’amour dans la souffrance.
Que ton Esprit le verse dans nos cœurs !
En ton nom, la victoire sur la mort.
Que ton Esprit la manifeste dans nos corps !
En ton nom, la liberté aux captifs.
Que ton Esprit la donne aux éprouvés !
En ton nom, le salut aux égarés.
Que ton Esprit les rejoigne dans leurs errances !
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