Le Psaume 133 : l’unité, source de grâce 

Chaque Église, communauté ou autre cellule d’Église se renouvelle quand deux ou trois personnes sont rassemblées en son nom et se déclarent consciemment leur foi, leur espérance et leur amour et veulent en vivre. 

Cette expérience de Dieu dans l’amitié fraternelle est exprimée de manière magnifique dans le Psaume 133. Celui-ci utilise des procédés littéraires pour souligner que l’expérience de l’unité entre sœurs et frères au verset 1 et la bénédiction au verset 3 sont étroitement liées l’une à l’autre.

Dans l’assonance entre ahim (frères) et hayyîm (vie, v. 1,3) on discerne une inclusion, ainsi que dans l’idée de bonté (v.1) et de bénédiction (v.3). Être ensemble dans la communion fraternelle conduit à la vie. Les frères sont ma vie…s’il y a communion, ou mon tourment… s’il y a conflit. 

L’huile et la rosée

Le Psaume utilise les deux symboles de l’huile et de la rosée. Ils sont les sujets du même verbe “descendre” (qui apparaît trois fois). Cette insistance sur ce verbe met en évidence que l’unité entre les frères est un don du ciel. L’unité est divine. Elle est donc à demander à Dieu, ce que fera Jésus à la fin de son ministère dans sa prière sacerdotale.  (Jean 17) 

Quel est le sens des deux images de l’huile et de la rosée ? L’huile “bonne” ou “parfumée” est l’huile sacrée (Ex 30,22-32), utilisée lors de l’onction d’Aaron ( Lév 8). Elle coule en abondance, comme un flot continu de la tête à la barbe, sur le vêtement d’Aaron. Cette image suggère que l’expérience de Dieu vécue dans l’unité fraternelle est aussi forte que celle qu’Aaron a vécu lorsqu’il a été consacré par l’huile d’onction. 

L’image de l’unité s’approfondit encore quand on se souvient que sur le vêtement d’Aaron se trouvent douze pierres précieuses gravées aux douze noms des tribus d’Israël. (Ex. 28,21). Aaron représente tout Israël quand il entre dans le Temple pour y recevoir la bénédiction et la transmettre. C’est le peuple de Dieu entier qui est oint et béni, à travers la médiation sacerdotale d’Aaron, qui est – selon l’épître aux Hébreux – une figure du Christ. Quand il y a l’unité des frères et sœurs le Christ ressuscité, le médiateur, s’infiltre au milieu, prie avec nous et, comme médiateur, intercède auprès du Père.  

La seconde comparaison est avec la rosée qui descend du mont Hermon. Cette haute montagne au nord d’Israël est renommée pour sa rosée abondante. La rosée apporte de l’eau même quand il ne pleut pas. Elle aussi un symbole de la bénédiction de Dieu (Gen.  27,28; Deut. 33,28). 

La communion fraternelle vécue par les pèlerins a l’effet d’une rosée rafraîchissante. C’est une expérience de renouveau intérieur, difficilement descriptible. On la goûte, on la perçoit, mais qui peut en parler vraiment ? La communion fraternelle est merveilleuse, comme Dieu est merveilleux. 

Selon ce psaume (comme le précédent), cette bénédiction se vit à Sion-Jérusalem, où les frères et sœurs venus en pèlerins sont ensemble, pour prier, manger ensemble et vivre dans l’amitié. 

Quels sont, en résumé, les effets de la vie fraternelle dans l’unité selon ce Psaume ? Une expérience plus profonde de l’Esprit saint, symbolisée par le flot abondant de l’huile et la rosée rafraîchissante. C’est cette bénédiction qui est promise à ceux qui savent vivre l’art de la fraternité. 

La première communauté de Jérusalem, accomplissement de ce Psaume. 

Les Pères de l’Église ont vu dans la vie de la première communauté chrétienne de Jérusalem l’accomplissement de ce psaume. Persévérant dans la communion fraternelle, l’écoute de la Parole de Dieu, la prière et la fraction du pain, les frères et sœurs de Jérusalem font l’expérience de la présence du Ressuscité au milieu d’eux, qui apporte paix, force, joie, fraîcheur et guérison (Actes 2,242).

Pour Augustin, la rosée est une image de la grâce divine. Elle rend humbles et paisibles ceux qui la reçoivent. Pour eux, il n’est pas question de murmurer. Ces grincements du murmure, que l’on entend trop souvent dans les communautés, sont hors de place sur la vraie montagne de Sion où descend la rosée. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de vivre ensemble corporellement, mais d’être unis par une concorde véritable, qui permet de  » bénir le Seigneur » (derniers mots du Psaume) en vérité, du fond du cœur. Et pour cela, il faut prier pour ses « ennemis  » – les frères qu’on a de la peine à supporter – et les aimer. [1]

L’expérience de la première communauté chrétienne reste le prototype de toute communauté chrétienne. « Là où deux ou trois » sont rassemblés dans l’amour du Christ, il est au milieu d’eux. Cette expérience n’est plus limitée à un seul lieu, Jérusalem. Quand il y a unité fraternelle, chaque endroit devient une Jérusalem où la présence de Dieu se manifeste. Mais aucun groupe, aucune Église n’est à elle seule toute l’Église de Jésus-Christ. Chacun a besoin des autres et d’être en communion. La communion fraternelle des pèlerins ne peut se replier sur elle-même, mais doit être ouverte et chercher le lien avec toutes les Églises et cellules d’Églises.

Pour l’Église naissante, la présence de Jésus ressuscité au milieu des siens ne faisait pas de doute. Les Évangiles ont été rédigés avec la conviction que Jésus, puisqu’il est désormais ressuscité, continue à agir et à parler aujourd’hui dans la communauté chrétienne.

C’est par sa résurrection que Jésus continue à être présent.  Le Ressuscité est à l’œuvre par différents modes de présence. Il est présent dans sa Parole, dans le geste de partage de la Cène. Il est aussi présent dans notre prochain, quel qu’il soit, car il a voulu s’identifier à lui, à chacun d’entre nous.  

Lorsque nous sommes rassemblés en son nom, Il est là en personne ; il est en tous et nous enveloppe tous (Cf Mat 18,29). Si nous sommes dix, nous ne sommes pas dix, mais onze ! Parce que lui, il est là. Jésus a été sur cette terre, il a vu nos limites, combien nous sommes petits, combien nos pensées sont courtes. Donc il nous connaît. Il n’est pas seulement Dieu parce qu’alors nous ne pourrions pas l’atteindre. C’est un homme. C’est justement en tant que Jésus qu’il est au milieu de nous.

Pour lui quelques personnes suffisent : deux ou trois. Là où il est, il forme l’Église, qu’il est venu créer sur terre. L’Église est d’abord cette réalité mystique formée de personnes unies en son nom où il se rend présent.


[1] Cf. Adalbert de Vogüe, « Les vues d’Augustin sur les moines dans ses homélies sur les Psaumes ». Itinéraires Augustiniens.  2001, Vol. 26, p. 17-26


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