Le chemin d’Emmaüs, synthèse de l’Évangile 

Sur le chemin d’Emmaüs, de Soichi Watanabe

Dès le début de la vision de JC2033, la Terre sainte a joué un rôle important, puisque tout a commencé dans un jardin à Jérusalem, il y a bientôt 2000 ans. Mais comment nous relier à Jérusalem, où tout est très compliqué avec des narratifs très différents les uns des autres ? Nous avons réfléchi à cette question dans la prière. 

C’est alors que l’idée nous est venue d’inviter à marcher sur le chemin d’Emmaüs pour préparer le Jubilé des 2000 ans de sa résurrection, chaque année jusqu’en 2033.

Le chemin d’Emmaüs est d’abord un chemin géographique, bien qu’il soit difficile de dire où se trouve l’antique village d’Emmaüs. Au moins quatre hypothèses sont possibles ! 

Mais il est aussi et surtout un chemin spirituel.  Ne pas savoir où se trouve exactement Emmaüs signifie qu’Emmaüs pourrait être partout.

Depuis la résurrection de Jésus tous nos chemins, en effet, peuvent devenir des chemins d’Emmaüs où le Ressuscité nous rejoint. 

Par sa résurrection, la paix de Jérusalem – et celle du monde – est sa croix, où il nous a réconciliés avec Dieu et détruit le mur qui nous séparait : « Oui, c’est lui qui est notre paix » , dit l’apôtre Paul (Eph. 2,14)

Marcher vers Emmaüs nous rappelle aussi que le chemin vers 2033 est tout aussi important que les célébrations du temps de Pâques 2033.

Nous avons déjà vécu trois marches sur le chemin d’Emmaüs depuis Jérusalem, avec des groupes d’une trentaine de personnes, mais il n’a pas été possible de la vivre, cette année, à cause de la guerre. Nous l’avons renvoyée à l’année prochaine, du 10 au 17 avril 2026.

Durant nos marches, nous avons lu le récit de l’évangile de Luc en cinq étapes :Emmaüs un chemin, une rencontre, une parole, un repas et un envoi. 

Au début de la marche, nous méditions un de ces aspects et nous recevions une question, puis nous marchions silencieusement en y réfléchissant. Après vingt minutes, nous nous mettions à deux pour échanger, un peu comme les deux disciples sur le chemin. 

  • Emmaüs, un chemin

La vie chrétienne est comme une marche. Le verbe marcher – poreuomai en grec – est important dans l’évangile de Luc.  Il exprime en particulier la détermination de Jésus s’avançant vers Jérusalem pour affronter son tragique destin. 

La répétition de ce verbe dans ce récit n’est pas fortuite. La marche représente la vie des humains comme des croyants.

Ce récit nous présente ce qu’est l’Église au sens profond : une Église en chemin. Le terme « synode » signifie justement « être en chemin ensemble »

Remarquons que les disciples, sont sur un chemin de deuil. « Nous espérions… », disent-ils à l’étranger qui les rejoint sur leur chemin. C’est tragique quand on parle d’espérance au passé. L’imparfait traduit bien leur désespoir : « Nous espérions, mais voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. »

En fait ils traversent « la vallée de l’ombre de la mort » dont parle le psaume 23. Ils ne savent pas encore que le bon berger les accompagne. 

Notons aussi que pour désigner la conversation entre les disciples, le texte utilise deux verbes : d’abord « homileo », s’entretenir, converser de manière sérieuse. 

Et « suzeto » qui signifie discuter avec vigueur, se disputer. En chemin les disciples divergeaient d’opinion dans leur interprétation des événements récemment passés à Jérusalem. Bref, ils se disputaient ! 

  • Emmaüs, une Rencontre

« Jésus lui-même s’approcha … et fit route avec eux » (v. 15)

L’iconographie antique sur le chemin d’Emmaüs a d’abord retenu la rencontre sur le chemin. Les interprétations qui font le lien avec le Repas du Seigneur sont plus tardives. 

Jésus fait le premier pas, il accueille et s’intéresse aux deux disciples, en leur posant cette question : « De quoi parliez-vous, chemin faisant ? »

C’est intéressant ! Les premières paroles de Jésus après sa résurrection sont sous la forme d’une question. Jésus est un maître dans l’art de poser les questions. 

Le propre de l’homme est de poser des questions. S’il n’y a pas de questions, on tourne en rond. Pour avancer, il faut poser des questions. 

Par le dialogue, Jésus construit une amitié et une confiance avec les disciples en chemin. 

C’est aussi ce que nous sommes appelés à vivre : rencontrer les autres, les écouter, nous mettre à leur service, puis témoigner de l’espérance qui nous habite. Et souvent cela se passe au moment d’un repas. 

Ce qui arrive ensuite ne nous appartient pas. C’est le Christ qui peut toucher un cœur et l’enflammer de la conviction qu’il est vivant. 

La difficulté de croire

La rencontre entre Jésus et les disciples est d’abord difficile. Elle se passe mal…Mais Jésus ne se décourage pas. Il veut nous rencontrer, toujours à nouveau. Malgré nos hésitations et nos repliements. 

D’abord les disciples expriment leur désapprobation à l’égard de celui qui les interpelle de manière non verbale (v. 17-18). 

Ils ont « l’air sombre ». Le sens de ce mot peut signifier tristesse, sévérité, ou mauvaise humeur.

Puis la réponse de Cléopas à Jésus est agressive. Je l’imagine en train « d’engueuler » Jésus : « Es-tu le seul qui ne sait pas ce qui s’est passé, ces jours à Jérusalem » ? 

Malgré les témoignages sur le tombeau vide par les femmes et les paroles des anges, les deux disciples n’ont pu croire que Jésus était vraiment ressuscité. 

Voici aussi un grand texte sur le doute et la difficulté de croire. 

Mais pas le seul, car les autres évangiles ne passent pas sous silence le doute des disciples à l’annonce de la résurrection. Tant de personnes doutent aujourd’hui de la réalité historique de la résurrection de Jésus !

Mais ce récit nous dit aussi combien Dieu s’intéresse à nos brouillards et à nos peurs. Jésus s’arrête avec eux, sans hâte. Son désir est de construire des relations nouvelles, authentiques et pleines de sens. 

Nous ne devrons donc jamais craindre de présenter nos blessures à notre Seigneur, parce que nous savons que dans son cri sur la croix, Jésus a résumé en lui-même tous nos « pourquoi » et qu’il comprend nos blessures et les présente au Père. 

  • Emmaüs, une Parole 

« Il leur fit l’interprétation de ce qui, dans toutes les Écritures, le concernait » (v. 27)

Emmaüs est surtout un chemin d’Évangile 

Par le dialogue, Jésus a construit une relation avec eux. L’hostilité première des disciples a fait place à l’écoute et au respect. 

C’est alors que Jésus commence à ouvrir les Écritures pour témoigner qui il est en vérité.  

Cela illustre un point important et délicat : la relation entre dialogue et évangélisation. A mon sens il ne faut pas les opposer : ou bien dialoguer, ou bien évangéliser. Mais il faut articuler ces deux moments.

C’est en construisant une relation que je peux témoigner et même interpeller, comme le fait Jésus : « Gens sans intelligence, coeurs lents à croire tout ce qu’ont annoncé les prophètes » !

L’accusation porte non sur le fait de ne pas l’avoir reconnu chemin faisant, ni de n’avoir pas cru les femmes qui ont déclaré l’avoir vu vivant, ni encore de ne pas avoir cru les annonces de sa passion et de sa résurrection. 

Mais l’accusation de Jésus porte sur la lecture des Écritures. Ils n’ont pas compris ce qui le concerne dans les Écritures. Ils sont « sans d’intelligence » et leur « cœur (est) lent à croire ». La lecture des Écritures fait appel à la raison et au cœur. Elles sont à lire avec l’intelligence et le cœur.  

Il ne faut pas opposer la lecture spirituelle et croyante des Écritures à la lecture studieuse et académique. 

Une lecture intégrale des Écritures met en œuvre à la fois l’étude et la prière. La foi, de même, a un aspect objectif et un aspect subjectif. 

Ici aussi, il ne faudrait pas opposer les deux, mais l’intelligence de la foi devrait nourrir la confiance du cœur et réciproquement.  

Encore un point : Jésus explique dans « toutes les Écritures » ce qui le concerne. Toutes les Écritures parlent de lui. Chaque parole est à recevoir comme un don et peut enflammer notre cœur et nous donner une grande joie. 

C’est l’expérience que je fais depuis tant d’années, et que sans doute, vous faites aussi !

  • Emmaüs, un repas

Ce repas à Emmaüs est le premier de Jésus après sa résurrection. D’autres suivront. Le livre des Actes des Apôtres s’ouvre avec un repas. Et après Pentecôte, c’est par son Esprit que Jésus participe au repas qu’il a institué avant sa passion. 

Il n’est pas difficile de reconnaître dans le geste de la fraction du pain, le geste que Jésus a fait, la nuit où il a été livré. La révélation du Ressuscité aux disciples à Emmaüs a le cadre du Repas du Seigneur.

Au moment de son geste, il est dit que « leurs yeux s’ouvrirent ». Où se trouve une notation semblable ? Dans le récit des origines, où l’homme et la femme ouvrent leurs yeux sur leur nudité et se cachent. (Genèse 3,7) Il se pourrait donc que l’autre disciple soit la femme de Cléopas ! 

Dans le Christ ressuscité, l’homme et la femme retrouvent leur vocation à être ensemble témoins de l’Éternel ! 

Dans la cène nos yeux s’ouvrent les uns sur les autres. La Cène nous appelle à nous accueillir les uns les autres. Pas seulement entre hommes et femmes, mais aussi entre juifs et non-juifs, entre riches et pauvres, etc… Bref la cène est un appel à l’unité. 

  • Emmaüs, un envoi

Arrivés à Emmaüs, « Jésus fit mine d’aller plus loin », dit le récit. Vers où voulait-il aller ? Vers sa maison qui est celle de son Père !

Mais il entre dans la maison des disciples et se met à table. Au moment de la fraction du pain, les yeux des disciples s’ouvrent et Jésus disparaît. Pour aller où ? Vers la maison de son Père ! 

A Emmaüs, la présence du Ressuscité auprès des siens, autour de la table où le pain est rompu, ouvre donc sur une disparition tout aussi contraire aux lois de l’existence que son apparition sur la route. 

C’est le paradoxe que nous vivons à chaque Sainte cène : l’Église rassemblée vit une rencontre avec le Ressuscité qui nous entraine vers le Père et nous envoie vers le monde. 

La présence de Jésus nous est donnée afin de nous conduire vers le Père et elle nous envoie pour rencontrer nos prochains, en nous mettant à leur service et en leur témoignant que Jésus est ressuscité. 

Tous les disciples qui ont rencontré Jésus sont envoyés vers les autres pour leur annoncer la grande nouvelle de sa résurrection. 

A Marie de Magdala, la première qui l’a rencontré, Jésus dit : « Va dire à mes frères que je m’en vais vers mon Père et votre Père » (Jean 20,17)

De même, ayant découvert le Ressuscité, les deux compagnons d’Emmaüs ne gardent pas cette découverte pour eux mais décident immédiatement de retourner à Jérusalem pour partager cette immense joie avec « les Onze et leurs compagnons » (v. 33). Et les onze leur disent « Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon » (Luc 24,35). 

Conclusion 

Le récit d’Emmaüs est une synthèse de l’Évangile. Luc l’a placé à la fin de son texte afin de nous faire comprendre que le sens de notre vie personnelle et communautaire est de toujours nous laisser rejoindre par le Ressuscité, qui nous transforme par sa Parole et nous unit afin de nous envoyer pour l’annoncer à tous.

Ce récit résume aussi merveilleusement ce que l’initiative JC2033 désire proposer : un chemin vers 2033 où nous laissons Christ nous rejoindre, nous unir afin de pouvoir l’annoncer et le célébrer comme jamais et que toute personne entendent dans les 7’500 langues de l’humanité : « Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ». 

Méditation qui sera donnée lors du Rassemblement JC2033 – Genève 27 février 2025

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