« On ne peut vivre sans tendresse », chantait Bourvil. Un grand moment de la chanson française ! Ces paroles nous touchent, non seulement par la sincérité du chanteur, mais aussi par leur sens profond. Ni la richesse, ni le travail, ni quoi que ce soit peut remplir nos cœurs. C’est la tendresse qui donne un sens aux ardeurs de l’amour de la jeunesse et aux épreuves de la vie. Le besoin de tendresse est inscrit en nous dès notre naissance. Et Bourvil termine par cette confession de foi:
Un enfant vous embrasse Parce qu’on le rend heureux
Tous nos chagrins s’effacent On a les larmes aux yeux
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu… Dans votre immense sagesse
Immense ferveur Faites donc pleuvoir sans cesse
Au fond de nos cœurs Des torrents de tendresse
Pour que règne l’amour Règne l’amour
Jusqu’à la fin des jours
Ce chant n’a-t-il pas les mêmes accents que l’hymne à l’amour de S. Paul ? Je pourrais parler les langues des hommes et des anges, avoir toute la connaissance, donner tous mes biens aux pauvres, si je n’ai pas l’amour je ne suis rien (1 Cor. 13). « Sans amour on n’est rien du tout », chantait encore Edith Piaf. On ne peut vivre sans tendresse, qui est un autre nom de l’amour.
Or le sens de Noël est que cette tendresse entre dans notre monde, ce jour. Pour ne plus nous quitter. Un mot caractérise en effet l’atmosphère autour de la crèche : la tendresse. Cette scène touche le monde entier, car il s’agit là de l’expérience universelle de la maternité, d’une famille autour d’un petit enfant.

Nativité de Rembrandt
Comment représente-t-on Noël dans l’art ? Je pense aux tableaux de la nativité par Rembrandt. Une douce lumière jaillit de l’enfant et éclaire à l’entour. Que de tendresse dans ses tableaux !
Cet artiste a exprimé d’une manière extraordinaire la vérité du prologue du 4eévangile : « La lumière brille dans l’obscurité, mais l’obscurité ne l’a pas reçue…mais à ceux qui l’ont reçue, Dieu a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ».
La Vierge de Tendresse.
A Taizé, j’ai toujours été frappé comment frère Roger, son premier prieur se recueillait devant cette icône à la fin des offices de prière. Il restait debout devant elle, la contemplant avant de quitter l’Église. J’ai été touché par ce regard intense avec lequel il la fixait et je retrouvais ensuite cette tendresse dans son regard. Pourquoi cette icône, d’origine russe, est-elle appelée la « Vierge de Tendresse » ?

La vierge de tendresse. Taizé
« L’enfant exprime le mystère de la tendresse de Dieu pour l’être humain…Dans cette icône de l’affection réciproque de la Mère et de l’Enfant, on est surpris de la tristesse apparente du visage de Marie. C’est que l’icône de la tendresse est également l’icône de la Passion inévitable. Elle reprend l’annonce faite par Siméon lors de la présentation de Jésus au Temple : « Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté. Toi-même un glaive te transpercera l’âme » (Luc 2,34s). L’icône de la Tendresse montre à la fois l’attention de la mère pour son enfant et la souffrance face à ce qui l’attend. Gustave Flaubert disait que la « manière la plus profonde de sentir quelque chose est d’en souffrir ». (Voir : Michel Saint Onge, Mireille Ethier, Paroles pour nos yeux, Anne Sigier, Sainte Foy, 1992, p. 157)
La tendresse est l’autre nom de la miséricorde Dieu.
Le terme même de « miséricorde » – rahamim –vient de rehem, qui signifie la matrice. La miséricorde, c’est donc l’amour tendre, matriciel de Dieu. Dieu nous aime comme une mère aime son enfant. Et même plus qu’une mère, car une femme peut oublier son enfant (Es. 49,15). Il nous aime avec « des entrailles de miséricorde », comme le dit une vieille (mais belle) traduction. Une tendresse qu’il nous garde pour toujours, dans toutes les circonstances, même lorsque nous traversons une vallée obscure, même lorsque nous nous sentons éloignés de lui. Ce texte du prophète Esaïe nous le dit d’une manière extraordinaire :
Même si les collines venaient à s’ébranler,
même si les montagnes venaient à changer de place,
l’amour que j’ai pour toi ne changera jamais,
et l’engagement que je prends d’assurer ton bonheur
restera inébranlable. C’est moi, le Seigneur, qui te le dis,
moi qui te garde ma tendresse. » (Es 54 10)
La tendresse matricielle de Dieu
Jésus parle aussi de la tendresse matricielle de Dieu. En lui le cœur de Dieu devant la souffrance des hommes s’émeut. Ce n’est pas seulement dans ses paroles et ses paraboles que Jésus révèle la tendresse de Dieu, mais surtout par sa vie. Devant le malheur et souffrance, les évangiles disent à dix reprises que Jésus est « remué dans ses entrailles ». Les entrailles de Jésus révèlent la tendresse divine.
Noël révèle la tendresse de Dieu, elle est son nom, sa nature la plus profonde : « Ce Fils est le rayonnement de la gloire de Dieu et l’expression de sa réalité même » (Hébreux 1,2). Et la réalité même de Dieu est la tendresse, la miséricorde et la bonté. « Dieu est amour », dit saint Jean, à la fin de sa longue vie. Il résume en trois mots tout ce qu’il a vécu avec Jésus. En lui il découvre que « notre Dieu est plein de tendresse et de bonté : il fera briller sur nous une lumière d’en haut, semblable à celle du soleil levant » (Luc 1,78)
La tendresse à la crèche.
Mais revenons à la crèche. J’aimais contempler les santons avec mes petits-enfants. Je les prenais dans mes bras et nous restions ensemble devant elle. Et je leur dit que nous faisons partie de ceux qui sont venus saluer l’enfant Dieu. « Prendre un enfant par la main…prendre un enfant dans les bras ». « Un enfant vous embrasse Tous nos chagrins s’effacent », chante Bourvil
La crèche avec les proches et les lointains, les savants et les simples, le ciel et la terre, les anges et les humains est symbole d’unité. Dieu est ici le Tout-Bas qui attire à lui toute l’humanité, tout l’univers. Prélude à ce moment (la croix) où il dira « quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
Intouchables, ou la tendresse forte.
J’ai beaucoup aimé ce film, qui relate l’histoire d’un homme paralysé richissime et d’un auxiliaire de santé immigré venant des banlieues parisiennes. Au début une rudesse dans leur relation, et petit à petit, ils deviennent tour à tour consolateurs et consolés.

Quelle tendresse forte quand le riche paralysé est porté à bout de bras par le pauvre plein d’énergie ! N’est-ce pas ainsi – et encore bien mieux – que Dieu nous prend, nous soulève pour nous ouvrir de nouveaux horizons ? N’est-ce pas une belle parabole de la rédemption ? Et même plus qu’une parabole, puisque le film se base sur une histoire véridique.
A Noël, cette tendresse est descendue sur la terre pour chacun. Dieu se laisse prendre dans nos bras, pour ensuite nous attirer à lui et nous soulever d’espérance, de foi et d’amour.
Que chaque rencontre soit une occasion pour la vivre et l’annoncer, comme les anges l’ont fait aux bergers et les bergers à tous !
Joyeux Noël à tous ! Que la tendresse de Jésus soit toujours avec vous. Qu’il verse au fond de nos cœurs des torrents de tendresse afin que dans notre monde règne l’amour jusqu’à la fin des jours !
La tendresse chantée par Bourvil
(voir « La tendresse », chantée par Bourvil sur https://www.youtube.com/watch?v=wEhw9AMYOoA
On peut vivre sans richesse Presque sans le sou
Des seigneurs et des princesses Y’en a plus beaucoup
Mais vivre sans tendresse On ne le pourrait pas
Non, non, non, non On ne le pourrait pas
On peut vivre sans la gloire Qui ne prouve rien
Etre inconnu dans l’histoire Et s’en trouver bien
Mais vivre sans tendresse Il n’en est pas question
Non, non, non, non Il n’en est pas question
Quelle douce faiblesse Quel joli sentiment
Ce besoin de tendresse Qui nous vient en naissant
Vraiment, vraiment, vraiment
Le travail est nécessaire Mais s’il faut rester
Des semaines sans rien faire Eh bien… on s’y fait
Mais vivre sans tendresse Le temps vous paraît long
Long, long, long, long Le temps vous parait long
Dans le feu de la jeunesse Naissent les plaisirs
Et l’amour fait des prouesses Pour nous éblouir
Oui mais sans la tendresse L’amour ne serait rien
Non, non, non, non L’amour ne serait rien
Quand la vie impitoyable Vous tombe dessus
On n’est plus qu’un pauvre diable Broyé et déçu
Alors sans la tendresse D’un cœur qui nous soutient
Non, non, non, non On n’irait pas plus loin
Un enfant vous embrasse Parce qu’on le rend heureux
Tous nos chagrins s’effacent On a les larmes aux yeux
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu… Dans votre immense sagesse
Immense ferveur Faites donc pleuvoir sans cesse
Au fond de nos cœurs Des torrents de tendresse
Pour que règne l’amour Règne l’amour
Jusqu’à la fin des jours