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Comment devenir un artisan de paix ?

Durant la rencontre de Synaxe en Roumanie (juillet 2024), la béatitude sur la paix a été approfondie sous divers angles. Comment être davantage artisan de paix ? Cette question va m’accompagner longtemps, surtout dans des contextes dans lesquels il est difficile de vivre l’amour des ennemis.

Tant de guerres déchirent l’humanité. La guerre en Ukraine a provoqué un grand traumatisme dans la société. Pour Taras Dmytryk, qui est intervenu en vidéo-conférence, il faudra au moins trois générations pour en guérir. Comme la réconciliation a pris du temps après la deuxième guerre mondiale, il faudra beaucoup de travail pour œuvrer à la réconciliation après la guerre en Ukraine. Les chrétiens ont le devoir sacré de s’y engager. Les rencontres de Synaxe, auxquelles il a souvent participé l’inspirent et l’encouragent. Elles lui rappellent que la vraie paix vient d’en haut ; elle est une grâce donnée par Dieu. C’est pourquoi il est essentiel de prier sans cesse, tâche à laquelle se consacrent les personnes consacrées.

« La paix bénie par le Christ, dit-il, est le résultat et le fruit de la purification du cœur et de l’union avec Dieu », dit Mgr Athénagoras, métropolite du Benelux et président de Synaxe.

Le fondement de la paix est posé par le Christ, qui par son incarnation et son œuvre rédemptrice a réconcilié l’humanité avec Dieu. Elle a trois dimensions : Paix avec Dieu, avec soi-même et avec son prochain : « si une personne ne goûte pas à la paix dans son âme et avec Dieu…elle ne peut pas l’offrir aux autres. Chacun de nous donne aux autres ce qu’il a, et non ce qu’il n’a pas », ajoute-t-il.

La paix n’est pas un concept ou un programme politique, mais le Christ lui-même qui guérit et pardonne. Elle doit être cherchée partout, particulièrement avec nos proches. Elle fait partie de la vie chrétienne ordinaire, mais semble souvent absente des disciples du Christ. Pour Athénagoras, la haine entre eux fait partie des « péchés les plus graves » !

La paix commence par la rencontre

La paix commence par rencontrer les autres et les écouter : « il faut une hospitalité de visage et de l’oreille ». Le cardinal Mercier disait : « pour s’unir, il faut s’aimer, pour s’aimer, il faut se connaître. Pour se connaître il faut aller à la rencontre des uns et des autres ».

La paix est soutenue par la prière qui doit être humble : « vous n’aimerez jamais quelqu’un pour qui vous ne priez pas. La prière ouvre un canal en nous pour participer à l’amour de Dieu pour l’autre personne ».

Dans un beau message, Anne Burghardt, secrétaire générale de la Fédération luthérienne mondiale, écrit : « En mettant en lumière ce thème, vous nous rappelez à tous que la vie consacrée, la vie en communauté, sous ses multiples formes, offre un signe unique au milieu de puissances conflictuelles et, si je puis dire, une résistance offerte par la prière ».

Elle rappelle aussi la pensée du pape François, pour qui « marcher ensemble » (la synodalité) définit ce que nous sommes en tant que chrétiens. « Au cours de cette marche, nous dialoguons, nous prions, nous nous engageons dans un service commun pour tous ceux qui sont dans le besoin ».

La paix, fruit de l’Esprit Saint.

Frère Guillaume, de la communauté de Taizé, vit depuis 47 ans au Bangladesh. Il devait se rendre en pèlerinage au mont Athos, mais il a accepté avec joie de participer à cette rencontre. Il vit au milieu de personnes simples et veut nous offrir des mots simples. Il commence par un chant en bengalais, la 6e langue la plus parlée au monde. Puis un chant de Taizé inspiré de la lettre aux Romains : « Le Royaume de Dieu est justice et paix. Et joie dans l’Esprit saint » (1, 4.7)

Selon la lettre aux Galates, la paix est un des fruits de l’Esprit (5,22). Tous ces fruits doivent s’enrichir. D’autre part, il faut lutter contre notre propre nature pour trouver la paix. Les premiers chrétiens le faisaient et ils sont devenus des personnes libres et remplies des dons de l’Esprit. On n’entend pas souvent cela aujourd’hui ; pourtant c’est l’essentiel.

Selon Séraphin de Sarov, le but de la vie chrétienne est d’être constamment habité par l’Esprit saint (« l’acquisition de l’Esprit », selon son expression passée à la postérité). Pour cela, il faut lutter contre nos passions ; la paix de l’âme passe en effet à travers de nombreuses tribulations.

Il ne suffit pas de se libérer personnellement. Nous avons à nous entraider et à vivre dans la justice. La paix ne va pas sans la justice et, comme nous l’avons chanté, « le royaume de Dieu est justice et paix » (1, 4.7).

Avant tout, la paix se construit si nous devenons des personnes réconciliées, en accueillant les dons des autres. « Entre nous, il y a unité dans la mesure où nous nous rapprochons du Christ ». Cette parole d’un moine du mont Athos a marqué frère Guillaume.

Comment témoigner de la paix du Christ au Bangladesh, où il n’y a que 0,5 % de chrétiens ? Il faut d’abord voir la beauté du pays, le courage des personnes qui vivent une vie très difficile. Puis annoncer l’Évangile, dans la mesure du possible, par notre exemple, en étant proche de tous, particulièrement des pauvres et des malades.

Pour apporter la paix, il faut donc se rendre proche, construire la confiance en collaborant. Ceci n’est pas facile, car les personnes restent entre elles.  Au lieu de voir ce qui ne va pas chez les autres chrétiens, il faut apprécier comment le Christ est présent dans leur Église : quels sont les dons qu’il a donnés.

La paix est enfin liée à la simplicité de vie qui se contente de peu. Gandhi l’a très bien compris ; pour lui, la voracité provoque l’absence de paix, tandis que la simplicité conduit à l’ouverture aux autres. Les gens qui ont un smartphone sont avides de nouvelles mais ne s’intéressent pas à ceux qui sont à leurs côtés dans un bus. En revanche, les pauvres qui n’ont pas grand-chose sont davantage intéressés à connaître les autres. Il en va de même avec les Églises qui étaient convaincues d’avoir toute la vérité, sans s’intéresser aux autres Églises, ni avoir besoin d’elles.  

Pour d’autres articles sur ce thème voir : https://www.hoegger.org/article/heureux-les-artisans-de-la-paix/


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