L’autre soir, j’ai suivi un débat entre le philosophe Michel Onfray et des historiens du christianisme. Celui-ci vient d’écrire un livre provocateur où il affirme que Jésus n’a existé que dans l’imaginaire de ses disciples. Il est athée, a-t-il dit, mais il ne fait que penser à Jésus! « Qui dites-vous que je suis », c’est la question de Jésus à ses disciples. A travers l’histoire il a continué à la poser et il nous la pose à chacun, aujourd’hui. Il a posé une question semblable à Marthe, une de ses disciples quand il lui a dit qu’il est la résurrection et la vie : « Crois-tu cela » ?
Quelle est la foi qui nous habite ? Telle est sans doute une des questions les plus importantes. Elle habitait déjà le peuple juif.
Commençons donc par la confession de foi fondamentale du judaïsme : « Écoute, Israël : Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta force » (Deutéronome 6,4s), telle est la confession de foi fondamentales du judaïsme, valable jusqu’à aujourd’hui.
Depuis Moïse, les juifs croyants disent ces paroles partout, en tout temps, et à tous, en particulier à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants.
Il faut les avoir sur la bouche, les écrire sur nos maisons et surtout les avoir dans notre cœur. Un juif croyant désire partir de ce monde en disant ces paroles.
Quelle est la foi dans laquelle nous voulons vivre et mourir ?
Et nous, quelle est la confession de foi dont nous voulons témoigner sans cesse et partout ? Une confession de foi que nous voulons écrire sur nos maisons, et transmettre à nos enfants et aux enfants de nos enfants ?
Une foi à laquelle nous tenons « plus que tous les trésors de notre cœur. Plus que père et mère, frères ou enfants. Plus que la maison et le travail. Plus que notre âme » (C. Lubich) ? Une foi pour laquelle nous serions prêts à mourir si on exigeait de nous de la renier !
Pour répondre à cette question, nous avons à écouter ce que dit Jésus à ce sujet :
« Un jour un spécialiste des Écritures… demanda à Jésus : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui répondit : « Voici le premier : “Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta pensée et de toute ta force.” Et voici le second : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” Il n’y a pas d’autre commandement plus important que ces deux-là. »
Il est intéressant que Jésus reprenne la confession de foi révélée à Moïse : Le Seigneur est un, le seul Seigneur. Il est à aimer de tout son cœur et de toute sa pensée. De plus, Jésus nous a révélé que Dieu est amour, vivant une communion d’amour entre le Père, le Fils et l’Esprit saint.
Chose capitale, Jésus ajoute à l’amour pour Dieu qu’il faut aimer son prochain comme soi-même.
Pour Jésus, croire et aimer vont ensemble. Il ne les oppose jamais.
Aimer Dieu implique aimer son prochain. Et pour avoir la force d’aimer son prochain, il faut aimer Dieu et le mettre en premier. Ainsi, il nous donnera la force de son Esprit d’amour.
Crois-tu cela ?
Venons-en au texte de l’Évangile !
Lazare, l’ami de Jésus est décédé et sa sœur Marthe va au-devant de Jésus pour lui dire sa tristesse, mais aussi sa confiance. Jésus lui dit alors : « ton frère ressuscitera ». Marthe comprend cette affirmation comme une promesse que Lazare ressuscitera à la fin des temps, quand Dieu ressuscitera toute l’humanité.
Mais Jésus va plus loin : il dit à Marthe : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » – « Oui, Seigneur, déclara-t-elle, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » (Jean 11,25-27)
« Crois-tu cela ? », demande Jésus ?
C’est la question qui nous est aussi posée durant la semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui commence à la fin de cette semaine. Le soir du 23 janvier, une célébration œcuménique répondra à cette question, dans ce temple du Mont sur Lausanne.
Croyons-nous que Jésus soit ressuscité des morts et qu’il est la « résurrection et la vie » ?
La réponse de Marthe est sans équivoque : non seulement elle y croit mais elle ajoute que Jésus est le Messie et le Fils de Dieu. La foi de Marthe est grande car elle croit que Jésus a la puissance de ressusciter son frère avant même que Jésus le ressuscite.
Elle a cru sans voir et cette foi la remplit de lumière. Quand Lazare ressuscitera, sa foi sera confirmée et la lumière intérieure qui l’habite se démultipliera.
La résurrection de son frère Lazare sera la preuve que Jésus dit vrai et tient ses promesses. Nous aussi, nous pouvons nous confier pleinement en lui. Et une lumière intérieure nous illuminera toute notre vie et s’intensifiera à mesure que nous sommes fidèles à cette foi.
Dans ce passage la divinité de Jésus est affirmée de manière très forte. Il est « la résurrection et la vie ». Or seul Dieu peut ressusciter les morts. Jésus s’identifie donc à Dieu.
Mais son humanité est aussi affirmée tout aussi fortement. En effet il nous est dit que « Jésus pleura ». C’est le verset le plus court de toute la Bible ! (11,35). Jésus est « vrai Dieu et vrai homme », comme le diront les Pères de l’Eglise. Jésus, en tant qu’homme, est donc proche de nous quand nous souffrons et peinons. Mais en tant que Dieu, il sait et peut toutes choses!
Pour Marthe, cette foi qu’elle confesse deviendra la vie de sa vie, plus précieuse que tout. Désormais le sens de sa vie est cette communion avec Jésus que rien ne pourra détruire, ni la vie, ni la mort, ni aucune puissance.
« La foi que Jésus demande à Marthe est de l’ordre d’un rapport personnel avec lui, une relation active et dynamique. Croire, ce n’est pas comme conclure un contrat que l’on signe une fois pour toutes et que l’on ne regarde plus jamais ensuite. C’est une réalité qui transforme et imprègne la vie quotidienne. » (Parole de vie, janvier 2025)
Comme Marthe, les premiers chrétiens ont eu le cœur transpercé quand Jésus les a rencontrés après sa résurrection. Ils ont compris qu’il est la résurrection et la vie et qu’on peut avoir entièrement confiance en ses paroles.
Eux aussi ont cherché à donner une réponse à cette question de Jésus : « Crois-tu cela?». Et ils ont répondu par le don de leur vie. Tous les apôtres, sauf Jean, ont vécu le martyre du sang, à cause de la haine provoquée par leur foi !
Deux critères de discernement : la foi et les oeuvres
Prenons, par exemple, la troisième lecture de ce dimanche tirée de la première lettre de Jean (2,21-29).
Le groupe œcuménique de Lectio divina de l’école de la Parole approfondit cette année cette lettre si profonde, avec la brochure intitulée « Un grand pas pour l’humanité ».
Pour Jean, dire « je crois en Dieu » implique tout de suite une conséquence, celle de nous aimer les uns les autres.
Jean est confronté à des personnes qui cherchent à égarer la communauté de deux manières. Il y a celles qui affirment que Jésus n’est pas le Messie, ni le Fils de Dieu. Et d’autres qui pensent que notre comportement n’a pas d’importance.
Pour lui, être chrétien signifie deux choses :
– D’abord confesser que Jésus est à la fois vrai homme et vrai Dieu. Par sa mort, il nous a réconciliés avec Dieu. Et par sa résurrection il est désormais tous les jours avec nous. Il s’agit de bien de « garder ce que vous avez entendu dès le commencement (2,24) ».
– Puis notre foi doit se traduire en un comportement juste et aimant : nous avons à pratiquer la justice comme le Christ est juste, et à aimer nos frères et sœurs : « Une personne qui ne fait pas ce qui est juste ou qui n’aime pas son frère ou sa sœur, n’appartient pas à Dieu » (2,29 ; 3,10)
Il y a donc deux grands critères de discernement : La foi et les œuvres.
Jean souligne, à la fois, l’importance de la confession de la foi et de pratiquer la justice, car c’est à nos œuvres, à notre manière de nous relier les uns aux autres dans la justice, le respect et l’amour que nous reconnaissons les vrais disciples de Jésus
En résumé, Jean nous met en garde contre deux genres de personnes qui peuvent nous égarer. Celles-ci sont dans la communauté chrétienne, non pas des gens de l’extérieur. Et cet avertissement est toujours à considérer aujourd’hui.
D’abord, il y a ceux qui égarent les croyants en enseignant des fausses doctrines, comme le rejet du mystère de l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ : « Qui est alors le menteur ? C’est celui qui déclare que Jésus n’est pas le Christ…et qui rejette le Fils » (2,22).
Puis il y a ceux qui ne pratiquent pas la justice : « une personne qui ne fait pas ce qui est juste, ou qui n’aime pas son frère ou sa sœur, n’appartient pas à Dieu » (3,10)
Jean conjoint le premier et le second commandement. Les deux sont inséparables : aimer Dieu implique aimer son prochain. Confesser la foi en Jésus, vrai Dieu et vrai homme, fils du Père et deuxième personne de la Trinité implique le rencontrer, l’aimer et le servir dans notre prochain.
De 2025 à 2033
Vous savez que je collabore avec l’initiative JC2033 qui invite toutes les Églises à préparer ensemble les 2000 ans de la résurrection de Jésus-Christ, le 17 avril 2033. J’y participe depuis 8 ans et 3 mois. Or, à quelques jours prêts, il y a encore 8 ans et 3 mois jusqu’à Pâques 2033.
Je suis donc à mi-parcours dans cet engagement qui a élargi mon coeur et mon expérience ! Que le Christ nous donne la persévérance, nous éclaire et nous ouvre les portes.
Sa promesse est que tous les humains entendront parler de sa résurrection durant cette année. Et nous travaillons dur pour que chaque personne entende dans sa propre langue la joyeuse salutation pascale : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ». Et ceci dans les plus de 7’500 langues que compte l’humanité !
Or cette année 2025 est une étape importante vers 2033. Pourquoi ?
– D’abord parce que la date de Pâques est commune à toutes les Églises, contrairement à l’année dernière, où plus d’un mois séparait notre date de Pâques de celle des Églises orthodoxes.
– Puis l’année 2025 marque aussi les 1700 ans du concile de Nicée qui a défendu la foi en Christ comme « vrai Dieu et vrai homme », contre l’hérésie du prêtre Arius qui niait la divinité de Jésus.
L’initiative « Pâques ensemble 2025 »
Avec cet horizon à l’esprit, nous (à savoir JC2033) avons été invités à participer à l’initiative « Pâques ensemble 2025 », qui est portée par quatre mouvements : l’Assemblée interparlementaire sur l’orthodoxie, le mouvement des Focolari, le réseau Ensemble pour l’Europe et JC2033.
Nous sommes donc embarqués ensemble orthodoxes, catholiques, protestants et évangéliques.
Durant cette année, cette initiative veut mettre en évidence, d’une part que Pâques et la résurrection du Christ sont le cœur de la foi chrétienne. Et d’autre part que la foi en Jésus, comme « vrai Dieu et vrai homme » et en la Trinité est commune à toutes les Églises, dans le monde entier.
Ensemble, nous pourrons mieux résister aux multiples théories concernant la personne de Jésus qui égarent beaucoup de croyants et nous pourrons aussi mieux témoigner de l’espérance qui nous habite, à savoir que le Christ est « la résurrection et la vie » et donnera la vie éternelle à ceux qui lui font confiance.
Le coeur de la Déclaration de « Pâques Ensemble 2025 » dit:
« Aujourd’hui, nous sommes appelés à mettre en avant la croix et la résurrection de Jésus comme centre de notre foi ».
Voici quelques étapes :
– Une première rencontre à l’Académie orthodoxe de Crête
– La tenue d’un séminaire en ligne sur l’actualité du Concile de Nicée en février 2024. Il a rencontré un certain succès, puisque nous avons eu plus de 500 connections!
– Des visites auprès de différents responsables d’Églises : Jerry Pillay, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises ; Thomas Schirrmacher, le secrétaire général (maintenant émérite) de l’Alliance évangélique mondiale ; le patriarche Bartholomée, primat de l’Église orthodoxe et le pape François au Vatican.
Tous ces responsables – et bien d’autres encore – ont donné la même réponse que Marthe à la question de Jésus « Crois-tu cela » ? Nous avons découvert que tous croient en Jésus, le Messie mort et ressuscité, notre Seigneur et notre Dieu. C’est lui qui nous unit dans une même foi.
À la fin de notre rencontre, j’ai pu saluer personnellement le pape François. Je lui ai dit que nous prions pour lui et pour le chemin qui mène de 2025 vers 2033, et pour que tous les chrétiens puissent célébrer ensemble la résurrection du Christ à Pâques 2033 et en témoigner !
Il m’a répondu : « Adiamo avanti, sono d’accordo ». « Allons de l’avant, je suis d’accord ! »
Durant cette année nous visiterons d’autres responsables d’Églises. C’est pourquoi je me rendrai à Jérusalem pour y vivre Pâques et visiter des responsables avec les autres membres de cette initiative.
Nous continuerons à appeler les responsables à mettre Jésus, le ressuscité, vrai Dieu et vrai homme, au centre de tout, et à surmonter les divisions, en particulier la division autour de la date de Pâques.
A la fin du mois de février, nous organisons un rassemblement international à Genève. Vous pouvez y participer, tout ou partie !
Cela sera l’occasion de nous encourager et de nous fortifier dans notre foi commune en Jésus-Christ, celui qui nous unit alors que nous sommes si différents dans nos cultures, nos Églises et nos situations sociales et politiques.
Il y a bientôt 2000 ans, Jésus avait demandé à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela » ? Et elle a répondu « oui, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu ».
Il y a 1700 ans, les Pères réunis à Nicée ont trouvé d’autres mots pour redire la vérité de la divinité et de l’humanité de Jésus, contre une hérésie qui la nie et ne cesse de ressurgir.
Aujourd’hui, avec les chrétiens du monde entier, nous sommes appelés à répondre à cette même question « Crois-tu cela » ? Et à témoigner ensemble de notre foi en la résurrection de Jésus, qui est la source de notre joie et de notre espérance.
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