L’abbaye des Trois Fontaines et, à droite, la « Scala Caeli », lieu du martyre de la légion de Saint Zénon
Rome, 27 mars 2025. La deuxième journée du Congrès œcuménique des Focolari a consisté en un pèlerinage sur les traces des premiers chrétiens qui ont donné leur vie pour l’Évangile : Paul, Laurent, Zénon et ses dix mille compagnons.
Les martyrs n’appartiennent pas plus à une Église qu’à une autre. Ils ne séparent pas, mais dans la communion au Christ, ils unissent les chrétiens désunis. Comme aussi les chrétiens persécutés aujourd’hui à cause de leur foi sont des témoins (sens du mot « martyr ») et des ponts d’unité.
Aujourd’hui, nous avons fait mémoire de cette « nuée des témoins », en visitant quelques lieux du martyre des premiers chrétiens, en commençant par la basilique de Saint-Laurent, une des premières églises construites par l’empereur Constantin au 4ᵉ siècle. Le diacre Laurent a dit au cœur de son martyre cette parole inoubliable, signe de la foi inébranlable qui l’habitait : « Ma nuit ne connaît pas d’obscurité ».
« Le martyre du sang » et le concile de Nicée
Puis, nous nous rendons à la basilique des « Trois Fontaines ». A côté de celle-ci se trouvent deux églises circulaires qui gardent le souvenir de la prison et de la décapitation de l’apôtre Paul, ainsi que du martyre du tribun Zénon et de ses 10 203 compagnons soldats chrétiens. En refusant de renier la foi chrétienne, ils avaient subi le « martyre du sang ».
A l’intérieur de l’Église circulaire (la « Scala Caeli », « l’échelle du ciel »), une inscription gravée sur le mur indique en latin : « Sous cette église reposent dans la paix du Christ les dix mille deux cent trois soldats de la légion de saint Zénon ».
Ce lieu me touche particulièrement. Ces événements ont eu lieu entre 298 et 304, sous la très dure persécution de l’empereur Dioclétien. Environ vingt à vingt-cinq ans avant le Concile de Nicée qui se tiendra en 325 et dont on commémore cette année les 1700 ans !
Ces dix mille martyrs ont payé du prix de leur vie la confession de Jésus comme « Vrai Dieu » et « Vrai Homme ».
Le « Vrai Dieu » confessé dans le crédo de Nicée, c’est Lui, pas l’Empereur ! Pour rien au monde, ces courageux soldats n’auraient renié la foi qu’ils ont reçue des Écritures : « C’est lui le Vrai Dieu et la Vie éternelle » (I Jean 5,20).
Au Concile de Nicée, plusieurs évêques portaient d’ailleurs sur leur visage les traces des maltraitances qu’ils ont reçues à cause de la « haine de la foi ».
En sortant de ce lieu de mémoire, une sud américaine et une soudanaise me disent comment cette histoire de persécution continue aujourd’hui au Nicaragua et au Soudan.
Nous nous rendons ensuite à la basilique Saint-Paul hors-les-murs, où se trouve le tombeau de l’apôtre des Nations, et concluons notre pèlerinage par la prière. Le bâtiment est en bien meilleur état que les deux autres basiliques que nous avons visitées ce matin, quand bien même il a été la proie des flammes au 19ᵉ siècle.
« Le martyre blanc »
En préparant ces visites, on nous avait rappelé que le « martyre blanc » nous appelle tous à être des chrétiens authentiques, en avançant ensemble dans notre voyage de foi.
« Le martyre blanc, dit l’évêque algérien Pierre Claverie, c’est ce qu’on essaie de vivre chaque jour, c’est-à-dire ce don de sa vie goutte à goutte dans un regard, une présence, un sourire, une attention, un service, un travail, dans toutes ces choses qui font qu’un peu de la vie qui nous habite est partagée, donnée, livrée. C’est là que la disponibilité et l’abandon tiennent lieu de martyre, d’immolation. Ne pas retenir sa vie. »[1]
Je conclus la chronique de cette riche journée par cette prière tirée du livret qui nous a été donné pour une célébration « pour la réconciliation et la paix » rassemblant plus de 200 personnes d’une quarantaine de pays et de toutes les familles d’Églises : « Seigneur Jésus-Christ, tu nous connais mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Nous nous tenons devant toi, avec nos pensées, nos imperfections, nos préjugés.
Nous te le demandons : Tout comme tu as radicalement changé la vie de Paul par Ta puissance divine, change aujourd’hui nos vies, afin que nous ne jugions pas et ne condamnions pas les autres.
Entoure-nous de ta lumière, fais tomber les écailles de nos yeux pour que nous puissions gagner des yeux simples et te suivre, toi, Jésus.
Fais de nous des instruments de réconciliation pour témoigner de ton unité dans la diversité dans notre monde confus ».
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[1] P. CLAVERIE, Donner sa vie ; Six jours de retraite sur l’Eucharistie ; Paris, 2004
Autres articles de ce congrès « Appelés à l’espérance »,
Sur un séminaire sur le concile de Nicée auquel j’ai contribué