Un chemin et une maison

Dans l’évangile de Jean, au chapitre 14, Jésus donne une des plus hautes définitions de lui-même, de sa personne, de son œuvre et du but de sa venue. Il est venu au milieu de nous, dit-il, afin de nous conduire vers le Père. Pour nous faire comprendre cela, il utilise deux images : celle du chemin et celle de la maison.

A ses disciples inquiets – on est dans le cadre du dernier repas de Jésus et les siens pressentent quelque chose – Jésus dit de ne pas se troubler, il les appelle à la confiance. Et il ajoute : « Il y a beaucoup de places dans la maison de mon Père. Je vais vous préparer une place ». Puis il leur dit encore : « Quand je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi. De cette façon, vous serez vous aussi là où je suis. » 

Plus loin encore, Jésus leur dit qu’ils connaissent le chemin qui conduit vers cette maison. Mais Thomas lui dit qu’il ne connaît ni ce chemin, ni ce but. Alors Jésus dit sa fameuse phrase, une des plus célèbres : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

Ce texte est d’une telle richesse qu’il n’est pas possible d’en dégager toute la substance en une seule prédication. Je me concentrerai sur une seule phrase : « Quand je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi ». Et de cette phrase, je veux extraire le verbe :

 « Je reviendrai. »

Comment et quand Jésus reviendra-t-il ? Certainement à la fin des temps, comme il nous le promet. A ce moment il reviendra en gloire, de manière éclatante et irrésistible. 

Mais revient-il déjà maintenant ? Cette promesse concerne-t-elle aussi notre vie quotidienne ? Comment Jésus peut-il alors revenir vers nous ?

En méditant sur ce verbe et en me mettant à l’écoute, il m’a semblé que Jésus voulait me faire comprendre qu’il revient  vers nous par le chemin même par lequel il nous a quittés. C’est le chemin qui passe par l’humilité de la croix. Il m’a semblé me dire qu’il revient de trois manières :

Je reviens vers toi quand tu vis comme j’ai vécu

Je reviens vers toi à travers les personnes qui rappellent le plus la fin de mon chemin

Je reviens vers toi dans ces moments où tu vis ce que j’ai pu vivre au bout de mon chemin

  • « Je reviens vers toi quand tu vis comme j’ai vécu. »

Jésus revient dans ce temps non pas comme il reviendra à la fin. Non pas en gloire, mais caché, comme il l’était sur les chemins de Palestine. Il me rejoint dans la mesure où je vis comme il a vécu. Comme il a vécu, je suis appelé à vivre. Son chemin sera mon chemin. 

Prends alors le chemin du Lavement des pieds et du commandement nouveau (ces paroles de Jésus suivent l’épisode où Jésus lave les pieds de ses disciples et les appelle à s’aimer les uns les autres comme il les a aimés, durant son dernier repas). Prends ce chemin de l’amour, te dit Jésus, et je viendrai à toi. Car qu’est ce qui a pu me « forcer » de quitter le ciel pour venir ici-bas et donner ma vie, sinon l’amour que j’ai pour toi ? Et qu’est ce qui m’attire le plus dans une âme sinon cette disposition à s’engager et à marcher sur ce chemin de mon commandement nouveau, surtout au moment où vous partagez mon dernier repas.

Prends le chemin de la Prière pour l’Unité entre tous mes disciples et je viendrai à toi ! Car cette prière, je l’ai prononcée avec ferveur durant ma dernière nuit. Et j’attends avec impatience de la réaliser dans la mesure où les mains et les cœurs de mes frères et sœurs s’unissent.

Je viendrai aussi à toi quand tu demanderas la prière de tes frères et tes sœurs, dans les moments de peine, de tentation, de découragement, comme je l’ai fait dans le jardin des Oliviers quand j’étais aux prises avec le Prince de ce monde.

Je viendrai encore à toi dans ces moments de silence ou bien de témoignage courageux, tels ceux que j’ai vécus au moment d’être jugé par la justice humaine.  

  • Je reviens vers toi à travers les personnes qui rappellent le plus la fin de mon chemin

Il est intéressant de lire que c’est l’apôtre Thomas qui pose la question  : « Montre-nous le chemin ! » A Thomas, Jésus se manifestera après sa résurrection en lui demandant de mettre sa main dans les plaies de ses mains et de sa poitrine. Comme pour dire aussi que c’est justement  à travers ceux qui portent aujourd’hui ces plaies, que Jésus continuera à venir à nous. Ce sont à travers ces personnes qui ressemblent le plus à son abandon, qu’il désire nous rencontrer. Il veut attirer notre regard  en eux.

Il y a quelque temps, j’ai fait une expérience marquante. C’est  le soir, on sonne à ma porte. C’est un homme, qui me demande de l’aider. Je l’écoute un moment. Il me raconte son errance depuis sept ans, suite à son divorce. Il vient de Turquie, il n’a plus de famille. Je suis frappé par l’intensité de son regard, sa profondeur. Durant la nuit, dans un songe, je vois un enfant. Et je retrouve dans ses yeux le même regard intense de l’étranger de la veille. Le lendemain, je visite une personne âgée dans un home. Tout de suite, je suis étonné de rencontrer un regard semblable à ceux de l’ami venu de loin et de l’enfant de mon rêve. 

Jésus ne voulait-il pas me dire : c’est moi que tu rencontres à travers eux. Ne voulait-il pas m’inviter à être plus attentif à chaque personne qui vient à moi ou vers qui je vais ? N’est-ce pas lui, qui m’attend ou qui me rejoint en chacun ? Jésus caché en chaque personne !

  • Je reviens vers toi dans ces moments où tu vis ce que j’ai pu vivre au bout de mon chemin.

Comment se termine le chemin de Jésus sur cette terre ? Sur un instrument de supplice et dans un tombeau. Qu’a-t-il vécu durant ses derniers moments ? Tout ce que l’humanité peut vivre de questions, d’angoisses, de ruptures, de cris, de douleurs. Son chemin s’est terminé par un précipice qui l’a englouti dans l’abîme de la déréliction. 

Alors Jésus te dit : je reviens vers toi quand tu vis ces moments semblables à ceux que j’ai vécus au bout de mon chemin. Je ne peux rester insensible à ta douleur, car je la connais maintenant de l’intérieur.

Quand tu as le sentiment d’avoir tout raté, je reviens vers toi, car j’ai échoué.

Quand tu es jugé ou mal jugé et incompris, je reviens vers toi, car la justice m’a acquitté mais j’ai été condamné.

Quand tu n’es pas écouté, insulté, blessé dans ta personne, je reviens vers toi, car c’est ce qu’ils m’ont fait.

Quand tu es fatigué, découragé, dérouté, je reviens vers toi, car j’ai crié ma soif et ma déroute.

Quand tu souffres à cause d’un manque d’unité dans ta famille, dans ta communauté ou entre les Eglises, je reviens vers toi, car pour réconcilier les hommes avec mon Père et entre eux, j’ai vécu la plus profonde division.

Quand tu crois jusqu’à avoir perdu Dieu, qu’il ne représente plus rien pour toi, je reviens vers toi, car je me souviens de mon cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Qui peut sonder cet abîme dans lequel Jésus est entré par amour sinon l’Esprit de Dieu qui était en lui, qui l’a soutenu et qu’il a remis au Père ? Pour nous le donner ensuite. Jésus nous rejoint dans nos vertiges intérieurs non pour nous y enfoncer davantage, mais pour déposer au plus profond de nous-mêmes son Esprit. 

Accueillons-le tel qu’il se présente à nous ou en nous, crucifié et abandonné, afin qu’il nous fasse  participer aussi à l’Esprit Saint qui est en lui et qui l’a ressuscité des morts. 

Vivons son chemin ! Ouvrons nos cœurs à ceux qui peinent sur ce chemin ! Déposons nos propres peines devant sa croix ! Alors il nous rejoindra et portera avec lui l’Esprit Saint, force de résurrection, âme de l’Eglise et lien d’unité entre nous.

Prière

Père, la nuit où ton Fils a offert pour tous les temps

le sacrifice unique pour nos péchés,

 il a prié pour que nous et tous 

ceux qui croient en lui soient un, 

comme toi tu es un en lui et lui en toi.

Hâte le jour où ta volonté sera faite 

et où nous serons totalement un

afin que le monde croie en Jésus-Christ que tu as envoyé.

Pour que toute femme et tout homme 

sache que tu les aimes autant que tu aimes ton Fils unique.

Par ton Saint-Esprit, aide-nous à persévérer ensemble

avec courage et confiance sur ce chemin,

par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.


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Commentaires

Une réponse à “Un chemin et une maison”

  1. Avatar de Maxim Lontio kahabi
    Maxim Lontio kahabi

    Très touchant, cette prédication sur Jésus qui nous montre le chemin ! Puissions-nous être à la suite de Jésus, des chemins les uns pour les autres, pour aller à Dieu. Merci pour cette belle expérience de Jésus te demandant de l’accueillir en l’étranger, l’enfant dans le songe et le vieillard.

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