Quatre types de communion ecclésiale

Il y a un lien entre la communion eucharistique et la communion ecclésiale. Mais les Églises ont des conceptions diverses de ce qu’implique la communion ecclésiale. Les positions différentes des églises, par exemple, sur l’hospitalité et l’intercommunion eucharistiques proviennent de divers modèles de l’unité de l’Eglise, que nous allons maintenant analyser :

1. Églises réformées, luthériennes et évangéliques : communion dans la Parole et les sacrements

Texte fondamental de la Réforme, la confession d’Augsbourg (1531) affirme : « pour qu’il y ait une vraie unité de l’Église chrétienne, il suffit que l’Évangile, bien compris, y soit prêché en un complet accord et que les sacrements y soient conférés conformément à la Parole divine » (Art. 7). Dès lors les protestants luthéro-réformés font de la communion dans la Parole et les deux sacrements du baptême et de la cène la condition nécessaire et suffisante pour l’unité de l’Église. Il peut y avoir des formes très différentes d’organisation de l’Eglise (épiscopale ou non) : une unification de son organisation n’est pas nécessaire. Les églises qui s’accordent sur la compréhension de l’Évangile, se déclarent en communion. C’est ce qui est arrivé en 1973 avec la Concorde de Leuenberg, où les protestants ont retrouvé la communion eucharistique et ont reconnu leurs ministères et leur interchangeabilité.

Ceci conduit à l’affirmation que tout chrétien qui confesse le Dieu trinitaire et croit en l’Evangile est invité à la table eucharistique dans une église protestante, et tout protestant a la liberté de participer à une eucharistie où cette foi est confessée.

Grosso modo c’est aussi la position des Églises évangéliques, sauf quelques Églises qui n’ouvrent pas la table du Seigneur aux personnes qui ne sont pas membres (frères de Plymouth, « Darbystes »). Toutefois les ministères ne sont pas interchangeables, car les luthéros-réformés demandent une consécration précédée par une formation universitaire de niveau Master. En revanche des pasteurs réformés peuvent exercer dans des Églises évangéliques.

2. Église anglicane : communion dans la Parole, les sacrements, les deux confessions de foi et la succession épiscopale

Les piliers qui constituent l’unité de l’Église anglicane sont au nombre de quatre. Ils ont été définis en 1888, à la Conférence de Lambeth et restent le point de référence : « a) l’Écriture sainte, qui renferme tout ce qui est nécessaire au salut et forme le recours ultime en matière de foi ; b) le symbole de Nicée-Constantinople, et le symbole des apôtres, qui en constituent des exposés suffisants ; c) les sacrements institués par le Christ lui-même : baptême et eucharistie ; d) l’épiscopat historique, adapté aux conditions locales ».

Pour l’Église anglicane, l’épiscopat fait partie de la foi à confesser, comme d’ailleurs pour les églises orthodoxe et catholique. Mais l’Église anglicane accepte l’intercommunion avec les protestants, ce que n’acceptent ni l’Église orthodoxe, ni l’Église catholique.

3. Église orthodoxe : communion dans la Parole, les sacrements, les 7 conciles et la succession épiscopale.

L’Église anglicane est proche de l’Église orthodoxe, laquelle ajoute encore les 7 conciles dits « œcuméniques » (les Églises protestantes reconnaissent les six premiers, mais pas le 7e sur la légitimité des icônes). Pour pouvoir communier dans cette Église, il faut accepter ces différents points de la foi. De plus les sacrements sont au nombre de sept, comme dans l’Église catholique, mais ceux-ci ne sont pas sur le même niveau. Pour les orthodoxes, la communion eucharistique exige au préalable la pleine communion dans la foi.

4. Église catholique : communion dans la Parole, les sacrements, les conciles, la succession épiscopale en lien avec le successeur de Pierre.

L’Église catholique est doctrinalement proche de l’Église orthodoxe, mais elle ajoute encore d’autres conciles et la communion avec le successeur de Pierre, le pape, pour être en pleine communion avec elle. Communier pleinement à l’eucharistie dans l’Église catholique, c’est en définitive accepter ces divers principes de communion. La pleine communion ne pourra être réalisée que dans la mesure où le lien avec l’évêque de Rome sera rétabli. Mais la nature de son ministère est en train d’être discutée (en particulier dans le dialogue entre l’Église catholique et orthodoxe), suite à l’encyclique « Que tous soient un », où le pape Jean-Paul II invitait les autres églises à redéfinir son ministère afin qu’il soit mieux au service de l’unité de toute l’Église.

Le débat sur la question de la communion ecclésiale

Aux protestants, l’Église catholique demande : jusqu’où les formes et les structures des Églises protestantes peuvent-elles être acceptables, dans la mesure où celles-ci ne reconnaissent pas comme nécessaire pour la communion ecclésiale le ministère de l’évêque, l’unité entre les évêques et leur communion avec le ministère du successeur de Pierre ?    

Les protestants posent la question : en priant « que tous soient un », Jésus pensait-il à une unité institutionnelle telle qu’elle s’est développée dans l’histoire de l’Église autour du triple ministère (évêque, presbytre et diacre) et de la primauté pétrinienne ? Ne s’agit-il pas d’abord d’une unité spirituelle ? De plus, n’y avait-il pas dans l’Église primitive d’autres formes d’organisation (plus collégiales, comme celle de l’Église de Rome jusqu’au 2e siècle – dont les lettres de Clément aux Corinthiens et d’Ignace aux Romains témoignent) et que les Églises de la Réforme ont retrouvées. Cette diversité de formes n’empêchait pas les Églises d’être en communion les unes avec les autres.

Les catholiques (et les orthodoxes également) demandent si la notion d’unité des protestants, avec des confessions pouvant exister côte à côte et avec des conceptions très différentes concernant l’Église, les ministères, l’ordination, le rapport entre l’Écriture et la tradition, l’Évangile et la culture, l’éthique, etc… correspond vraiment au modèle d’unité de Jean 17 ? Selon eux, l’unité dont il est question dans ce texte, conçue sur les relations entre le Père et le Fils, présente une forme bien plus profonde de communauté, qu’une cohabitation dans des différences (de foi et d’éthique) parfois irréductibles.

En résumé, les catholiques demandent aux protestants : jusqu’où va votre diversité ? Et les protestants leur rétorquent : de combien d’unité avons-nous vraiment besoin ? La question peut donc se formuler ainsi : comment vivre l’Église où unité et diversité sont maintenues ensemble ? La théologie œcuménique contemporaine cherche une réponse dans un approfondissement de la vie trinitaire, qui est perfection de communion dans l’unité et la diversité et modèle des relations dans l’Église.[1]


[1] Voir par exemple,  Bouteneff, Peter, Falconer, Alan, éd. Episkopé and Episcopacy and the Quest for Visible Unity. WCC, Genève, 1999, p. 50s ; Shafique Keshavjee, Vers une symphonie des Eglises, Saint Augustin-Ouverture, Saint Maurice, Le Mont sur Lausanne, 1998, pp. 48ss.

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Consulter aussi : « Histoire et dimensions de l’oecuménisme »


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