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La croix et la résurrection du Christ, clés de l’unité

Tableau du peintre japonais Soichi Watanabe

Les premiers chrétiens étaient placés devant un choix difficile. Quel aspect de la vie du Christ faut-il mettre en évidence alors qu’ils vivaient des tensions et des divisions dans les communautés qu’ils avaient fondées.

Faut-il mettre l’accent sur le Christ thaumaturge qui fait des miracles et guérit ?

Faut-il valoriser le Christ philosophe, le logos qui incarne la sagesse humaine, ou le Christ pédagogue qui enseigne et révèle les mystères du Royaume de Dieu ?

Faut-il mettre la priorité sur l’enseignement éthique du Sermon sur la montagne : « Ne faites pas aux autres ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse » ? Faut-il mettre l’accent sur le Christ qui donne un nouvel éclairage à la loi de Moïse ?

Tous ces aspects sont importants, mais ils sont universels : le Christ n’est pas le seul à faire des miracles, ni à délivrer un enseignement de sagesse, ni à proposer la règle d’or comme synthèse du comportement.

Le cœur, la centralité de la foi chrétienne, ce sont la Croix et la Résurrection du Christ, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont sauvés, elles sont la puissance même de Dieu – le miracle des miracles – l’expression même de la sagesse de Dieu et le secret de l’unité de la communauté chrétienne.

Voyons quelques textes pauliniens !

La clé de l’unité

À une communauté divisée, le message de Paul est « Jésus crucifié » avec lequel il est en profonde communion, au point que toute sa personne est imprégnée de son humilité. Ainsi le Ressuscité agit par l’Esprit saint agit quand sa croix est vécue et annoncée. Son oeuvre est de nous réconcilier, en Dieu, les uns avec les autres. 

Une communauté divisée

Divisée, la communauté de Corinthe l’est en effet. Et même profondément. En son sein, des clans s’opposent. Les uns se réclament de Paul, d’autres d’Apollos (I Cor 3,4). Des inimitiés se font jour entre des membres à tel point que des procès sont intentés (6,1-11).

Des affaires de mœurs secouent l’Église (5,1ss), en particulier l’inconduite sexuelle (6,12ss). Paul doit alors rappeler le sens de la relation conjugale et du célibat dans le Seigneur (7,1ss ; 11,1-16).

Quelques membres manquent de discernement et continuent à participer à des rituels de leur ancienne religion (10,14ss).

Les riches ne prennent pas soin des pauvres. Ces derniers sont discriminés durant le moment le plus sacré de la vie de la communauté, le repas du Seigneur, (11,17-22).

Ses assemblées cultuelles tournent parfois à l’anarchie (14,26ss). Certains pensent que les morts ne ressuscitent pas et rejettent la résurrection du Christ (15,35ss)

Mais Dieu continue à l’aimer

Malgré toutes ces obscurités dans cette communauté de Corinthe, chose extraordinaire, Paul continue à la chérir et à la considérer comme élue. Il commence ainsi sa lettre : « Je rends toujours grâce à mon Dieu, à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ ; car en lui vous êtes devenus riches de tout… » (1,4).

Et il la termine ainsi : « Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous ! Mon amour est avec tous en Jésus-Christ » (16,23s).

Jésus crucifié, la clé

Voyons maintenant comment Paul s’y est pris pour appeler les Corinthiens à surmonter leurs divisions ! Il leur dit une seule chose qu’il explicitera de multiples manières :

« J’ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d’autre que Jésus-Christ – Jésus-Christ crucifié » (I Cor 2,2)

Jésus crucifié : voilà la clé de l’unité pour l’apôtre ! Mais qu’entend-il par ces deux mots ? Et pourquoi n’a-t-il rien voulu savoir d’autre que Jésus crucifié parmi cette communauté ?

Pour Paul, la croix n’est pas seulement ce terrible moment où Jésus est suspendu à un bois à Jérusalem. L’ombre de la croix frôle toute la vie et le ministère de Jésus. Elle est le symbole de l’humilité avec laquelle Jésus a tout vécu.

Déjà, l’incarnation de Jésus est un acte d’humilité : le Fils éternel s’abaisse et assume la chair d’une jeune femme. Les conditions de sa naissance le manifestent clairement : le bois de la crèche annonce celui de la croix.

La vie cachée à Nazareth durant trente ans témoigne aussi de cette humilité. Également son ministère de trois ans où il donne des paroles de vie éternelle, guérit des malades et ressuscite des morts : toujours il se retire dans le désert pour se mettre à genoux devant son Père.

Devant les oppositions qu’il affronte dès le début, Jésus reste toujours dans la confiance.
Durant son dernier repas avec ses amis, il leur lave les pieds.

Dans le jardin de Gethsémané et le lendemain sur une croix, il vit l’extrême de l’humilité. Au moment même où il a le sentiment d’être abandonné par Dieu, il se tourne vers lui et pardonne à ses bourreaux : « Père, pardonne-leur !… Père entre tes mains, je remets mon esprit » !

Lorsque Paul dit les qualités de l’amour dans son fameux hymne au chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens, c’est en fait l’amour qui a animé Jésus crucifié qu’il chante :

« L‘amour est patient et bon, il n’est pas envieux, ne se vante pas et n’est pas prétentieux ; l‘amour ne fait rien de honteux, n’est pas égoïste, ne s’irrite pas et n’éprouve pas de rancune ; l‘amour ne se réjouit pas du mal, il se réjouit de la vérité. L‘amour supporte tout et garde en toute circonstance la foi, l’espérance et la patience ». (13,4-7)

La clé de l’unité, c’est…

l’amour de Jésus crucifié que Paul met en avant,
cet amour qui est « le chemin supérieur à tout », (12,31)
cet amour qu’il faut demander à l’Esprit saint de verser dans nos cœurs,
cet amour qui est plus grand et désirable que les dons charismatiques les plus excellents,
cet amour qui est la promesse des temps messianiques : « Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair », dit le Seigneur (Ezéchiel 36,26) relecture arrêtée ici, 25.9.

Paul en était convaincu : la mort n’a pas pu retenir Jésus crucifié. Dieu l’a ressuscité et désormais le Ressuscité est à jamais vivant parmi nous.

Il désire infuser dans notre cœur son humilité. Il nous donne son Esprit pour faire de nous des ouvriers de vérité et de justice. Le fruit de son œuvre dans nos vies est la paix et l’unité dans la communauté.

Cet appel de Paul est d’une actualité permanente : seul le regard vers Jésus crucifié peut apporter un peu de vérité au milieu de la confusion et un peu de paix dans un monde dans lequel l’on ne cesse de s’accuser les uns les autres.

Jésus crucifié, fenêtre ouverte à l’Esprit saint

Jésus crucifié, Paul ne l’annonce pas seulement par ses paroles, mais aussi et surtout par sa vie.

C’est humble qu’il s’est présenté devant la communauté de Corinthe : « je me suis présenté à vous faible et tout tremblant de crainte ». (2,3)

Or, qu’arrive-t-il quand Jésus crucifié est annoncé ? Qu’arrive-t-il quand nous accueillons les oppositions et les difficultés en communion avec lui ?

Pour Paul, l’Esprit saint agit avec force !

Annoncer le Christ crucifié et ressuscité permet à l’Esprit saint d’agir. Paul en était convaincu. La réconciliation dans la communauté est par conséquent son œuvre, non celle de Paul qui n’est qu’un instrument.

De même, accueillir chaque souffrance dans la communion à Jésus crucifié est une fenêtre ouverte à l’Esprit saint. Voici comment « ta lumière jaillira comme l’aurore, et que tes forces reviendront vite » (Esaïe 58,8).

Accueillez-vous !

La société romaine du premier siècle ressemble à la nôtre sur bien des points où des personnes de cultures, convictions, religions différentes essayent de vivre ensemble. Paul écrit à une petite communauté chrétienne marquée par ce cosmopolitisme. Un défi supplémentaire consiste dans le fait que certains membres sont d’origine juive. Comment être Église ensemble avec des différences aussi marquées ?

Cette question reste d’une criante actualité. La réponse de la lettre de Paul aux Romains est lumineuse. Oui, il est possible de vivre ensemble si l’on a confiance en un Dieu qui a manifesté son amour en donnant son Fils Jésus, le Messie promis à Israël et la lumière des nations ! Paul les appelle à reconnaître qu’il est mort pour leur pardon et ressuscité pour vivre au milieu d’eux et les unir. Par la foi en lui ceci devient une réalité.

C’est pourquoi Paul conclut toute sa lettre par cet appel : « accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ nous a accueillis pour la gloire de Dieu » (Rom 15,7) !

La destruction du mur de séparation

Un autre grand texte est le deuxième chapitre de la lettre aux Éphésiens. Par la croix, le Christ a fait l’unité entre juifs et non juifs. Il faut toujours revenir à ce texte fondamental.

« Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches, par le sang du Christ. Car c’est lui qui est notre paix, lui qui a fait que les deux soient un, en détruisant le mur de séparation, l’hostilité. Il a, dans sa chair, réduit à rien la loi avec ses commandements et leurs prescriptions, pour créer en lui, avec les deux, un seul homme nouveau, en faisant la paix, et pour réconcilier avec Dieu les deux en un seul corps, par la croix, en tuant par elle l’hostilité. » (Éphésiens 2,13-16 )

Une grande hostilité régnait entre juifs et païens. Le mur de séparation du temple la symbolisait : il n’était pas permis à un païen d’y entrer, sous peine de mort. Il devait rester sur le parvis des païens.

Jésus a détruit cette inimitié : il nous réconcilie avec Dieu et les uns avec les autres. Il détruit le mur de séparation, l’aliénation, la haine. Il crée une nouvelle société, réconciliée.

Cette humanité nouvelle caractérisée par la communion entre juifs et païens se réalise et se développe par l’union personnelle au Christ. En lui, juifs et païens forment un « seul homme nouveau ». Une réalité qui, aujourd’hui, a pris une nouvelle dimension avec l’essor sans précédent du judaïsme messianique.

Mais cette nouvelle unité par le Christ et en lui ne se limite pas à combler le fossé entre juifs et païens. Ailleurs, Paul l’applique à toutes les autres divisions sociales. (Col 3,11 ; Gal 3,28)

Le tableau du peintre japonais Soichi Watanabe, au début de cet article, l’exprime bien. Il m’en avait envoyé une photo après avoir reçu les divers comptes rendus de ma participation à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens à Jérusalem, en janvier 2016.[1]

C’était dans le cadre des « Montées de Jérusalem », où nous avions prié avec les Églises de la vieille ville et également avec des juifs qui reconnaissent la messianité de Jésus.

Il me disait sa joie : ce que nous avons vécu correspondait exactement à ce qu’il voulait exprimer dans ce tableau, à partir d’une méditation de ce texte de la lettre aux Éphésiens.

Il a représenté Jésus, la pierre angulaire réconciliant par sa croix juifs et non juifs, mais aussi toutes les personnes divisées de notre monde.

Pour vivre ensemble dans l’unité, il faut sans cesse regarder au Christ crucifié, la pierre angulaire ou la pierre de faîte.

Mais le Crucifié est aussi ressuscité : la couleur jaune exprime la lumière de sa résurrection.

C’est en lui que s’édifie l’Église représentée par les pierres. Le bleu qui entoure l’édifice symbolise l’Esprit saint qui porte l’Église, habitation de Dieu, corps du Christ, maison de l’Esprit.

Le Crucifié-ressuscité est la « pierre d’angle » (2,20). La référence à Jésus est donc indispensable à l’unité et à la croissance de l’Église. À moins d’être constamment et solidement attachée à Jésus-Christ, l’unité de l’Église cessera de grandir, ou se développera d’une manière désordonnée, ou même se désintégrera.

« Pierre rejetée »

Dans la première lettre de Pierre, l’image de la pierre est proposée pour comprendre qui est Jésus-Christ dans sa relation avec l’Église. (1 Pierre 2,4ss).

Par sa croix, il est la « pierre rejetée » par les bâtisseurs, mais par sa résurrection il est la « pierre d’angle ».

C’est un appel à se centrer sur le Christ mort et ressuscité. Sans lui, personne ne tient debout… La communauté s’effondre. Avec lui, elle grandit dans l’unité.

Jésus crucifié et ressuscité est à mettre au cœur de tout. Dans l’union au Christ, pierre vivante, nous devenons aussi des pierres vivantes. Le ressuscité vit en nous. Nous participons à sa vie. Et nous formons un édifice spirituel, uni et bien solide.

La Résurrection de Jésus

La croix est bien sûr le sommet de l’humilité de Jésus. Mais qu’en est-il de la résurrection ? Peut-on dire d’elle démontre aussi l’humilité de Jésus ? Lisons les textes avec cette question et nous verrons qu’en fait l’humilité est leur première caractéristique. Les femmes qui découvrent le tombeau vide ont peur, elles n’osent pas parler. Quand elles annoncent la nouvelle aux apôtres, ceux-ci les prennent pour des folles. La résurrection de Jésus ne s’impose pas ; Jésus ne se venge pas de ceux qui l’ont cloué sur le bois.

Quand il rencontre ses disciples, ce n’est jamais sur la place publique, avec des sonneries de trompettes. Ses disciples ne le reconnaissent pas du premier coup. Ressuscité, il garde sur lui son manteau d’humilité pour bien leur faire comprendre que le plus important pour eux est de se revêtir d’humilité et d’amour dans leurs rapports mutuels (1 Pi 5,5 ; Col. 3,12).

Comme elle est le signe du Christ, l’humilité est la marque des chrétiens. En la vivant, ils permettent la fragile présence du Ressuscité au milieu d’eux. (Mt. 18,20s). Pour se mettre à notre table, Jésus se tient à la porte et frappe, il ne force pas notre liberté. C’est notre humilité qui lui ouvre la porte. C’est elle qui l’attire.

Il cherche en nous ce qui le caractérise. L’humilité unit et contient le Ressuscité. Mais l’orgueil divise et lui ferme la porte. Quand le Ressuscité est présent au milieu de nous, il y a de l’espérance pour l’Église. Il la renouvelle, l’éclaire, la guérit, la réconcilie, la fait rayonner et attire à lui une multitude. Il la rend une, sainte, catholique et apostolique.


[1] Voir ma chronique « Prier pour l’unité à Jérusalem ». https://www.hoegger.org/article/prier-pour-l-unite-a-jerusalem/


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