Fresque du temple de Clarens
J’ai jugé opportun de vous livrer en introduction ces principes de Jean Calvin. (Institution, I.14)
Il invite tout d’abord à rechercher l’humilité et la modestie. Alors que certains manifestent une vive curiosité et tombent dans le spiritisme et que d’autres esprits rationalistes ne voient dans les anges que mythes et personnifications de réalités psychologiques, Calvin veut s’en tenir uniquement à ce qu’enseigne dans la Parole de Dieu et chercher ce qui édifie.
Puis il s’agit d’une question de foi. Les anges appartiennent au monde invisible, que nos yeux ne peuvent atteindre. C’est pour cela que Dieu est appelé le Créateur de l’univers visible et invisible dans le Symbole de Nicée-Constantinople. Aujourd’hui le monde visible nous paraît immense. Le télescope spatial Hubble en a dévoilé une infime partie, composée de millions de galaxies. Qu’en est-il alors du monde invisible ? Est-il infiniment plus vaste que ce que le plus puissant des télescopes pourrait percevoir ?
Enfin, Calvin se demande pourquoi Dieu se sert des anges, alors qu’il pourrait venir en aide aux hommes en usant de son seul commandement. Sa réponse est qu’il le fait pour venir au secours de notre faiblesse, pour nous faire sentir encore davantage son amour et sa sollicitude au milieu de mille dangers. Il ne faut donc pas mépriser la grâce qu’il nous fait en mettant des anges sur notre chemin. Calvin a cette jolie phrase : « Toute la gendarmerie du ciel fait le guet pour notre salut et est prête à nous aider. »
Trois textes bibliques
Trois textes sur le thème des anges dans le culte chrétien orienteront ma réflexion :
Esaïe 6.1-8 est un des textes les plus importants sur la révélation de Dieu dans l’Ancien Testament. Le prophète est dans le Temple de Jérusalem, justement dans un contexte cultuel. Il y fait une expérience du ciel. Des séraphins, ou anges flamboyants (traduction en Français courant) chantaient « Saint, saint, saint, le Seigneur », ce qui deviendra le « Sanctus » chanté durant la Cène du Seigneur.
Quelle est leur fonction ? D’abord de louer le Seigneur. Puis ils opèrent la purification des péchés : devant la manifestation de la gloire de Dieu, Esaïe sent toute son indignité. Alors un séraphin lui apporte le pardon divin en touchant sa bouche avec une braise tirée de l’autel.
Dans le polythéisme, le ciel est toujours peuplé d’une assemblée de dieux. Dans la Bible, Dieu est le seul Dieu. Mais s’il est unique, il n’est pas solitaire. Il est entouré d’une myriade d’anges qui exécutent ses ordres. Ce que le texte suivant indique également.
Hébreux 12.18-24.
Pour stimuler ses lecteurs à participer au culte, l’auteur de la lettre au Hébreux leur décrit la beauté du culte chrétien. En effet certains chrétiens négligeaient de participer aux assemblées cultuelles. Que dirait-il aujourd’hui ?
Alors il leur décrit la grandeur du culte : une fête où le ciel et la terre se rencontrent, où l’Eglise militante est unie à l’Eglise du ciel. La Jérusalem d’en bas est reliée à la Jérusalem d’en haut, dont les habitants sont les anges, mais aussi les esprits de justes (c’est-à-dire les âmes de ceux qui ont achevé leur voyage terrestre)…et bien sûr Dieu et le Messie Jésus. Voilà ce qu’est le culte chrétien : une grandiose et joyeuse rencontre avec le ciel.
Luc 15.1-10.
J’ai choisi ce troisième texte à cause de la mention finale : « Il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui commence une vie nouvelle ». Cette phrase conclut à deux reprises les paraboles de la brebis perdue et de la pièce de monnaie perdue. Ainsi les anges sont dans la joie lorsque les hommes ici-bas changent leur vie et retrouvent la maison du Père..
Voilà pour les textes bibliques. Quel enseignement en tirer maintenant sur la place des anges dans le culte ?
Les églises de Clarens et de Prilly-Broye.
Commençons par deux Eglises où j’ai exercé le ministère pastoral. Toutes deux ont des fresques d’anges. Celle de Clarens montre les anges qui adorent la croix de Jésus et qui sont présents au moment de la Sainte Cène. L’autre, que vous connaissez bien se trouve dans notre paroisse. Elle évoque le texte de l’Apocalypse, où ensemble avec le peuple de Dieu, les anges acclament le Christ qui revient. Une image du culte la Jérusalem céleste auquel l’Eglise d’ici bas est associée. Les fresques de ces deux Eglises m’ont certainement marqué dans ma spiritualité et m’ont ouvert à une compréhension du culte, comme présence du ciel sur la terre.
Les anges dans l’Eglise.
En lisant la Bible, nous voyons que les anges sont associés à toutes les oeuvres de Dieu, depuis la création du monde jusqu’à la fin des temps. S’il en est ainsi, comment ne le seraient-ils pas à cette œuvre éminente qu’est l’Eglise ? Et à combien plus forte raison à ce moment central de la vie de l’Eglise qu’est le culte ? Oui, les anges sont « des esprits…envoyés en service pour le bien de ceux qui doivent recevoir en héritage le salut. » (Hébr. 1.14).
Une image de l’Eglise est celle du bateau agité sur la mer mais protégé par le Christ. « L’Eglise a aussi ses matelots, à bâbord et à tribord, à savoir les anges assistants. Elle ne cesse d’être gouvernée et protégée par eux. » (Hippolyte). A chaque fois que nous nous réunissons pour le culte, nous formons ce navire avec ces marins invisibles aux ordres de notre divin capitaine.
Dans l’Apocalypse il y a un ange, qui protège chaque Eglise. Ainsi croyons que notre paroisse est confiée à un ange ! On peut donc dire que dans nos cultes, il y a deux pasteurs, l’un visible (et qui vous parle) et l’autre invisible, à savoir l’ange de notre paroisse. Les deux participent à la même tâche : ouvrir le chemin du peuple de Dieu vers la Jérusalem céleste.
Qu’est ce que le culte chrétien ? Je le définirai comme une expérience de rencontre avec le Christ vivant. Le Christ est présent de différentes manières : là où deux ou trois se rassemblent en son nom, dans l’annonce de sa Parole et dans la célébration du baptême et de la sainte cène. Eh bien les anges sont également présents durant ces moments ! C’est ce que nous allons voir maintenant.
Les anges sont là où les chrétiens se rencontrent.
Origène écrit : « L’ange de chacun circule autour de ceux qui le craignent (Ps. 34.8), il est avec l’homme qu’il a la charge de garder et de diriger, de sorte que, quand les saints sont réunis, il y a deux Eglises, celle des hommes et celle des anges…Et ainsi on doit croire que les anges président aux assemblées des croyants. »
Les anges sont associés au baptême.
Après le baptême et la Tentation de Jésus, ils le servaient. C’est pourquoi l’icône du Baptême de Jésus représente toujours des anges en admiration devant ce qui se passe. Les anges sont là, invisibles, quand le corps est plongé dans l’eau, signe visible de la grâce invisible. L’Esprit invisible de Dieu nous plonge dans le Christ pour nous associer à sa mort et résurrection.
Les anges écoutent la prédication. Les anges ne sont pas sourds, ils entendent.Chaque prédicateur devrait prendre de la graine de cet autre texte d’Origène : « Si ce que nous disons est conforme à la pensée et à l’intention des Ecritures, les anges se réjouissent et prient avec nous. » Et il ajoute cette phrase qui nous éclaire sur la coutume du voile : « Et parce que les anges sont présents dans l’Eglise…il est prescrit aux femmes qui prient d’avoir durant le culte un voile sur la tête à cause des anges (comme le demande Paul dans 1 Cor. 11.10). Quels anges ? Ceux qui assistent les saints et se réjouissent dans l’Eglise. »
Les anges introduisent la Cène du Seigneur dans le ciel.
En nous invitant à chanter l’hymne des séraphin – « Saint, saint, saint est le Seigneur… » – la préface de la liturgie eucharistique nous fait participer à la liturgie des anges. La mosaïque de l’Eglise S. Marie du Trastevere à Rome représente un ange à coté de l’autel. Ils sont là quand la cène est célébrée, la joie du ciel est parmi nous.
Jean Chrysostome écrit : « Les anges entourent le prêtre. Tout le sanctuaire et l’espace autour de l’autel sont remplis des puissances célestes pour honorer celui qui est présent sur l’autel…Voici la table royale. Les anges servent à cette table. Le Seigneur lui–même est présent. »
Le prophète Esaïe fut plein d’effroi quand il entendit le chant céleste. Les séraphins eux-mêmes expriment un respect sacré devant la majesté divine. Cela nous fait mieux comprendre la grandeur et la sainteté de la Cène qui nous introduit, avec les séraphins, en présence du Dieu très saint.
A chaque fois que nous la célébrons, nous sommes en communion avec le Christ, notre unique médiateur, qui a racheté une multitude. Il est adoré par les anges et par tous ceux qui nous ont précédé sur le chemin de la foi et avec qui nous sommes aussi en communion (Hébr. 12.22).
Voilà ce qui devrait nous stimuler à participer au culte, si telle est sa beauté. D’ailleurs, je pense que vous ne vous étonnerez pas si je vous dis que je suis en faveur d’une communion fréquente.
Les anges exultent lorsque nous changeons notre vie.
Ce sont les deux paraboles de l’Evangile de Luc. Or, le culte est justement un temps qui nous est donné pour nous convertir, pour confesser nos fautes et recevoir de pardon du Seigneur. Si les séraphins avaient purifié les lèvres d’Esaïe, c’est l’Esprit Saint qui crée en nous un coeur pur, en versant en nous la pureté de Jésus. Durant le culte, nous pouvons le demander à plusieurs reprises. Et à chaque fois, cela provoque la grande joie des anges dans le ciel. Et ce ciel est au milieu de nous, il est en nous. Cherchons à rester toujours dans une attitude de repentance et d’humilité en nous associant à la volonté de Dieu instant après instant et nous donnerons de la joie au ciel. Joie qui rejaillira sur nous et notre entourage.
En conclusion les anges dans le culte nous apportent la joie du ciel, ils indiquent la beauté et la profondeur du culte. Ils nous invitent à un respect sacré devant la sainteté de Dieu. Ils nous encouragent à y participer avec ferveur et régularité pour qu’à travers la conversion de nos vies nous provoquions en retour une joie plus grande dans le ciel.