Le jeûne selon Esaïe. Pratique de la justice et de la réconciliation

Dans le message des prophètes, il y a une constante avec deux aspects. La prophétie de jugement face à l’immoralité, l’idolâtrie et l’injustice du peuple de Dieu : « Mon peuple m’oublie ». Puis la prophétie du salut, qui annonce un avenir et une extraordinaire bénédiction au peuple, qui accepte de changer de comportement.

Les prophètes dénoncent l’homme qui se suffit à lui-même, son avidité à amasser les biens, son orgueil à refuser toute parole de Dieu. Ils mettent en cause aussi la perversion des valeurs (Ils disent bien au mal et mal au bien, Es. 5,20) et l’injustice envers les pauvres.

V. 1 Dénonce sa révolte, sa faute

Quelle est la faute du peuple de Dieu ? Dans le passage qui précède (57,1-17), le prophète dénonçait l’idolâtrie du peuple : les rites sexuels de fertilité de la religion cananéenne auxquels les israélites s’associaient.

Actualité du message prophétique

Quelles sont les tentations qui viennent à nous, aujourd’hui ? En fait ce sont les mêmes que celles qui menaçaient le peuple de Dieu dans l’AT. Les mêmes que celles que Jésus a dû affronter durant ses 40 jours de tentation dans le désert. Durant ce jeûne de très longue durée, Jésus récapitule l’expérience du peuple d’Israël et anticipe celle de l’Église. Comme il en est sorti vainqueur, dans l’union avec lui, il y a une possibilité de traverser les tentations victorieusement.

Les tentations les plus communes sont celles de l’argent, de la sexualité et du pouvoir. Un temps de jeûne va nous permettre de prendre distance par rapport à ces puissances d’avidité qui veulent s’emparer de nous. Un vrai jeûne n’implique pas seulement la nourriture. Il implique aussi le jeûne du regard, le jeûne de notre rapport à l’argent et le jeûne par rapport aux moyens de communication.  

V. 2 : Jour après jour, tournés vers moi, ils désirent connaître ce que j’attends d’eux…

Ce verset dépeint le peuple de Dieu d’une manière idyllique. On dirait qu’il pratique parfaitement la volonté de Dieu. Mais c’est comme une scène d’Hollywood d’un village du Far West : il y a le devant qui montre des jolies maisons, et le derrière du décor caché, où il y a beaucoup de désordre. Tout n’est que façade. La suite du texte montrera qu’une piété aussi engagée soit-elle, qui est déconnectée de la justice et de l’amour envers nos frères, est dévoyée.

V. 3a : A quoi bon pratiquer le jeûne, si tu ne nous vois pas.

Quelle est leur motivation pour jeûner ? Ceux-ci attendent en retour des bénédictions de la part de Dieu. Mais elles tardent se manifester. C’est pourquoi ils se plaignent : à quoi bon pratiquer le jeûne, si tu ne nous vois pas.

Ceux-ci ont une conception utilitariste du jeûne : le jeûne doit conduire à une bénédiction. Dieu doit être touché par mon jeûne et intervenir en ma faveur. Le prophète critique cette conception méritoire du jeûne. Derrière cette conception, il y a la tentation de tenter Dieu, de faire pression sur lui, d’exiger de lui qu’il se mette à notre service. Le jeûne devient alors un moyen de consommation religieuse. Il nous faut purifier nos motivations pour jeûner. Certes, il y a de merveilleuses promesses annoncées à ceux qui jeûnent, mais elles sont liées à des conditions précises (et un changement d’attitude), La suite du texte le précisera.

Ce texte nous pose donc la question : Quelle ma motivation pour vivre le jeûne ?

Esaïe 58 et les sept aspects du jeûne :

  • Vertical 

Notre union avec Dieu s’approfondit lorsqu’il y a solidarité, miséricorde. Mais quand il y a formalisme, elle se flétrit : « Quand vous jeûnez ainsi, votre prière ne m’atteint pas » (v. 4)

Le jeûne libère du temps et des énergies pour approfondir notre vie intérieure. Nous sommes plus sensibles à la voix intérieure, qui nous aidera à trouver la voie. Le jeûne de carême vécu dans l’Église nous prépare à Pâques, à une rencontre plus profonde dans la prière avec le Ressuscité, proche de chacun.

  • Relationnel 

Ce texte insiste sur la justice et solidarité dans les relations humaines : « Le jeûne, tel que je l’aime, c’est libérer les hommes injustement enchaînés » (v. 6). C’est n’enfermer personne par la critique. Comme la critique des autres nous est quasi-congénitale, il est bon de vivre un jeûne de la critique des autres.

En jeûnant, on devient plus sensible à notre manière de vivre les uns avec les autres. Notre jeûne est communautaire. Dans notre groupe nous vivons les qualités de l’accueil, de la reconnaissance de l’autre et du non-jugement. Ce qui se dit dans le groupe n’en sort pas

  • Solidarité 

« Le jeûne, c’est partager ton pain avec celui qui a faim » (v. 7)

Nous soutenons un projet d’entraide avec l’argent économisé sur la nourriture.

  • Corporel 

« Ta plaie ne tardera pas à se cicatriser »  (v. 8) « Tu feras plaisir à voir » (v.11). De très belles promesses de guérison sont offertes à celui qui vit le jeûne dans la vérité et l’attention aux autres.

Tisanes, sulfate de sodium, gargouillis font partie de notre semaine de jeûne… Il faut aussi souligner l’importance de l’approche diététique et médicale et d’être accompagné par des personnes compétentes dans ce domaine. Il est aussi nécessaire de reposer son corps, de se promener et de boire beaucoup. Également de reconnaître nos limites et d’arrêter le jeûne si notre corps nous donne des signaux d’alarme !

  • Communion 

« Tu relèveras les anciennes ruines, tu rebâtiras les fondations abandonnées » (v. 12) Jérusalem était dispersée, mais maintenant elle est reconstruite. La présence de Dieu au milieu d’elle unit le peuple dans une communion jamais éprouvée. Elle est réalisée dans la vie de la première communauté : « Ils persévéraient dans la communion fraternelle… » (Actes 2,42)

Cette démarche suscite des liens forts entre nous. Ceux qui l’ont déjà vécue peuvent en témoigner : une amitié spirituelle commence à nous unir.

  • Témoignage 

« On te nommera ainsi : Le peuple qui répare les brèches des murailles » (v. 12). La vie nouvelle du peuple qui jeûne en vérité est un témoignage et suscite l’étonnement.

Des personnes vont nous poser des questions. Nous allons en parler à d’autres. C’est l’occasion de faire rayonner cette démarche nouvelle, originale Mais qui renoue avec une très vieille sagesse et tradition.

  • Enseignement 

« Si tu parles du sabbat comme d’un jour consacré à mon service et qu’il convient d’honorer » (v. 13). Il est nécessaire de donner de justes connaissances sur le sens du jeûne et du sabbat.

Pourquoi jeûner ? Nous acquérons quelques connaissances pratiques (médicales), bibliques et spirituelles

Conclusion sous forme de prière

Yeshoua a résumé le coeur de l’existence juive par le double commandement d’amour : celui pour Dieu et pour son prochain en qui Dieu nous attend: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Tu aimeras ton prochain » (Marc 12, 28b-34).

Par sa résurrection il ouvre cette vie à toute l’humanité, lui qui est « Lumière des nations et Gloire d’Israël, son peuple » (Luc 2,32)

Le prophète Esaïe nous rappelle que le sens spirituel du jeûne est d’enflammer ce double d’amour. Voici une prière qui essaie de le dire et par laquelle j’aimerais conclure ces pages:

Seigneur,

Par le jeûne et la prière

affine mon écoute,

pour que j’apprenne

le plus important,

ce pour quoi il faut la peine

de se donner !

Apprends-moi

le sens de ma vie

et celui de l’histoire,

la longueur de ma fragile existence,

la sagesse de me souvenir

qu’elle a une fin.

.

Par le jeûne et la prière,

apprends-moi d’aller à l’essentiel,

de rejeter le superficiel

et les images de rien.

Enseigne-moi

à garder mon cœur plus que tout,

à te mettre en premier

et à faire le premier pas vers l’autre.

.

Par le jeûne et la prière,

enseigne-moi tout !

Mon désir est devant toi

avec mon intelligence,

mes émotions et ma volonté.

Fais le vide en moi,

et viens le remplir de ton amour,

la seule chose qui demeure !


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