Vivre à partir du centre

Qu’est-ce qui est central dans ma vie ?

Telle est la question que le psaume 16 (ou 15, selon la numérotation) pose de manière dramatique. Sans cesse, nous nous laissons distraire, et nous laissons la périphérie envahir le centre. Pour notre malheur, notre esprit est colonisé par tout un bazar de brocante.

Ce psaume commence par un cri. Le cœur de David est habité par l’amour du Seigneur dont il veut vivre de manière exclusive. Dieu est le centre de sa vie, et personne d’autre n’a le droit de l’habiter : « J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas de plus grand bonheur que toi. »

Pourtant David reconnaît qu’il n’en a pas été toujours ainsi dans sa vie. Tout en confessant que Dieu est son unique bien, il avoue qu’il a été tenté par les idoles et qu’il les a même aimées : « Toutes les idoles du pays, ces dieux que j’aimais, ne cessent d’étendre leurs ravages, et l’on se rue à leur suite » (v. 3). On ne sait pas très bien dans quelles circonstances David s’est laissé entraîner. Mais il a l´humilité de reconnaître son égarement.

Aujourd’hui, dans notre société sécularisée, nous n’avons pas des idoles faites de bois ou de pierres, mais des idéologies.

Surgit alors, pour nous aussi, cette question : quelles sont les idées qui causent des ravages aujourd’hui, nous séduisent et nous détournent de notre centre ? Ces idées que les médias et les réseaux sociaux amplifient de manière exponentielle, mettent au centre et qui sont, en somme, toujours les mêmes: Mamon, la race, la nation, la sexualité, le pouvoir, etc…

On peut aussi poser cette question : y a-t-il des idéologies qui sont entrées dans l’Église ?

Or le Seigneur est le seul qui a le droit de nous séduire. Séduire signifie, étymologiquement, « conduire vers soi » (se-ducere). Seul le Seigneur peut nous dire : « Venez à moi » (Mat 11,28).

 

Un choix radical à refaire sans cesse

Pour mettre Dieu au centre de nos vies, nous avons à en expulser les idoles. Et nous le faisons en reconnaissant nos erreurs.

Le Seigneur, dans sa bienveillance, accueille quiconque vient à Lui. Mais tout ne revient pas au même. Il nous indique ce qui est central et qui nous fait vivre. Pour parvenir au centre, nous devons nous éloigner de ce qui nous s’éloigne de lui ; cela nous demande une grande force.

C’est cette force qui animait Nicolas de Flue dans sa prière : « Mon Seigneur et mon Dieu, prends de moi tout ce qui m’empêche d’aller à toi. Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me conduit à toi… »

Voici les deux temps essentiels de notre vie chrétienne. D’abord demander au Seigneur de discerner ce qui nous éloigne de lui. Et l’ayant découvert, lui demander pardon pour nos égarements.

Puis, croire en lui de tout notre cœur, en nous attachant à lui sans partage : « Tu es mon Dieu, je n’ai pas d’autre bonheur que toi ». Ce choix est un acte conscient et déterminé, à refaire quasiment tous les jours.

Cette décision en deux temps – repentance et foi – Jésus y appelle dès ses premières paroles dans l’Évangile : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : repentez-vous et croyez à l’Évangile. » (Marc 1,15) Ce choix de mettre Dieu à la première place nous fait entrer dans la vie de l’Esprit saint. Il est à faire non seulement au début de celle-ci mais l’accompagne tout au long de notre pèlerinage terrestre. Jusqu’au dernier souffle !

Régulièrement dans son enseignement Jésus revient sur ce choix radical de le mettre en premier. Dans l’Évangile de ce dimanche, il interpelle ses disciples de manière particulièrement forte : « Laisse les morts enterrer leurs morts…Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » (Luc 9,51-62) Jésus fait souvent usage de l’hyperbole, un langage choquant dont le seul but est de provoquer en nous la décision de le choisir comme tout de notre vie !

Seul ce choix de le remettre sans cesser au centre de notre vie permet d’entrer dans le bonheur de sa présence qu’il promet et que la deuxième partie du psaume 16 décrit comme nul autre !

En effet à celui qui le choisit Dieu promet sécurité, protection, discernement dans les décisions à prendre, joie et vie à perpétuité. Le bonheur d’être avec lui est un délice plus grand que tout ce que la vie terrestre nous donne, car il est avec nous jusqu’à la fin des temps (Mat 28,20) et rien ne pourra nous séparer de son amour (Rom 8).

« Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas de plus grand bonheur que toi. » Répétons cela souvent au cours de nos journées, surtout quand nous devons vivre des renoncements ou quand divers attachements fixent notre cœur sur des biens, des personnes, ou sur nous-mêmes. Disons alors :  c’est Toi mon bonheur, et non pas cette chose, cette personne ou bien moi-même. Je ne laisserai pas mon cœur se laisser distraire par les mille attractions de ce monde, mais je veux revenir à toi.

 

Une prière

À l’écoute d’un psaume,
nous entrons avec toi, Seigneur,
dans l’intimité du psalmiste.
Avant même de prier avec lui,
nous invoquons ton Esprit :
qu’il nous fasse pénétrer
dans le face-à-face de ton regard bienveillant.

Oui, que vienne ton Souffle bien-aimé

qui purifie nos motivations et nos intentions.

Avec lui nous osons nous tenir devant toi, comme tes amis.

(Livret de l’École de la Parole, Le cris du cœur, Société biblique suisse, Bienne, 2014, p.15).


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