Revivre. Cugy 2018

Séparation et divorce : et Dieu dans tout ça? La place de la spiritualité dans l’épreuve

Une conférence donnée au mouvement « Revivre» sur un thème qui, je l’espère, va donner confiance et élan à tous!

Nous avons tous besoin, à intervalles réguliers, des indispensables encouragements de l’Esprit pour aller de l’avant.

Mes propos ne sont pas une conférence académique, mais plutôt un partage basé sur mon expérience personnelle et animé par la spiritualité que j’essaie de vivre. Une spiritualité qui s’alimente à ma foi chrétienne.

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La blessure de la séparation et du divorce
Mais en devenant un croyant convaincu, les épreuves de la vie ne m’ont pas été épargnées. J’ai connu en particulier la solitude et la tristesse qu’engendrent la séparation – dans mon cas elle fut longue et pénible, plus de 10 ans – et le divorce.
Malgré ma foi, j’ai ressenti ma vulnérabilité. J’ai touché du doigt ma fragilité, mon incapacité à me changer par moi-même et la distance qui me séparait de Dieu.

La vie m’a blessé de mille façons différentes. La séparation et le divorce en particulier m’ont fait mal, ils ont créé en moi des vides.
Mais ces vides ont aussi été comme autant d’ouvertures vers quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus vrai.
Mais ce « plus » entre en nous par un « moins ». Il pénètre en nous par ces blessures que nous voudrions éviter, mais qu’il nous faut au contraire apprendre à accueillir et à assumer.

Oui, nous devons traverser des déserts, mais « ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part, » dit le Petit Prince de Saint-Exupéry.

Oui, nous devons traverser des nuits, mais n’est-ce pas dans la nuit que nous voyons les étoiles ?

Qu’est-ce qui m’a donné des forces quand j’ai traversé le désert de la séparation ? Comment ces sources m’aident-elles à soigner mes blessures ? Quelles sont les étoiles que j’ai pu voir dans mes nuits ? Qu’est-ce qui continue aujourd’hui à m’encourager ?

Ces sources sont devenues pour moi des ressources pour transformer les périodes de désert en moment de grâce.

Ces étoiles allumées dans mes nuits m’ont guidé et gardé. Elles sont des « bonnes étoiles ».

Ces sources et ces étoiles, quelles sont-elles ?

La Source de l’Amour de Dieu

Comme croyant, la réponse est rapide. En fait il n’y a pas plusieurs sources, ni plusieurs étoiles. Mais une seule source et une seule « bonne étoile » !

Et cette source ou cette étoile est Dieu dans son amour. 

Comment l’ai-je rencontré ?

Alors que j’étais devenu athée, je me suis remis à chercher Dieu. Je pensais que des études de théologie pouvaient me le faire connaître.

Mais la première année d’études n’a fait qu’accentuer mes doutes. Un jour, je suis même entré dans une église et j’ai écrit sur la chaire: “Dieu n’existe pas”.

Cependant quelques temps plus tard, lors d’une rencontre d’étudiants, une parole de l’Evangile a transpercé mon coeur. Le soir, dans ma chambre, je me suis mis à genoux et un seul mot est sorti de ma bouche: “pardon”.

J’avais blessé en effet beaucoup de personnes dans mon entourage et me mettais facilement en colère à cette époque.

Dans le train qui me ramenait chez moi, à la sortie d’un tunnel, j’ai fait une profonde expérience de l’amour de Dieu. Son Esprit a été versé dans mon cœur et il m’a tourné vers lui. En une fraction de seconde j’ai été convaincu de sa réalité.

Il m’a tourné aussi vers les autres. Revenu chez moi, j’ai redit ce petit mot de six lettres – « pardon » – aux personnes que j’avais blessées.

Et parmi celles-ci mon épouse. Après quelques mois, mon mariage battait en effet déjà de l’aile.

Cette expérience de l’amour de Dieu m’avait transformé et m’a donné la force de continuer la relation. Au lieu de divorcer tout de suite, nous avons continué à vivre ensemble pendant 15 ans et avons accueilli nos deux filles qui, avec trois petits enfants, font aujourd’hui la joie de mon cœur.

Je me suis en effet marié très jeune, à l’âge de 20 ans, sans préparation, sans vraiment comprendre le sens du mariage.

Dans les moments de peine je me souvenais de la visite de Dieu quand je l’ai prié la toute première fois, du fond du cœur, en lui disant ce petit mot de six lettres dont je parlais.

Je m’en souviens toujours aujourd’hui comme si c’était hier !

Dans ces moments il me redit qu’il est amour et qu’il ne peut que donner son amour.

J’ai sur mon bureau un cristal caché dans un caillou brun sans beauté. Il faut casser cette pierre pour que le cristal apparaisse.

Eh bien, Dieu voit le cristal de ma vie, au delà de mes imperfections.

L’expérience de la séparation ou du divorce engendre des sentiments d’échec, de dénigrement de soi, de culpabilité.

Mais Dieu me redit : « Tu as du prix à mes yeux, tu comptes beaucoup pour moi et je t’aime » (Esaïe 43,4)

Si Dieu m’aime à ce point, je comprends aussi que je dois habiter avec moi-même avec bienveillance. S’il m’appelle à l’aimer, lui et mon prochain. Il m’appelle aussi à prendre soin de moi, à ne pas me négliger.

Quand tout semble vain, quand l’angoisse monte parce que tout s’en va. Quand je réalise que mes jours « sont comme l’herbe – comme le dit la Bible –, je fleuris comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus, et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus » (Psaume 103,15-16)…

Eh bien je me souviens qu’il est le Soleil et nous sommes ses rayons. Ce n’est qu’en lui et par lui que nous existons et que notre vie a un sens.

Il est plus intime à nous que nous-mêmes et en même temps il est plus grand que tout ce que l’on pourrait penser.

Quand la solitude est difficile à vivre, je me souviens qu’il est là et qu’il m’accompagne ; et je récite le Psaume : « Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien ».

Ma foi chrétienne me dit qu’Il nous aime chacun et chacune immensément, éperdument, comme une mère aime ses enfants et plus encore, comme un homme amoureux aime sa femme, et plus encore.

Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite? N’a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l’oublierait, Moi je ne t’oublierai point” dit le Seigneur par la bouche du prophète Esaie (49,15).

Et avec le prophète Osée il ajoute: “Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde; je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l’Éternel” (Os 2,21-22).

Jésus, quant à lui, nous apprend à nous adresser à Dieu en l’appelant « Notre Père » ou, mieux encore, « Abba » ce qui veut dire « Papa ».

C’est cette foi dans l’amour immense et personnel de Dieu pour chacun qui nous fait vivre, qui guérit nos plaies. C’est son amour qui est le puits dans le désert et l’étoile dans la nuit.

La prière

Mais comment puisons-nous à cette Source ? Comment voyons-nous cette Etoile ?

Je voudrais vous parler de trois voies qui y conduisent : la prière, la Parole de Dieu et la rencontre avec le prochain. Il y en a beaucoup d’autres, bien sûr, mais je me limiterai à celles-ci.

D’abord la prière, où nous disons Tu à Dieu qui, le premier, nous parle de tant de manières.

Il faut prendre du temps pour ce dialogue qui ne va pas de soi. Aujourd’hui tant d’ersatz le remplacent. Vers qui vont mes premières paroles et pensées, au matin ? Vers Dieu ou vers mon Smartphone ? Vers le Christ ou vers Facebook ?

La vérité est que si nous lui donnons du temps, même un peu de temps, il multipliera ce temps, comme il a multiplié les quelques pains et poissons apportés par un enfant.

Plus nous lui donnons du temps, plus notre relation avec lui s’approfondira.

Son Esprit nous fait alors voir le fil d’or de son amour dans la trame parfois compliquée de nos existences.

Dans la prière je découvre que tout ce que Dieu veut et permet a comme but de nous faire grandir dans son amour et de nous unir à Lui, mais il n’est pas toujours facile de le voir et de le comprendre.

Après bientôt 30 ans de séparation suivie d’un divorce, il y a certaines choses que je commence à comprendre. Je participe aux rencontres de « Revivre » depuis bientôt 15 ans. Eh bien, dans la prière et grâce à ses rencontres, une lumière se fait peu à peu dans mon esprit.

Bien souvent l’épreuve de la séparation est un tremblement de terre. Où est Dieu dans tout cela ? Que me dit-il ? Que veut-il ? Nous ne le saurons jamais si nous ne prions pas.

C’est dans ces moments de prière personnelle que Dieu nous éclaire et nous conduit, qu’il nous donne de discerner sa volonté.

Dans la prière nous nous mettons à l’écoute de l’Esprit saint qui habite en nous. « Il est en vous », dit Jésus au sujet de l’Esprit, le Maître intérieur qui nous avertit contre les pièges du mal.

Cette même voix de l’Esprit saint nous fait voir aussi la valeur de la souffrance quand elle est vécue dans la foi et dans l’amour.

Etre reconnaissant

C’est aussi l’Esprit saint qui nous garde dans la reconnaissance quoiqu’il arrive. Comment réagir à une situation difficile qui perdure, comme des problèmes conjugaux ? Par la critique, l’amertume, le jugement ? La reconnaissance, par contre, permet à Dieu d’agir. De nouveaux chemins s’ouvrent alors dans nos cœurs.

Etre reconnaissant, cela s’apprend. Notre prière ne consiste pas seulement à dire « pardon » ou « s’il te plaît », mais aussi « merci ». C’est dire avec le psalmiste : « Mon âme bénis le Seigneur et n’oublie aucun de ses bienfaits » ! (Ps 103,2)

Une de mes expériences de prière les plus fortes a été la dernière étape des « Exercices spirituels », où Ignace de Loyola propose une « contemplation pour enflammer l’amour ». Il s’agit en fait de faire mémoire de tous les bienfaits que Dieu nous a fait, en nous créant, en nous sauvant et dans notre histoire personnelle. Nous verrons notre cœur s’enflammer d’amour par le souvenir de tout ce que nous avons reçu de lui.

A la fin de cette journée, je vous inviterai à une telle prière.

En disant merci par la reconnaissance, notre regard se transforme.

Dans son beau livre « Reprendre la route après un divorce », Christine Koenig écrit : « Progressivement ma tendance à me focaliser sur les difficultés et à me plaindre se transforme en une faculté de voir les bonnes choses. Je deviens de plus en plus reconnaissante » (p. 98).

Elle remarque aussi que rester droit, confiant et reconnaissant dans l’épreuve a une influence décisive sur nos enfants et notre entourage. 

A notre contact, ils s’imbibent de confiance. Et c’est le plus beau cadeau qu’on puisse leur faire !

Différentes formes de prière

Personnellement l’épreuve de la séparation a approfondi ma vie de prière. J’ai aussi découvert de nouvelles formes de prière, comme la lectio divina : de lire la Bible avec une approche méditative et priante.

La participation à la sainte Cène ou à l’eucharistie est devenue pour moi le sommet et la source de ma vie chrétienne. Je ne pourrais « vivre sans le dimanche » comme disaient les martyrs d’Abitène, au 3e siècle.

Elle est pour moi une nourriture divine, la source la plus importante où je puise l’énergie qui me permet de traverser mes déserts. Elle est aussi un baume pour bien des blessures et des maladies de l’âme.

J’ai participé à plusieurs retraites dans des communautés ou des monastères. Les plus marquantes ont été les Exercices spirituels dans un centre jésuite et la découverte de la prière de Jésus dans un monastère orthodoxe.

Depuis plusieurs années je vis une semaine de prière en silence dans ce lieu béni qu’est la communauté de Taizé.

Des amis pentecôtistes m’ont ouvert à des formes plus spontanées de la prière et ont renouvelé ma confiance en l’Esprit saint.

J’ai découvert la méditation des diverses étapes de la vie de Jésus, grâce à la spiritualité du Rosaire sur laquelle j’ai écrit un livre avec une religieuse catholique.

Pour méditer ces récits de l’Evangile, je me suis fait un petit bracelet de perles : « Les perles du cœur ». Douze perles de quatre couleurs qui sont comme les douze portes (en forme de perles) de la Jérusalem céleste qui m’introduisent dans la présence de Dieu (Apocalypse 21,21)

Les perles blanches m’invitent à la confiance en Dieu. Les rouges à unir mes blessures à celles de Jésus crucifié. Les jaunes à m’ouvrir à la lumière du Ressuscité. Les bleues à marcher sur les chemins où me guide l’Esprit saint.

J’ai ressenti aussi le besoin de me faire accompagner par une personne plus expérimentée avec laquelle je pouvais relire ma vie et l’apporter au Seigneur par la prière.

Il y a tant de formes de prière. Nous vivons dans un temps où les chrétiens se rencontrent dans l’amitié et échangent leurs dons. Il y a tant de formes de prière que l’Esprit saint a déposé dans les diverses Eglises. Je ne pourrais pas me cantonner à une seule forme de prière

Mais toutes les prières que nous pouvons réciter et toutes nos pratiques religieuses n’ont d’autre finalité que de nous faire grandir dans ce rapport vital avec Dieu sans qui nous ne pouvons rien faire.

La Parole de Dieu

Le dialogue de la prière se nourrit d’une façon particulière de la Parole de Dieu qui vient à nous à travers la Bible.

Depuis ce jour où une parole de l’Evangile a transpercé mon cœur, j’ai une grande confiance en elle.

Elle est une Parole qui donne la vie et contient une force de transformation en elle.

Dès lors ma prière s’abreuve à cette source intarissable d’énergie que sont ces Paroles de Dieu.

Combien de fois une Parole de l’Ecriture m’a encouragé en me donnant la force de tenir bon dans une épreuve ! Combien de fois ces paroles m’ont-elles donné l’assurance que « rien ne peut me séparer de l’amour de Dieu » ! (Romains 8).

Deux manières de la vivre m’ont marqué durablement. J’ai déjà parlé de la première : la Lectio divina. L’autre est la pratique de la « Parole de Vie » du mouvement des Focolari, avec lequel je suis relié depuis plus de 20 ans. Il s’agit de garder à l’esprit une Parole biblique durant un mois et de chercher à la vivre et à en partager les fruits

Ces paroles de Dieu convergent toutes dans la Parole par excellence qu’est le Christ. Il est celui qui a vécu la Parole en aimant toujours et jusqu’au bout. Mon regard converge donc en particulier sur le Christ crucifié.

Sur sa terrible croix, il a vécu tout ce que l’humanité peut endurer. Il rejoint toutes les douleurs que l’on traverse dans l’épreuve du divorce.

Sur la croix, il a été méprisé, accusé. Il a été victime du mensonge, de la calomnie, de l’hypocrisie des hommes.

Sur la croix, il avait soif de communion et de rencontre, en criant « j’ai soif ».

Après avoir été abandonné par les siens, il a même eu le sentiment terrible que Dieu l’abandonnait.

En criant « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », Jésus ne comprenait pas. Tant de choses nous restent incompréhensibles, même des années après notre divorce !

Oui, c’est vraiment lui qui m’a le plus aidé durant les moments de solitude, d’errance et d’abandon que j’ai dû traverser. Je savais que je pouvais venir à lui et lui partager ce que je vivais. Lui au moins me comprenait, car il a vécu des choses bien plus terribles.

Le prochain

Venons en à la troisième voie, celle de nos frères et nos sœurs. Eux aussi sont bien souvent une de ces étoiles qui illuminent nos obscurités, des puits qui jaillissent dans nos déserts.

Combien de fois ne savons-nous pas comment faire pour nous tirer d’un mauvais pas ou combien de fois ne sommes-nous pas à deux doigts de nous décourager ? L’écoute d’un ami, d’un frère ou d’une sœur dans la foi – et parfois aussi de non croyants – nous a alors aidé quand nous nous enfermions.

Le repliement sur soi est en effet le plus grand ennemi des séparés-divorcés.

Le silence ou la parole de ces amis peuvent être l’écho de la voix de Dieu qui parle dans nos cœurs. Une voix qui apporte soutien et encouragement.

Sans ces frères et sœurs que Dieu a mis au bon moment sur mon chemin, je ne serais peut-être pas ici aujourd’hui.

Un écrit du Nouveau Testament dit que « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour en nous est accompli » (1 Jn 4,12).

C’est notre expérience, Dieu lui-même est présent quand deux ou plusieurs croyants sont unis dans l’amour réciproque et cette présence de Dieu au milieu des hommes est lumière, joie, force, paix…

Jésus a en effet donné cette promesse extraordinaire : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18,21)

C’est une présence de Dieu à laquelle je deviens aujourd’hui toujours plus sensible.

Cette présence du Ressuscité parmi nous, combien de fois ai-je été la chercher, après ma séparation, dans des communautés, des monastères, des groupes de partage et de prière ?

Mais cette présence n’est pas confinée aux Eglises et aux monastères, elle peut être expérimentée partout où quelques croyants sont unis au nom du Christ : en famille, dans les milieux de travail, dans les lieux de loisirs, partout…

C’est, si l’on peut dire ainsi, une présence laïque de Dieu, grâce à laquelle nous sommes « sources » les uns pour les autres, « étoiles » sur nos chemins.

Je concluerai avec ce texte des origines : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Nous sommes faits pour la communion, pour la rencontre…

Lorsque le couple bat de l’aile et qu’il se termine par un divorce, nous nous retrouvons seuls, mais il y a en nous une source qui crie « j’ai soif ».

Seul Dieu peut assouvir cette immense soif d’amitié. Et il le fait parce qu’il nous aime. Et il nous donne le dialogue de la prière, la force de sa Parole et des frères et sœurs parmi lesquels il s’infiltre.

Un moment de prière

Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? demande Paul aux chrétiens de Corinthe (I Cor 4,6).

Je vous invite à cette « contemplation pour enflammer l’amour », dont je vous ai parlé. Lire ici 

 

Martin Hoegger


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