Noeud celtique de trinite entrelace avec un coeur

Quatre moments de la vie spirituelle

                 Quel est ce « Moi », qui depuis Descartes occupe le devant de la scène ? Comment en prendre soin ? Comment l’enflammer de joie ? Tant d’interprétations et de démarches me sont proposées. Je suis un bricoleur de la spiritualité, qui fait feu de tout bois. J’intègre une idée par ci, un exercice par là. Pourvu qu’ils m’aident à devenir plus attentif à ma vie intérieure. A priori je n’exclus rien pour « fortifier mon être intérieur », selon l’expression paulinienne. (Ephésiens 3.16)

            Si mon intériorité a besoin d’être affermie, cela veut dire aussi que j’y découvre des fragilités. Avancer dans la vie spirituelle, c’est les identifier de mieux en mieux. Le cœur de l’homme est une floraison délicate, que les courants d’air peuvent abîmer. Jésus, nous disent les Evangiles, le connaissait mieux que quiconque et il nous enseigne à le garder comme la chose la plus précieuse.

            Si rien n’est à exclure pour développer cette floraison intérieure, tout n’est pas utile. Chacun doit faire le tri et trouver la spiritualité qui lui convient…ou bien un alliage de différentes approches. Avec le temps, je discerne, cependant, dans ma vie spirituelle quatre moments importants : l’écoute intérieure, la pratique de la méditation, le partage des expériences et l’entretien personnel. Décrivons-les brièvement.

 

L’écoute intérieure.

               Ecouter la voix de l’Esprit Saint, qui habite en nous ne va pas de soi. Il faut d’abord reconnaître qu’il souffle en cet endroit que la Bible appelle le « cœur » et qui est plus profond que l’émotion, la raison, l’affectivité. Cela ne va pas sans une certaine conversion de notre regard sur la personne humaine. Un déplacement, comme on aime à le dire aujourd’hui. Il s’agit de « rentrer en soi-même », comme le fils prodigue, d’en chercher le chemin et d’en prendre conscience.

              Rentrer en soi-même est le premier mouvement, fondamental d’un cheminement spirituel. Et que découvre-t-on : « Le Christ habite dans vos cœurs par la foi » (Ephésiens 3.17). Il est le centre de ma personnalité et éclaire de sa douce lumière intérieure les parties sombres de mes journées. Chaque jour est une nouvelle occasion pour apprendre à mieux écouter cette voix de l’Esprit Saint qui parle en nous et à la distinguer des tendances de l’Ego prisonnier d’avidités et de possessions.

              L’Esprit Saint me vide de moi-même et vient lui-même remplir ce vide. La vie chrétienne consiste écouter sa voix qui parle en nous, c’est-à-dire à lui être docile. L’Esprit Saint est ce maître intérieur qui guide et stimule. Je me rends compte que j’ai encore beaucoup à apprendre pour l’aimer de mieux en mieux, en moi comme dans chaque prochain.

 

La pratique de la méditation

            Au cours de la journée, j’essaye de trouver, si possible, un moment pour la méditation. Une demi-heure au moins m’est nécessaire pour entrer dans une certaine profondeur. Je me mets en présence de Dieu, j’ouvre l’Ecriture et lis généralement le passage indiqué dans la liste des lectures quotidiennes. Parfois je lis un autre passage en relation avec ma vie immédiate ou encore un texte de spiritualité.

            J’essaie d’abord de bien comprendre ce que le texte me dit, puis je le mets en relation avec ma vie. Dans le calme et le silence. Au bout d’un moment quelque chose se passe dans mon être intérieur. Une idée peut alors me frapper et éclaire tel aspect de ma vie. Puis elle fait place à une Présence. Je mets alors de côté le livre. S’ouvre alors un dialogue avec Jésus, où je me laisse entraîner par lui, où je l’adore, lui remet ma vie, lui parle de tout ce qui me préoccupe, lui demande tout. A la fin je note quelques idées par écrit.

            Cette démarche est inspirée de la Lectio divina : la Parole lue devient méditation et prière. L’Ecole de la Parole en Suisse romande a popularisé cette approche. Je la pratique dans un groupe œcuménique de ma paroisse, en couple et à d’autres occasions. Vivre ensemble cette méditation, une fois par mois m’aide beaucoup à persévérer dans une pratique personnelle. Encore un mot, l’élément de la répétition me semble important. Je reviens sur le même texte et le garde à l’esprit durant plusieurs jours. Il révèle ainsi son étonnante profondeur et l’énergie qu’il contient.

             J’aime aussi prendre une Parole biblique et vivre avec elle durant tout un mois. L’Evangile de Jean en particulier invite à faire habiter la Parole en nous, afin que le Christ se forme en nous (15.7, 23). Le sarment greffé sur la vigne ne prend pas d’un coup, ainsi la Parole de Jésus a besoin d’être intériorisée et mémorisée pour que sa sève se communique à nous. En résumé la méditation de la Parole non seulement affermit mon Moi, mais le révèle dans sa Vérité, qui est le Christ en moi.

 

Le partage des expériences.

            Dans mon cheminement, à bien des reprises, j’ai été encouragé par des chrétiens, qui m’ont communiqué leur expérience de Dieu dans leur vie. Je me disais : si le Christ est vivant en eux, pourquoi ne le serait-il pas en moi ? Quelques fois j’ai reçu aussi un encouragement du témoignage de vie de croyants d’autres religions et de personnes sans convictions religieuses. Cette constatation me conduit à dire qu’écouter la voix intérieure de l’Esprit, faire méditation et vivre la Parole ne me suffisent pas.

            Une troisième étape me paraît importante : celle du partage de ce que nous avons reçu du Seigneur dans la méditation et de ce que nous avons pu vivre avec sa Parole. Dans la vie spirituelle, tout ce qui n’est pas communiqué se perd. Mais je fais cette expérience que ce qui est donné aux autres, non seulement leur est utile, mais aussi m’affermit moi-même.

            Parfois par fausse humilité, par timidité, ou par trop grand respect humain (mal placé), nous omettons de communiquer aux autres l’action de Dieu dans nos vies. Parfois aussi l’activisme de nos vies nous porte vers les choses extérieures plutôt qu’à « vivre dedans » et de partager en profondeur.

            Le partage des expériences (sans vanité) contribue à épanouir la floraison extérieure, celle du Moi communautaire. Et, par effet de boomerang, un corps ecclésial en bonne santé renforce la floraison intérieure, celle du Moi individuel. Autrement dit : la sanctification de l’autre a un effet sur la mienne. La foi qui grandit dans ma sœur et mon frère, en particulier celle des jeunes, me fait grandir aussi. La volonté du Seigneur n’est pas de faire de nous des élites spirituelles mais de nous faire croître ensemble vers le Christ.

 

L’entretien personnel.

            Après un certain nombre de milliers de kilomètres, il ne suffit pas de laver et de vidanger l’huile pour garantir la sécurité de votre voiture. Elle a besoin d’une révision chez un garagiste. Ainsi en va-t-il pour nous. Quelques fois par année – plus si nécessaire – je sens qu’il est bon de réviser les différents rouages de mon Moi, infiniment plus complexe que le plus sophistiqué des ordinateurs, avec une personne expérimentée dans la vie spirituelle.             Quand je tarde à le faire, j’en ressens les effets négatifs. Soit je m’installe dans des habitudes, soit je m’agite dans le stress.

            Dans l’Evangile, il est intéressant de voir comment Jésus rencontre les personnes en les accueillant telles qu’elles sont et en leur révélant le don de Dieu. Nous pouvons nous laisser enseigner de Jésus sur la manière de vivre un entretien personnel. Prenons la rencontre avec la Samaritaine (Jean 4). Il désire lui donner une chance de se mettre en route. Il la rencontre d’abord sans la juger, sans fermer non plus les yeux sur la réalité de sa vie mais en l’aimant de tout son cœur. Jésus l’accueille avec un esprit totalement vide, afin qu’elle puisse s’ouvrir et lui confier ce qui la préoccupe. Puis vient le moment où il peut lui parler dans l’Esprit Saint.

            Ainsi en va-t-il dans ces moments privilégiés. L’écoute inconditionnelle que je rencontre chez le frère me permet de partager mes luttes et mes victoires, mes reculs et mes progrès. Toujours, je suis reconnaissant à l’Esprit Saint pour la lumière et l’encouragement reçus après ces entretiens. Bien souvent je comprends mieux ensuite mon chemin à la suite du Christ. La joie et la paix ressenties par les deux personnes à l’issue de l’entretien montrent qu’il s’agit là d’un don réciproque.

                                                                                    Martin Hoegger


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