On ne voit bien quavec le coeur

Tout faire avec le coeur

Aumône, prière et jeûne. (Matthieu 6,1-24) J’ai appelé cela les « trois piliers de la vie spirituelle » dans l’enseignement de Jésus dans le Sermon sur la montagne.  Pour Jésus, la vie religieuse repose sur ces trois piliers. Ces piliers portent tout l’édifice du sermon sur la montagne. En effet ce passage sur l’aumône, la prière et le jeûne se situe exactement au centre du Sermon sur la montagne.

 

Le triple commandement d’amour

Ces trois piliers correspondent au triple commandement d’amour donné par Jésus :

– la prière : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force et de toute ta pensée. » Le premier commandement exprime notre relation avec Dieu.

– L’aumône : « Tu aimeras ton prochain… » Notre relation avec le prochain est exprimée par l’aumône.

– Le jeûne : « comme toi-même. » Le jeûne signifie notre relation avec nous mêmes.

 

Sobriété, justice et piété

La même idée se trouve dans la triade « sobriété, justice et piété » dans la lettre à Tite : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux désirs de ce monde, pour que nous vivions dans le temps présent avec réserve, justice et piété, en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ ». (Tite 2,11-13)

La sobriété indique la relation avec soi-même, la justice celle avec notre prochain, la piété celle avec Dieu.

 

Les trois tentations de Jésus

On retrouve encore ces trois piliers dans le récit de la Tentation de Jésus. Dans les trois tentations, le diable essaye de séduire Jésus en tordant le sens des trois relations fondamentales avec Dieu, avec l’autre et avec nous-mêmes.

– Le jeûne : Après 40 jours de jeûne, Jésus a faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à ces pierres : « Changez-vous en pains ! » Le diable attaque Jésus dans sa faim, dans sa relation avec soi-même. Jésus répond que l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de le parole de Dieu

 La prière : La deuxième tentation concerne la relation de Jésus avec la confiance en Dieu. Le diable l’invite à provoquer Dieu en se jetant du sommet du temple. Jésus y résiste en citant à nouveau l’Ecriture sainte.

– L’aumône : La troisième tentation en est la perversion. Le diable montre toutes les richesses du monde à Jésus et lui promet de les lui donner s’il se met à genoux devant lui. Cette tentation exprime notre relation avec l’argent. Et notre relation avec l’argent signale notre relation avec notre prochain.

 

Les trois angles d’un triangle

Trois piliers de la vie spirituelle : l’aumône, la prière et le jeûne. On pourrait aussi parler des trois angles d’un triangle, qui sont Dieu, le prochain et moi-même. Donner de son argent à ceux qui sont dans le besoin exprime le mieux ma relation avec le prochain. Mais il existe, bien sûr, d’autres manières d’être en relation avec autrui. Prier exprime le mieux ma relation avec Dieu. Jeûner exprime symboliquement la relation avec moi-même.

 

Au centre : le pardon

Au centre du centre du Sermon sur la Montagne, il y a le Notre Père, avec l’insistance sur l’exigence du pardon. Car chez Matthieu après avoir prié « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, Jésus ajoute : En effet, si vous pardonnez leurs fautes aux autres, votre Père qui est dans les cieux vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père ne vous pardonnera pas vos fautes non plus. »

L’insistance sur le pardon est là pour bien nous faire comprendre que sans le pardon envers ceux qui nous ont blessés, rien n’a de la valeur, aucune pratique aussi religieuse soit-elle. Donner son argent aux pauvres, la prière et le jeûne doivent être accompagné d’un désir de vivre en paix avec tous, d’ôter toute amertume dans notre cœur, de clarifier nos relations avec tous. Jésus nous appelle à tout faire avec le cœur

 

Comment vivre libre ?

Les versets qui suivent sur les trésors (6,19-21) le regard (6,22-23) et les deux maîtres (6,24) correspondent aux trois parties qui précèdent sur l’aumône, la prière et le jeûne. Ils proposent une vraie charte de la liberté chrétienne

       Comment ne pas amasser de trésors que les voleurs dérobent ici-bas ? C’est simple ! En partageant ses biens, en pratiquant l’aumône !

       Comment ne pas se laisser séduire et fasciner ? C’est simple ! En orientant notre regard vers Dieu dans la prière !

       Comment ne pas se laisser dominer par quoi que ce soit ! C’est simple ! En pratiquant le jeûne de tout : de nourriture comme des autres habitudes qui colonisent sans cesse notre esprit.

Le chrétien sera donc « un libre seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le Chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout un chacun ». (Martin Luther)

« Je veux l’homme maître de lui-même afin qu’il soit mieux serviteur de tous » (Alexandre Vinet)

 

Tout faire avec le cœur

En définitive Jésus appelle à tout faire avec le cœur : l’aumône, la prière et le jeûne. Chacune de ces pratiques n’a de la valeur que si elle part de l’intérieur, avec la sincérité du cœur. Il critique une religion de façade. Le formalisme religieux n’a pas de place dans sa pensée.

« Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hpmmes pour attirer leur regard ». (Mat 6,1) L’aumône, la prière et le jeûne doivent se faire dans le secret (v. 4, 6, 18) :

C’est du cœur que jaillit la vie, et c’est dans son cœur que l’homme rencontre Dieu. Tout doit être fait par amour envers Dieu, son prochain et soi-même.

C’est ainsi que vivait Marie qui méditait tout ce qui lui arrivait avec le cœur (Luc 2,19).

Comme Paul qui était persuadé que sans amour, on n’est rien du tout :

Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour,
je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.

Quand j’aurais le don de prophétie,
la science de tous les mystères et de toute la connaissance,
quand j’aurais la foi la plus totale,
celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour,
je ne suis rien.

Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés,
quand je livrerais mon corps aux flammes,
s’il me manque l’amour,
je n’y gagne rien
. (I Corinthiens 13,1-3)

Et l’amour obtient tout ! Il obtient la récompense dont parle Jésus (6,1). Cette récompense n’est pas la satisfaction éphémère de ceux qui se font voir (6,2,5,16), mais la joie permanente de la présence de Dieu-Trinité dans notre cœur : « Celui qui m’aime gardera ma Parole, mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et ferons notre demeure en lui » (Jean 14)

Prière
Père,
Je veux me laisser regarder par toi.
Tu vois dans le secret de mon cœur
Et connais ses moindres mouvements.
Je m’expose à toi.
Ton amour me fait vivre.
En toi j’existe vraiment,
Et je n’ai plus besoin de me faire voir
Pour être !

Jésus,
Donne-moi ton regard sur les êtres !
Toi qui regardais chacun avec le cœur,
Transforme le mien
pour qu’il voie et s’émerveille !
Donne-moi non de voir et comprendre pour aimer
Mais d’aimer pour voir comprendre !


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