2015 12 19 19.15.41

Luc 1,50 – Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent

1. Un appel à la confiance

Cette parole tirée du cantique de Marie, je l’ai reçue de manière très personnelle, il y a quelques années. Je vivais un temps de solitude et je me demandais comment j’allais avancer dans ma vie.
C’est alors que Dieu est intervenu. Et cette parole s’est gravée dans mon esprit comme un fer rouge.
Chez moi, je la lis tous les jours sur un petite céramique accrochée au mur. En fait c’est une parole analogue tirée d’une lettre de Paul : « Dieu est riche en miséricorde » (Eph. 2.4, en portugais)
C’est pour moi une parole « rhema ». Ce mot grec signifie une parole personnelle, comme celle que Marie a reçue de la part de l’ange et à qui elle a dit « je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta Parole! ».


Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Cette parole est devenue la voix personnelle de Dieu pour moi. Une parole que l’Esprit saint a soulignée dans ma vie.
A quoi m’appelle-t-elle ? D’abord à la confiance en Dieu-miséricorde.
Je reviendrai souvent sur ce thème durant cette « année de la miséricorde ». Comme je l’ai déjà dit et écrit, cette année décidée par le pape François, nous concerne aussi, nous protestants. « Nostra res agitur » !

Le Cantique de Marie nous dit ce qu’est la miséricorde.
Marie a fait l’expérience de la bonté de Dieu envers elle. Elle l’a fait même physiquement, puisque l’enfant de la promesse grandit en elle.
Elle sait qu’elle est dans la lignée de tout un peuple qui a fait avant elle cette même expérience. Depuis Abraham jusqu’à elle, elle confesse que Dieu est celui qui est miséricordieux.
Ce mot miséricorde a une grande richesse de sens dans la Bible. Je ne veux pas ici le développer, il suffit de dire qu’il exprime la tendresse maternelle de Dieu, sa bonté, sa grâce, son intervention pour sauver, libérer, pardonner.
Chanter avec Marie « sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent », c’est donc d’abord renouveler sa confiance en un Dieu qui est amour. Surtout dans les moments difficiles.
C’est s’attendre à lui, croire en la promesse de Jésus ressuscité : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Oui, depuis sa résurrection, Jésus veut entrer dans nos vies, manifester sa bonté, nous irriguer de sa vie, nous éclairer de sa lumière !

2. Un cœur qui porte son regard sur nos misères
« Il a porté son regard sur l’humilité de sa servante ». Ce verset du Magnificat nous introduit dans la dimension profonde de la miséricorde.
Le mot « humilité » peut aussi être traduit par « humiliation ».
Le terme grec est tapeinosis. Dans la version des LXX (Traduction grecque de l’Ancien Testament), nous le trouvons dans l’épisode d’Agar humiliée par Sara. Un ange la console dans des termes analogues à ceux que Marie entendra : « Tu es enceinte, tu vas enfanter un fils, et tu lui donneras le nom d’Ismaël (c’est-à-dire : Dieu entend), car le Seigneur t’a entendue dans ton humiliation. » (Gen 16,11)
De même Léa humiliée par Rachel s’écrie : « Le Seigneur a regardé mon humiliation » (Gen 29,32), comme Jacob exploité par Laban : « Dieu a regardé ma détresse (tapeínosis) et ma peine » (Gen 31,42). Il est aussi employé pour Anne, stérile et humiliée : « Oui en vérité tu regarderas l’humiliation de ta servante » (1 Sam 1,11) ou pour Israël exploité en Egypte : « Le Seigneur a regardé notre misère » (Dt 26,6-7).
Le sens est clair : Dieu s’incline sur le misérable, il est attentif au faible, il se met du côté du pauvre. « Regarder l’humilité » est expression de la compassion divine vers la misère de l’humanité. Dieu a un regard de miséricorde pour les délaissés. Et il exprime ainsi sa volonté de libération. En effet, le « regard » de Dieu est souvent accompagné d’une action libératrice : « J’ai vu la misère de mon peuple…. je suis descendu pour le libérer ». (Exode 3,7-8 ; cf Ps. 103,20)
Marie, dans le Magnificat, confesse que Dieu a regardé son humiliation. Le Seigneur l’a choisie parce qu’elle était pauvre et humiliée. Avec beaucoup de pauvres, Marie a vécu l’humiliation de la pauvreté, de l’exclusion et du jugement. Elle est l’icône de l’humanité humble, atterrée.
Mais par l’enfant que Marie porte en elle, elle comprend maintenant que Dieu veut participer à cette humiliation. Dieu entre dans la misère humaine. Il veut la vivre de l’intérieur, avec son cœur.

Jesus humilieLe mot miséricorde dit cette réalité car il est composé de deux mots : misère et cœur.
La miséricorde c’est le cœur de Dieu qui veut souffrir avec nous, traverser avec nous nos humiliations.
Jésus est le visage de ce Dieu humble. Qui a été plus humilié que lui sur son chemin de croix ?
Mais qui aussi a répondu à l’humiliation par autant de miséricorde ?
Jésus est le visage de la miséricorde qui supporte tout, espère tout, croit tout.

3. Miséricorde agissante
Mais ce visage qui a été défiguré durant la passion est à jamais ressuscité. La mort n’a pas pu retenir celui qui n’a fait qu’aimer. Désormais il est à jamais présent, il prie pour nous et nous rejoint dans toutes nos humiliations.
Le Christ agit au milieu de nous en manifestant sa miséricorde.
Le Magnificat exprime cette miséricorde agissante par une liste impressionnante de verbes d’action : Dieu intervient, disperse les orgueilleux, abaisse les puissants et les riches, élève les humiliés, rassasie les affamés.
Mais il y a une condition précise pour que Dieu se manifeste ainsi. Laquelle ?
Il faut l’aimer. C’est pourquoi Marie chante : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ».
Craindre Dieu ? Ce verbe est aujourd’hui mal compris.
Alors traduisons-le par le verbe aimer ! C’est en fait son sens dans l’Ancien Testament.
Craindre Dieu, c’est l’aimer. Plus précisément, c’est l’aimer en étant miséricordieux les uns avec les autres.
Le livre des Proverbes et certains psaumes le disent clairement : la crainte de Dieu que les sages veulent nous enseigner consiste à manifester du respect envers autrui, de la bonté, rechercher la paix, refuser la médisance. (Voir psaume 34, entre autres).
A celui qui vit ainsi, Dieu révèle sa miséricorde.
Nous rejoignons alors le cœur de l’enseignement de Jésus dans son sermon sur la montagne : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » ; « Heureux les miséricordieux, car il leur sera fait miséricorde » ; et encore dans l’Evangile de Jean : « Celui qui m’aime gardera ma Parole (qui se résume dans l’amour réciproque), mon Père l’aimera et nous viendrons à lui ».
Si tu désires goûter combien le Seigneur est bon (Ps 34,7), sois bon envers autrui ! Si tu désires que la miséricorde de Dieu s’étende sur toi et les tiens, sois miséricordieux envers ton prochain !

4. La miséricorde, un chemin pour tous
Après avoir chanté son Magnificat, « Marie demeura avec Elisabeth pendant environ trois mois, puis elle retourna chez elle ». Mais elle reviendra dans cette région quelques mois plus tard pour mettre au monde son enfant.
Désormais le chemin de Marie sera un pèlerinage de miséricorde. Une miséricorde qu’elle recevra et donnera. Elle la reçoit car le Tout Miséricordieux vit sans cesse avec elle. Qui d’autre en fera davantage l’expérience ? Elle la donne, car elle met au monde le Miséricordieux et en sa compagnie elle ne peut que donner de la bonté.
Notre vocation, toute proportion gardée, est semblable : recevoir et donner la miséricorde. Notre vocation est donc, dans un certain sens, « mariale ».
Nous recevons la miséricorde de deux manières : d’abord en nous approchant de ce Dieu « riche en miséricorde ». Comment ? En s’imprégnant de sa Parole, par la prière et par la méditation. Quand sa Parole de miséricorde nous habite, comme elle habitait Marie qui la méditait sans cesse (Luc 2,18), alors la miséricorde du Christ vient nous animer.
Puis, nous recevons la miséricorde en nous approchant de notre prochain pour le servir. Alors Jésus qui nous attend en lui, particulièrement dans les plus petits (Mat 25,40), nous donne sa paix et sa joie.
Oui, que la miséricorde devienne notre chemin, sur les traces de Marie ! Elle est notre grande sœur et nous entraîne dans ce pèlerinage.
Que l’Esprit saint nous révèle les dimensions de la miséricorde dans toutes nos situations. Que rien ne soit fait sans miséricorde ! Que la miséricorde soit notre seul moyen !
Alors, avec Marie, nous pourrons aussi chanter :
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Saint Loup, 20 décembre 2015

Voir le message : « Marie, pèlerine de miséricorde »

Dossier sur la miséricorde

 


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