La femme courbee.2

La misère devant la Miséricorde : deux femmes devant Jésus (Luc 7 et 13)

La première femme, sans doute âgée, est courbée depuis 18 ans à cause d’une infirmité de son corps :

Il y avait là une femme habitée par un esprit qui la rendait infirme depuis 18 ans; elle était courbée et ne pouvait pas du tout se redresser. Lorsqu’il la vit, Jésus lui adressa la parole et lui dit: «Femme, tu es délivrée de ton infirmité. » Il posa les mains sur elle; immédiatement elle se redressa, et elle se mit à célébrer la gloire de Dieu (Luc 13,10-14)
L’autre sans doute plus jeune, aux pieds de Jésus à cause d’une blessure de son âme.
Une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville apprit que Jésus était à table dans la maison du pharisien. Elle apporta un vase plein de parfum et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait, et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les embrassa et versa le parfum sur eux… Jésus prit la parole : ses nombreux péchés ont été pardonnés, puisqu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui l’on pardonne peu aime peu. » Et il dit à la femme: «Tes péchés sont pardonnés. » Les invités se mirent à dire en eux- mêmes: «Qui est cet homme qui pardonne même les péchés? » Mais Jésus dit à la femme: «Ta foi t’a sauvée. Pars dans la paix ». (Luc 7,37-50)
Deux femmes que Jésus relève et à qui il redonne dignité, paix et élan de vie.
Cette icône de la « femme courbée » me touche. Elle m’a été donnée par une amie iconographe après que j’ai vécu un temps de maladie, cet été. Elle me témoigne de cette grâce : moi aussi j’ai été relevé !

La foi née de la Parole du Christ

Dans le premier récit, Jésus prend l’initiative et par sa parole efficace guérit cette femme courbée. Son acte suscite la louange de celle-ci.
Dans le second récit, on devine que derrière son geste fou de cette femme, le cœur de cette femme a été touché. Quelle parole a-t-elle entendu ? On l’ignore. Toujours est-il que Jésus a suscité en elle une confiance extraordinaire la conduisant à un acte extravagant, contre toute convenance sociale. En plein repas elle entre dans une maison et embrasse les pieds de Jésus en y versant du parfum.
La foi vient de l’écoute de la Parole de Dieu, dit l’apôtre Paul, mais cette femme a non seulement entendu, elle a vu comment Jésus se comportait avec les petits, les exclus, les pécheurs. Elle a été bouleversée par sa miséricorde.Le repas chez Simon
Cette « pécheresse » comme la présente l’Evangile nous montre un grand exemple de foi. Peut-être le plus grand de tout l’Evangile. A travers elle nous découvrons que la foi est un élan de tout l’être vers le Christ, un attachement total à ses paroles et sa personne, une attitude d’humilité devant lui. Le corps participe à ce mouvement de confiance.
« Elle a montré beaucoup d’amour », dit Jésus, sans préciser envers qui. Mais tout le récit nous fait deviner qu’en lui, elle a aimé Dieu « de tout son cœur, de toute sa force et de toute sa pensée ». L’autre mot pour désigner l’amour pour Dieu est le mot « foi ». Cette foi qui vient à Jésus et l’embrasse pour recevoir de lui pardon, guérison, vie nouvelle, lumière, inspiration, libération…

Deux femmes blessées
Ces deux femmes sont des éclopées de la vie. L’une dans son corps, l’autre dans son âme. L’une par une oppression, une présence de « Satan qui la tenait attachée depuis 18 ans » (13,16), l’autre par des choix de vie qui ont l’ont blessée.
Il y a tant de blessures ! Celles provoquées par la maladie, un accident, une catastrophe. Celles que je provoque à mon prochain. Celles qu’autrui m’inflige ou celles encore que je me fais à moi-même.
Terribles sont aussi les regards d’exclusion de ceux qui jugent ces deux femmes ! Un simple regard peut signifier une condamnation (7,39 ; 10,14) !
Jésus, quant à lui, veut la miséricorde, non le sacrifice, ni le jugement, ni la rigueur de la loi. Il est la Miséricorde devant la misère humaine.
Ces deux femmes symbolisent cette misère. Elles représentent vous et moi, dans nos courbures, nos abattements, nos égarements, mais aussi dans nos espérances, nos confiances, nos élans.
Ces deux femmes symbolisent l’Eglise, son Epouse que le Christ veut debout, « glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable » (Eph 5,27).

La lumière de la Parole
Jésus parle. Mais avec quelle autorité ! Sa parole réalise ce qu’elle dit : «Femme, tu es délivrée de ton infirmité. » Il posa les mains sur elle; immédiatement elle se redressa » (13,12). Dans le cas de la deuxième femme il prend d’abord sa défense et ferme le bec au pharisien Simon rempli d’esprit de jugement. Puis il déclare à la femme : « Tes péchés sont pardonnés ». (5,48)
Paroles lumineuses, performatives, transformatrices ! Autorité que Jésus donne ensuite à ses disciples le jour même de la résurrection : « Recevez le Saint- Esprit ! Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jean 2,23). Et après Pentecôte, Pierre dit au mendiant paralysé : « Je n’ai ni argent ni or, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche » ! (Actes 3,6)
Désormais le Christ agira à travers nos paroles, car il se tient au milieu de nous. A condition que nous croyions en lui et soyons unis en son nom, miséricordieux les uns envers les autres (Mat 18,21) !
Alors un chemin de reconnaissance et de paix s’ouvrira devant nous, comme il s’est ouvert pour ces deux femmes : « Elle se mit à célébrer la gloire de Dieu »… « Ta foi t’a sauvée, va en paix » ! Un chemin qui ne pourra se vivre désormais que dans la foi, sans laquelle nous nous courbons sous le poids des fardeaux ou nous nous égarons dans les méandres de l’humanité sans Dieu.


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