Emmaus Arcabas

Emmaüs, chemin d’espérance

Les pèlerins d’Emmaus, selon ArcabasJ’espérais réussir mon examen, mais j’ai échoué. J’espérais que mon ami guérisse, mais le Seigneur l’a repris. J’espérais cette place d’apprentissage, mais je n’ai pas été pris. J’espérais…

Découragés, les deux disciples retournent à leur village. Eux aussi ont mal à l’espérance : « Nous espérions qu’il délivrerait Israël. »

C’est toujours tragique quand on parle d’espérance au passé. L’imparfait traduit bien le désespoir : « Nous espérions, mais voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. » Une espérance imparfaite !

Ce manque d’espérance, nous le retrouvons partout. Les pasteurs de ma génération espéraient que le christianisme puisse encore se développer. Mais nos églises se ferment, peu de jeunes étudient pour devenir pasteur …

Nous espérions que nos enfants, avec l’éducation qu’ils ont reçue de nous, puissent transmettre le flambeau de la foi à leurs enfants, mais combien d’entre eux font encore baptiser leurs petits ou les présentent à l’Eglise pour être bénis ?

Dans nos propres vies, nous devons parfois faire face à des situations humainement sans issue : un deuil cruel, une maladie incurable, la fin d’une grande amitié, une perte d’emploi, une traîtrise provenant d’un ami, une dépendance à l’alcool, une infidélité désastreuse…

Et comme les disciples d’Emmaüs, nous rentrons à la maison, la tête basse, le regard éteint, oubliant que lorsque nous chutons, nous ne pouvons tomber que dans les bras du crucifié-ressuscité.

Charles Péguy écrivait au sujet de l’espérance : « Le facile et la pente est de désespérer et c’est la grande tentation ». C’est pourquoi il invite à ranimer la « petite fille espérance » :

« C’est elle, cette petite, qui entraîne tout.

Car la Foi ne voit que ce qui est.

Et (l’espérance) elle voit ce qui sera.

La Charité n’aime que ce qui est.

Et (l’espérance) elle aime ce qui sera »

Nous sommes tous, à un moment ou l’autre, sur la piste rocailleuse d’Emmaüs, à la tombée du jour, abattus et sans réponses à nos problèmes. Nous continuons à avancer parce qu’il faut bien aller de l’avant, mais le cœur n’y est plus. Notre chemin s’enfonce dans la nuit.

Mais c’est alors, osons l’espérer, que Dieu veut venir nous y rejoindre. Lorsque nous avons l’impression d’être dans une impasse. Et peut-être justement parce que c’est une impasse, le Seigneur se joint à nous, rendant peu à peu notre cœur tout brûlant.

L’icône de la résurrection nous montre le Christ brisant les verrous de l’enfer. « Il a forcé le séjour des mort », disons-nous dans le Symbole des Apôtres. Désormais, il n’y a aucun « enfer » dans nos vies qui n’ait une possible porte ouverte. Désormais le verset de Dante sur l’Enfer – « Vous qui entrez ici laissez toute espérance » – est contredit.

Comment Jésus s’y prend-il pour rallumer notre espérance ? Relisons le texte des disciples d’Emmaüs. Jésus a trois tactiques :

    – D’abord il nous rencontre comme une personne.

     – Puis il nous fait relire notre passé à la lumière des Écritures.

     – Enfin il nous rencontre à travers la Sainte Cène.

Trois « sacrements » : celui de la Rencontre, celui de la Parole et celui de la Cène. Reprenons-les les uns après les autres :

 

La Rencontre

Jésus vient à travers un ami, un étranger, une rencontre, un événement heureux ou malheureux. Au premier abord, nous ne le reconnaissons pas. Nous le pensions confiné dans nos Églises. Mais il est là, qui nous accompagne sur la route.

Le Christ se fait reconnaître là où il y a fraternité et partage. Chaque rencontre est une occasion pour que le Christ s’infiltre au milieu de nous, mais cela n’est pas automatique. Il y faut certaines conditions, en particulier de vivre l’Évangile de la miséricorde et du pardon.

Là où il y a la critique et le non pardon, là Dieu n’est pas présent. Là où il y a amour et charité, là le Christ se manifeste. Vivons donc de telle manière pour qu’il puisse être au milieu de nous !

La rencontre avec le Christ dans l’autre ranime l’espérance. Un samedi, alors que je séchais dans la préparation de ma prédication du lendemain, je décidai d’aller visiter un malade. De retour chez moi, j’avais plein d’idées. Je crois que Jésus m’attendait dans ce malade et m’a renouvelé. 

 

La Parole

L’étranger qui a rejoint les deux hommes sur le chemin d’Emmaüs fait relire les Écritures. Avec calme, l’inconnu fait revoir ces événements sous un angle nouveau. Il éclaire tout cela par la foi.

Nous aussi, nous avons à relire chaque journée avec la Parole de Dieu. Le soir venu, avant de nous endormir faire ce qu’on appelle notre « examen de conscience » à la lumière de la Parole.

Prendre un bref texte, le lire, le relire et faire silence devant lui pour le laisser descendre en nous, pour qu’il passe de la tête au cœur. Et voici que la Parole de Dieu, que nous pensions connaître, se met à éclairer nos réalités quotidiennes d’une lumière nouvelle.

 

La Sainte Cène

À la fraction du pain, les disciples le reconnaissent et peuvent maintenant retourner à Jérusalem en pleine nuit pour retrouver leurs frères, qu’ils avaient abandonnés le matin même.

Les mots de ce repas montrent bien qu’il s’agit de la sainte Cène. La Cène nous centre à chaque fois sur le cœur de notre foi : Jésus Christ mort pour nous et ressuscité pour nous communiquer sa vie.

Elle nous permet de comprendre l’Écriture dans cette perspective pascale, qui est celle que Jésus a voulue.

Plus je participe à la Cène, mieux je comprends que le centre de toute l’Écriture est Jésus crucifié et ressuscité. La Cène me conduit à mettre chaque passage de la Bible en relation avec lui.

Une célébration fréquente de la cène ouvre nos yeux sur le Christ, sans cesse menacés de cataracte spirituelle. Ce récit nous fait comprendre que la Cène n’est pas seulement une évocation du dernier repas, mais surtout une rencontre avec Jésus.

L’histoire des disciples d’Emmaüs nous invite aujourd’hui à ranimer l’espérance (ou, comme le dit la Règle de Saint Benoit, à « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu ») en passant par ces trois chemins :

– à accueillir le frère et la sœur, particulièrement ceux qui sont dans le besoin,

– à relire notre vie à la lumière de la Parole de Dieu,

– et à partager ensemble le pain de la Sainte cène.

Trois chemins que Jésus ressuscité ne cesse d’emprunter pour venir à nous.

Pour rallumer en nous le feu de l’espérance (ou pour faire bondir de joie la « petite fille espérance » en nous), marchons toujours sur ces trois chemins de la Rencontre, de la Parole et de la Cène !

 

Nous avons marché ensemble vers Emmaüs

et nous croyons que tu es le pèlerin invisible parmi nous.

Toi, le Ressuscité parmi nous, tu nous ouvres les uns aux autres

et tu fais monter en nous une joie et une force nouvelles.

 

Désormais dans nos Emmaüs de chaque jour,

nous ne voulons plus marcher sans toi,

mais en tout, suivre le chemin que tu nous as tracé.

Chemin de justice et de paix, de vérité et de fidélité,

chemin qui nous conduit vers le Père

et vers le cœur de chacun.

 

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