Voir Dieu - fin des temps

Les temps de la fin. Y sommes-nous ? Noël 2014

 Jean 1,1-14 : Hébreux 1,1-6

Je vais commencer ce message de Noël d’une manière qui pourrait surprendre.

Allons-nous vivre le dernier Noël ?

Sommes-nous aujourd’hui à la fin des temps ?  Voici une question que j’entends de plus en plus souvent.

Demandons-nous alors ce qui pourrait marquer cette fin des temps !

Est-ce la persistance des guerres ? Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale il y a eu plus de 300 guerres et 40 ne sont pas terminées aujourd’hui. Ce qui se passe au Moyen Orient ne doit pas nous faire oublier les autres guerres.

Est-ce la multiplication des catastrophes naturelles : sécheresses, tremblements de terre, inondations, dérèglements climatiques dus au réchauffement. On ne fait qu’entrevoir l’immensité de ces problèmes.

Est-ce la concentration sans précédent de puissances financières, médiatiques, politiques et économiques dans les mains de quelques groupes ? Une puissance babylonienne sans précédent.  

Est-ce la montée de l’incroyance ? L’apostasie d’une partie de l’Eglise ? En Europe, en dix ans, les personnes qui se sont détachées de la religion ont plus que doublé ?

Est-ce l’intolérance religieuse ? Jamais comme auparavant l’Eglise n’a été autant persécutée en dehors de l’Europe et des Amériques.

Est-ce la banalisation de l’immoralité à travers les mass-médias ?

Est-ce la bagatélisation de la vie humaine depuis son commencement dans le sein maternel jusqu’à l’extrême vieillesse ?

Est-ce le refroidissement de la solidarité, le fossé grandissant des inégalités entre riches et pauvres, entre nord et sud ?

Est-ce le retour du peuple juif sur la terre de ses ancêtres, en accomplissement des prophéties de l’Ancien Testament ?

Je m’arrête au risque de vous laisser. Sans doute, vous vous demandez : parler de la fin, le jour de Noël, n’est-ce pas paradoxal ? Noël fête une naissance, un commencement, une bonne nouvelle. Pourquoi parler d’événements apocalyptiques ?

Pourtant c’est bien ainsi que parle la lettre aux Hébreux : la venue du Christ au monde nous introduit dans la « période finale », ou littéralement dans « la fin des jours ». (1,2)

Alors posons-nous cette question : comment la naissance de Jésus nous fait-elle entrer dans les temps de la fin ?

A la lumière des deux textes de ce jour, j’aimerais répondre par un seul mot : voir !

Noël ouvre le temps où l’on voit Dieu ! Le voir nous introduit dans la fin des temps. Le passage de l’écoute au voir marque le commencement de la fin.

En effet avant la venue du Christ, les prophètes ont entendu Dieu parler. Mais maintenant non seulement on l’entend, mais aussi on le voit, car le Fils de Dieu « reflète la splendeur de la gloire divine ». (Hébr. 1,4)

Le prologue de l’Evangile de Jean dit la même chose : « Et la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père ». (1,14) Et un peu plus loin : « Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé » (1,18).

Le même Jean, dans sa première lettre, dira que cette Parole on peut non seulement l’entendre, mais aussi la voir, la contempler et même la toucher ! (1,1ss).

Mais comment voit-on Dieu ?

Je vais répondre à cette question en deux temps : on voit Dieu à travers la personne, la vie et l’œuvre de Jésus. Puis on voit Dieu aujourd’hui à travers la vie et l’action de l’Eglise.

Voir Dieu à travers Jésus

crecheNoël : un spectacle « son et lumière » ! Après le chant et l’annonce des anges, les bergers se disent : « Allons donc à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître ». (Luc 2,15). Puis ils racontent « tout ce qu’ils avaient vu et entendu » (2,20)

Les mages se sont mis en route après avoir vu une grande étoile. « Voyant l’enfant avec Marie sa mère, ils se prosternent et lui rendent hommage » (Mat 2,11).

Les récits de Noël mettent l’accent sur voir Dieu. Se prosterner et rendre hommage sont en effet des actes religieux réservés à Dieu.

 Chaque Noël nous le redit. Chaque crèche nous l’annonce.

« Noël est ce temps magique de l’année où même les protestants n’ont pas de problème avec des statues de Jésus, de Marie, des saints et des anges » !

Même à Saint Loup, on introduit pour Noël une icône de la sainte famille dans l’Eglise. C’est dire !

Pour voir quoi ? Pour voir Dieu enveloppé de langes sous le regard tendre et protecteur de Marie et Joseph !

Et que dit le vieux Siméon quand il prend l’enfant dans ses bras : « Seigneur, tu peux laisser ton serviteur NativiteIcône de la Communauté de Saint Loups’en aller en paix, car j’ai vu de mes propres yeux ton salut ». (Luc 2,29s)

Ce salut, les disciples de Jésus le verront à l’œuvre dans ses miracles, ses guérisons, lors de la transfiguration, quand il marche sur les eaux.

Ils le verront surtout lorsque Jésus, crucifié, restera dans l’amour et le pardon jusqu’au bout. C’est là, selon l’Evangile de Jean, qu’il manifeste sa gloire : « elle est venue l’heure où le Fils doit être glorifié » (12,21). Quel paradoxe !

Après Pâques, le message des disciples se résume en ces mots : « Nous avons vu le Ressuscité » ! Et Thomas, invité à regarder et à toucher Jésus ressuscité, s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu » ! (Jean 20,28)

Voir Dieu à travers l’Eglise

La vocation de l’Eglise est de continuer l’œuvre de Jésus, donc de faire « voir Dieu ».

Dès le jour de Pentecôte, la prédication des apôtres est soutenue par des « signes » visibles. Ils annoncent l’Evangile non seulement par des paroles puissantes, mais aussi par des guérisons.

Dieu se donne à voir dans le soin apporté aux malades, dans l’attention aux plus petits, dans l’accueil des étranges. On le voit aussi dans les sacrements de la cène et du baptême, « signes visibles dans la grâce invisible ».

Aujourd’hui comme alors, nous voyons Dieu aussi dans les miracles de lumière, de renouveau et de transformation des personnes. Comme dans la fidélité du célibat consacré, dans la résistance dans les temps de persécution, dans la joie des martyrs.

Mais, et j’aimerais terminer par ce point, ce qui convainc le plus est le style de vie des premiers chrétiens. « Tous les croyants étaient unis et partageaient entre eux tout ce qu’ils possédaient » (Actes 2,44, 4,32).

On disait d’eux : « Voyez comme ils s’aiment, ils sont prêts à donner leur vie les uns pour les autres ». Jésus lui même l’avait dit, c’est en voyant vivre ses disciples que les gens découvriront la foi : « A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean 13, 35).

Pour Origène, un grand théologien du 3e siècle, c’est la concordance de pensées et de sentiments, afin de parvenir à l’entente qui « unit et contient le Fils de Dieu». Quand l’Eglise cherche ce qui unit, elle fait voir Dieu.

C’est d’ailleurs ce qui est le plus cher au cœur de Jésus, puisqu’il en fait le sujet de sa dernière (et plus longue) prière, quasiment son « testament » : il prie pour que ses disciples soient unis entre eux, dans le même don de soi qui l’unit au Père, afin qu’en voyant cet amour, « le monde croie que tu m’as envoyé » (Jean 17,21).

Oui, aujourd’hui, la manière de vivre les uns avec les autres dans l’Eglise manifeste Dieu au monde. « Ubi caritas, Deus ibi est » – Là où il y a charité et amour, là Dieu est présent ».

Alors les causes des guerres seront éradiquées.

Alors la création chantera la gloire de Dieu.

Alors l’accumulation fera place au partage.

Alors la confiance prendra le dessus sur l’incroyance, le respect sur l’intolérance.

Alors l’immoralité et le refus de la vie cèderont le pas devant la dignité.

Alors « tout Israël sera sauvé ».

Vivons donc dans la tension vers la fin des temps en faisant « voir Dieu », en vivant les uns avec les autres, comme Jésus l’a voulu pour son Eglise.

C’est sur cet amour que nous serons jugés au dernier jour, quand il reviendra !

Martin Hoegger,

Saint Loup, Noël 2014


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