brouillard sur plateau suisse

Dans le brouillard, une Lumière !

«Debout, Jérusalem! Brille avec éclat: en effet, ta lumière arrive, la gloire du Seigneur se lève sur toi! Regarde: la nuit couvre la terre, un brouillard enveloppe les peuples!

Mais sur toi, le Seigneur se lève et sa gloire brille sur toi.
Les autres peuples marchent vers ta lumière, et les rois se dirigent vers la clarté qui s’est levée sur toi.
Lève les yeux et regarde autour de toi!
Tous se rassemblent et viennent vers toi » (Esaïe 60,1-3)

 

Un brouillard enveloppe les peuples
Pendant plus d’un mois le plateau suisse était recouvert d’un épais brouillard. Un record de durée depuis que l’on relève les données météorologiques !
Quel était votre moral pendant ce temps, alors que vous saviez que quelques mètres plus haut brillait un radieux soleil ?
Plus le brouillard s’installait, plus le désir de voir le soleil s’intensifiait.
Ainsi en va-t-il de l’espérance. Elle est d’autant plus forte qu’une situation difficile se prolonge.
Alors l’appel du prophète nous rejoint : « Regarde : la nuit couvre la terre, un brouillard enveloppe les peuples » ! (60,2)
Quel est ce brouillard qui enveloppe les peuples ?
Hier comme aujourd’hui, le brouillard est formé de vapeur d’eau. C’est toujours le même phénomène qui se reproduit partout où il y a de l’eau et des changements de température, sous toutes les latitudes, en particulier dans les vallées.
Il en va de même pour le brouillard existentiel : même si les cultures changent, même si les conditions d’aujourd’hui sont différentes, ce brouillard reste le même : injustices, voracités, repliements, exclusions, égoïsmes, violences, etc.
Bref le brouillard symbolise tout ce dont l’humanité sans Dieu et non réconciliée est capable. Ce n’est pas seulement un brouillard passager, automnal, mais un brouillard permanent qui fait partie de la condition humaine. C’est le brouillard du mal qui veut pénétrer toutes nos fibres.
Un brouillard que le Diviseur utilise pour nous dresser les uns contres les autres. Un brouillard dont nous avons besoin d’être délivrés. C’est de ce mal dont parle la demande du Notre Père qui est le cri de l’humanité : « Délivre-nous du mal ! »

« Ta lumière arrive » !
Or c’est dans ces circonstances que le prophète annonce une bonne nouvelle « Ta lumière arrive » ! (Es 60,1)
Il le dit à son peuple exilé à Babylone et à Jérusalem détruite. Oui le jour vient et il est proche où les exilés seront rassemblés à nouveau dans une Jérusalem reconstruite où on entendra les cris de joie des enfants dans ses rues.
Mais, comme pour toute prophétie, cette annonce a une portée beaucoup plus vaste. Le prophète entrevoit les temps de la fin quand Dieu rassemblera son peuple à Jérusalem et réconciliera tous les peuples. Un temps où sa lumière sera tellement forte que toute obscurité sera chassée. Un temps où une terre nouvelle et des cieux nouveau seront établis.
Vous savez que cette espérance est toujours vive aujourd’hui dans le peuple juif qui voit un début de réalisation de cette promesse depuis son retour sur la terre de ses ancêtres: « Jérusalem, tous se rassemblent et viennent vers toi. Tes fils arrivent de loin, tes filles sont portées dans les bras ». (60,3)
Jérusalem, « ta lumière arrive » ! Chaque année à Jérusalem  il y a une « fête des lumières » qui symbolise cette espérance. Jérusalem, ville où la gloire de Dieu se manifestera pleinement un jour.
Ville d’or où cette lumière se fait déjà voir un peu, comme le dit le beau chant « Yerushalaïm shel zahav » : « Jérusalem d’or »  (voir ici la version de ce chant dans le film « La liste de Schindler« ) :
…Ton nom brûle les lèvres
Comme le baiser d’un séraphin
Si je t’oublie Jérusalem…
Toi qui es toute d’or.
Jérusalem d’or, de bronze et de lumière,
Pour toutes tes chansons, ne suis-je pas un violon ?

Toutefois beaucoup de brouillard enveloppe aujourd’hui Jérusalem : violences, terrorisme, murs et barbelés, etc. Combien de temps est-ce que cela va encore durer ?
Jérusalem, ville de paix: l’espérance de paix y est d’autant plus violente qu’il n’y a pas de paix!

 

La violente espérance

L’espérance est en effet violente, comme l’écrivait le poète Guillaume Apollinaire dans son célèbre poème « Le Pont Mirabeau » :
« Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine…
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
L’espérance est protestation devant le flux du temps. Tout passe, tout s’enfuit, tout se défait, même l’amour. Les guerres, les catastrophes, les maladies et finalement la mort ont raison de tout homme. Personne n’y échappe. On pourrait désespérer face à tant de déchéance.
Pourtant l’Espérance est violente, nous dite le poète.
C’est aussi le message des prophètes, et surtout celui qui surgit de l’Evangile.
Pourquoi cette violence de l’Espérance ?
Le dimanche de l’Epiphanie nous le redit. Cette manifestation de la gloire que nous attendons pour la fin des temps, cette réconciliation des peuples entre eux à Jérusalem a été anticipée dans cet enfant né dans une crèche à Bethléem. En lui Dieu est pleinement présent et chasse tout le brouillard du mal qui opprime l’humanité.
Les mages venus d’Orient symbolisent, in nuce (en germe), cette humanité réconciliée et sauvée. « Ils apporteront de l’or et de l’encens et ils chanteront devant tous la louange du Seigneur » (60,6)
Cette gloire lumineuse de Dieu, toute la vie et le ministère de Jésus la manifeste : « Nous avons contemplé sa gloire » (Jean 1,14).
Cette gloire s’est montrée sur le mont Thabor lors de la transfiguration de Jésus.
Elle nous est révélée au plus haut point sur un autre mont où trois croix ont été plantées. Dieu était dans le Christ crucifié réconciliant le monde avec lui-même (1 Cor 5,20).
Cette gloire a jaillit du tombeau vide d’où le Christ a dissipé le brouillard de la mort.
A chaque fois que nous célébrons la Sainte Cène, nous participons, par anticipation, à cette gloire qui se manifestera à la fin des temps.

 

L’espérance part de l’avenir 

L’espérance est violente, car à l’inverse de l’espoir, l’espérance part de l’avenir. Et cet avenir c’est la pleine communion avec le Christ. Une communion dont nous faisons déjà maintenant l’expérience. Une communion – notre cœur nous le dit – qui est plus réelle que tout ce qui tombe sur nos sens.
« L’avenir de Dieu, cet avenir de communion et de fête avec lui, est avec nous », écrit le frère Pierre Yves, de Taizé, dans un beau livre sur l’espérance. « A nous la vie et la mort, le présent et l’avenir – tout. Pourquoi et à quel titre ? Parce qu’ils appartiennent au Christ. Alors, si nous sommes au Christ, comme lui-même est au Père, tout ce qui est à lui nous est véritablement donné (1 Co 3,21ss)»(*)

Guerric d’Igny, abbé cistercien du 12ème siècle, écrivait ceci par rapport à l’avenir : « Quelle joie, quelle exultation pour la foi des mages, lorsqu’ils verront régner dans la Jérusalem d’en haut celui qu’ils ont adoré quand il vagissait à Bethléem ! Ici, ils l’ont vu dans un logis de pauvre ; là, nous le verrons dans le palais des anges. Ici, dans les langes ; là, dans les splendeurs des saints. Ici, sur le sein de sa mère ; là, sur le trône de son Père. » (**)

« Jésus-Christ, notre espérance », écrit l’Apôtre (1 Tim 1,1), et encore : « Le Christ parmi nous, espérance de la gloire » (Col 1,27)
Qu’il allume en nous le feu de la violente espérance ! Que sa lumière dissipe tout brouillard dans nos vies, dans l’Eglise et dans le monde !

Lève-toi, brille : ta lumière arrive, Jérusalem ! (Esaïe 60,1)
Un jour viendra, Seigneur, où ta gloire
Resplendira à Jérusalem,
Où l’humanité enfin réconciliée
Rayonnera de ta lumière.

Ce jour est déjà venu, Seigneur,
Quand humble et fragile,
Tu as rassemblé autour de toi
Bergers de Bethléem et mages d’Orient.

Ce jour est déjà venu, Seigneur,
Quand élevé sur une croix
Et sorti d’un tombeau,
Tu nous a attirés à toi.

Ce jour est déjà venu, Seigneur,
Quand tu as répandu ton Esprit de feu
Pour réunir toute l’humanité
Dans la seule étreinte de ton amour.

Ce jour vient maintenant, Seigneur,
Quand nous célébrons ton eucharistie
Qui nous nourrit et nous unit en toi
Et nous introduit dans ta Jérusalem.

Jérusalem déjà réconciliée,
C’est ici et maintenant
Quand ta Parole est vécue,
Quand ton repas est partagé,
Quand la fraternité nous rassemble,
Quand les pauvres sont évangélisés.

Maranatha.
Viens Seigneur Jésus, viens bientôt !

Martin Hoegger, communauté de Saint Loup, Fête de l’épiphanie, 2017

(*) Pierre Yves Emery, Le souffle de l’espérance. Les Presses de Taizé, Taizé, 1985, p. 11-14

(**) 2ème sermon pour l’Épiphanie – Sourses chrétiennes 166


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