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« Le silence qui nous garde »

Une étape sur le chemin de prière de Saint LoupAprès les attentats terroristes de Bruxelles, j’ai envie de me taire. De proposer le silence comme réponse. Un silence habité, qui peut devenir force de parole, de consolation et de prière.

 

« Au cœur de l’épreuve, découvrir un Amour » ? Le thème de la retraite de Pâques que j’anime dans la communauté de Saint Loup, m’a été inspiré par la parole de l’année choisie comme mot d’ordre par cette communauté. Elle est tirée du livre des Lamentations : « Les bontés du Seigneur ! C’est qu’elles ne sont pas finies ! C’est que ses tendresses ne sont pas achevées ! Elles sont neuves tous les matins. Grande est sa fidélité » (Lamentations 3,22s)

La première condition pour éprouver l’amour de Dieu est le silence. La deuxième condition est de se tourner vers Dieu. J’en parlerai plus tard. Commençons donc par le silence, que nous allons vivre durant cette retraite. Le livre des Lamentations en parle :  « Il est bon d’espérer en silence le Seigneur » (3,25)… « Qu’il s’isole en silence quand le Seigneur lui impose une épreuve »  (3,28)

« Garder le silence, expression étrange, a écrit Bernanos, c’est le silence qui nous garde ». Mais attention au silence qui peut aussi nous ronger. On a besoin de partager ce qui nous tourmente : « Je vais garder la bouche fermée tant qu’un homme mauvais sera devant moi. Je suis donc resté muet, silencieux : je me suis tu, mais je n’ai rien gagné : ma souffrance a augmenté. Mon cœur était en feu… » (Psaume 39,2s)

Dans les Psaumes, à côté des prières d’appel au secours et de lamentation, et d’autre part la louange et l’action de grâce, il y a un troisième type de prière : la prière silencieuse. « Je tiens mon âme en paix et silence », dit le Psaume 131. C’est à cette forme de prière qu’invite aussi le Livre des Lamentations, qui est rempli de prières du premier type.

Chaque jour, dans le Temple de Jérusalem, le grand prêtre priait sans aucune parole, durant le rituel quotidien (le Tamid) dans le lieu saint. Sa prière se tait, car la communion avec Dieu peut se passer de mots. Elle est regard et contemplation des symboles, à travers lesquels Dieu parle à son peuple.

« Je tiens mon âme en paix et silence ; comme un petit enfant contre sa mère… telle est mon âme en moi. » La prière est d’abord présence. Dans l’enfant de Bethléem, Dieu est enfant – infans, « qui ne parle pas ». Il est présence avant d’être paroles. Il est simplement là pour nous dire qu’il est bon d’être en silence devant Lui.

La parole exige le silence. Elle en est la force. Son écoute présuppose le silence. Le premier mot de la Règle de saint Benoît est Ausculta (« Écoute »). L’écoute de Dieu, de sa parole, exige, nourrit et sauvegarde le silence. En hébreu, le jeu des étymologies est très « parlant ». Le désert (midbar), lieu du silence, a la même racine que la parole (dabar).

« Comment parvenir au silence intérieur, demande un frère de Taizé ? Parfois nous nous taisons, mais, au dedans, nous discutons fort, nous confrontant avec des partenaires imaginaires ou luttant avec nous-mêmes. Tenir son âme en paix suppose une sorte de simplicité : « Je n’ai pas pris un chemin de grandeurs ni de prodiges qui me dépassent. »

Faire silence c’est reconnaître que mes soucis ne peuvent pas grand-chose. Faire silence, c’est laisser à Dieu ce qui est en dehors de ma portée et de mes capacités. Un moment de silence, même très bref, est comme un repos sabbatique, un saint arrêt, une trêve du souci ».[1]

Silence et amour

Celui qui s’assied à l’écart en faisant silence sera même capable de « tendre la joue à qui le frappe, être saturé d’insultes » (Lam. 3,30). Il y a dans ce verset des Lamentations comme une anticipation du Sermon sur la Montagne. Le silence doit finalement être ordonné à l’amour, à la réalisation du Commandement nouveau du Christ : « nous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,12).

Le silence doit donc nous conduire à l’essentiel, à aimer notre prochain comme nous-mêmes. A lui écrire et lui dire les mots essentiels, les mots simples et profonds qui chantent la vie et la communion.

PRIERE

Quand je parle, Seigneur,

Que cela soit pour répandre le parfum de ta Parole.

Quand je me tais, Seigneur,

Que cela soit pour répandre le parfum de ton silence.

Quand j’agis, Seigneur,

Que cela soit pour répandre le parfum de ta bienveillance.

Quand je souris, Seigneur

Que cela soit pour répandre le parfum de ta bénédiction.

Donne-moi de tout faire avec le cœur :

De parler avec sincérité,

De me taire avec sincérité,

D’agir avec sincérité,

De sourire avec sincérité.

Qu’ainsi partout où j’aille

Se répande ton parfum


[1] La valeur du Silence, http://www.taize.fr/fr_article1053.html


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