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«Il faut travailler au renouveau de la cène dans notre Eglise»

Martin Hoegger, 49 ans, pasteur, est chargé d’un ministère de dialogue œcuménique dans l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud. Il explore les solutions pour un rapprochement

 

Le sacrement de la cène a-t-il la même importance dans les deux confessions?

Martin Hoegger: Calvin souhaitait retrouver les pratiques des premiers chrétiens et que la cène soit célébrée à chaque culte. Pour lui, comme pour les autres réformateurs, la Parole annoncée dans la prédication est indissociable de la Parole célébrée dans la cène. Ce projet n’a pas été réalisé. Les Eglises protestantes sont devenues des Eglises de la parole. Cela a pu déséquilibrer le culte, en mettant l’accent sur le prédicateur. C’est un défi à nos Eglises réformées de travailler au renouveau de la cène. La cène nous rappelle le cœur de l’Evangile à annoncer, la mort et la résurrection du Christ, la vie nouvelle en Lui. Chez les réformateurs, la théologie s’enracine clairement là-dessus. Les réformés d’aujourd’hui devraient y être plus attentifs; j’ai assisté à des cultes où le nom de Jésus n’était jamais prononcé.

Les deux confessions comprennent différemment la présence du Christ dans l’eucharistie. Existe-t-il une possibilité de rapprochement?

La réflexion œcuménique actuelle a déplacé la question. Auparavant, on s’interrogeait sur la modalité de la présence du Christ dans le sacrement. Comment le pain et le vin peuvent-ils devenir le corps et le sang du Christ? La réflexion actuelle rejoint celles des Pères de l’Eglise, qui ne réfléchissaient pas sur le comment du mystère, mais célébraient le fait de la présence du Christ. Si l’on demande à un Réformé ce qu’il a vécu lors de la cène, il dira volontiers: «J’ai rencontré Jésus-Christ», sans s’interroger sur le comment.
Peut-on mener le rite de la cène d’une façon qui convienne à la fois aux catholiques et aux protestants?
Des éléments essentiels se retrouvent dans le rituel des deux confessions. Le Conseil œcuménique des Eglises invitait les Eglises, il y a vingt ans, à suivre une sainte cène structurée en trois temps. L’action de grâce au Père pour l’œuvre de la création et du salut. Faire mémoire de la vie du Christ, de sa mort et de sa résurrection. Une invocation à l’Esprit saint pour que le pain et le vin remplissent les chrétiens de Sa présence. Cette structure trinitaire de l’eucharistie assure une convergence.

Dans l’Eglise catholique, seul un prêtre ordonné peut célébrer validement l’eucharistie. Comment faire pour qu’un ou une pasteur soit reconnu?

Je viens d’écrire une thèse sur le sujet de l’apostolicité. La question est complexe. Pour les catholiques, anglicans et orthodoxes, les nouveaux ministres doivent être insérés
dans la succession épiscopale, qui remonte jusqu’aux apôtres. A leurs yeux, la consécration d’un pasteur réformé présente un défaut, car elle n’est pas conduite par un évêque situé dans cette succession. Les Eglises réformées ne sont pas dirigées par un évêque, mais par des collèges de laïcs et de pasteurs à tous les niveaux. Une solution œcuménique tient dans une idée simple: la reconnaissance réciproque des deux formes d’organisation épiscopale et collégiale, qu’on trouvait déjà dans l’Eglise primitive, où elles vivaient en communion, où chacune avait sa propre succession apostolique. Jusqu’au milieu du 2e siècle, l’Eglise de Rome était d’ailleurs placée sous la direction d’un collège de pasteurs. Le problème n’est donc pas tant l’absence d’évêques dans notre Eglise, mais que les Eglises ne soient pas en communion au moment de la consécration de leurs ministres. Toutefois, vu la rapide généralisation de l’épiscopat, il est sans doute difficile que l’Eglise catholique puisse transiger sur ce point et reconnaître une simple collégialité de pasteurs et de laïcs, comme cela est le cas dans les Eglises réformées.

Parviendra-t-on un jour à une telle reconnaissance?

Il faut voir le chemin parcouru en peu de temps après 400 ans de divisions. Toutes les Eglises sont en dialogue. Luthériens et réformés se sont mis d’accord il y a trente ans. Luthériens et anglicans il y a 10 ans. Récemment l’Eglise anglicane et l’Eglise réformée de France sont parvenues à la communion eucharistique. Chose qui paraissait impensable, il y a seulement 20 ans. Les accords sur l’eucharistie se feront d’une Eglise à l’autre, progressivement, plus que par une solution générale. Entre catholiques et réformés, il faut souligner tout ce qui nous unit déjà, ce qui se vit concrètement dans notre canton, à l’image des célébrations de la cathédrale. Nous pouvons progresser vers la pleine communion eucharistique en redonnant à la cène sa beauté et en la célébrant à chaque culte avec tout le soin voulu.

Pour le fidèle, ce différend apparaît parfois comme une question de détail. Il est tenté de simplement passer outre…
Les subtilités théologiques échappent.

Je préfère regarder le problème en face, sans gommer la différence. Je fais l’expérience, à chaque fois que je participe à une eucharistie catholique et que je m’abstiens – comme à celle célébrée par le pape à Berne, récemment – d’une souffrance. Mais à ce moment-là, il me semble la parole de Dieu s’imprime en moi plus profondément et que l’Esprit Saint fait naître une prière pour l’unité, pour que les obstacles à la pleine communion entre nos Eglises soient ôtés. L’appel du Christ à être unis – « Qu’ils soient un ! » – nous met au défi de ne pas nous contenter de l’état actuel. Cet appel est plus toujours plus grand que nos Eglises divisées. .

(V.Vt. Bonne Nouvelle, Juillet 2004)


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